30 octobre 2014

BPCE : Une ex-directrice d'agence du Crédit coopératif condamnée pour harcèlement moral


Le Monde.fr | 04.09.2014 à 16h29 • Mis à jour le 04.09.2014 à 18h13 | Par Francine Aizicovici


Condamnée à une amende de 1 500 euros pour harcèlement moral envers cinq salariés par le tribunal correctionnel de Montpellier le 11 février 2013, Bernadette Voinet-Bellon, ancienne directrice d'une agence du Crédit coopératif dans la préfecture de l'Hérault, avait pris des risques en interjetant appel. Elle vient en effet de se voir infliger une peine de trois mois de prison avec sursis par la chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Montpellier, dans un arrêt du 1er septembre.

L'ancienne directrice n'a pas pu être jointe par téléphone mais son avocat, Jacques Martin, indique avoir aussitôt déposé un pourvoi en cassation. « Nous avons présenté de nombreux témoignages en faveur de ma cliente, dont la Cour n'a pas tenu compte », explique-t-il.
Hurlements, cris , remarques désobligeantes, ordres à exécuter sur le champ, irruption dans les bureaux de commerciaux y compris en présence de clients, etc. : ces faits, dont se sont plaints des salariés de l'agence de Montpellier en 2007 auprès de délégués du personnel, duraient, selon eux, depuis plusieurs années.
LE CHSCT ET LA DRH EN DÉSACCORD
Figurait parmi ces cinq salariés, Adolphe Gancedo, élu délégué du personnel suppléant en 2007, soit six ans après l'arrivée de cette directrice. « Les salariés ne supportaient plus cette atmosphère et m'avaient demandé de les défendre », explique-t-il.
Il avait alerté l'inspection du travail en 2008, qui avait alors dressé un procès-verbal relevant des agissements susceptibles d'être qualifiés de « harcèlement moral ». Une enquête préliminaire avait été ouverte. Le directeur des ressources humaines (DRH) du groupe avait lui aussi été informé de la situation par les délégués.
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Dans le même temps, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) avait diligenté une enquête. Conclusion : la directrice « s'investit totalement dans sa mission pour l'intérêt du groupe », mais ses « pratiques managériales » sont très mal vécues par une partie du personnel. Le CHSCT avait préconisé son « remplacement rapide ».
Le DRH du groupe de l'époque s'était bien rendu sur place à plusieurs reprises mais sa conclusion avait été très différente : « aucun élément factuel, sérieux et concordant ne peut être mis en perspective aux fins de dénoncer des pratiques prétendues de harcèlement », écrivait-il dans une lettre de juillet 2008 destinée à plusieurs salariés. « Vous entretenez un conflit dont l'objet semble être de nuire à votre directrice », ajoutait le directeur général du groupe dans un autre courrier.
LA THÈSE D'UN COMPLOT
Ainsi est née la thèse du complot qui sera au centre de la défense de Mme Voinet devant les juges. M. Martin estime que toute cette affaire a été « orchestré » par M. Gancedo, aujourd'hui élu du CHSCT et délégué syndical UNSA.
Sous-directeur d'une banque rachetée par le Crédit coopératif, M. Gancedo a été muté en 2001 à l'agence de Montpellier, qui disposait déjà d'un sous-directeur. M. Gancedo a toutefois gardé son contrat de travail de sous-directeur mais il effectuait un travail de chargé de clientèle.
Lors des débats, les avocats de Mme Voinet ont mis en avant « l'ambition de M. Gancedo et sa détermination à prendre le poste de la prévenue ». « A partir du moment où il est devenu délégué, explique l'avocat, il a envoyé des mails agressifs à Mme Voinet-Bellon, a constitué une équipe d'affidés autour de lui et monté un véritable complot avec un seul but : devenir directeur de l'agence ».
Déplorant que la Cour n'ait pas tenu compte de cet aspect, M. Martin veut pour preuve de ce qu'il avance un mail de M. Gancedo à la DRH, qu'il refuse cependant de nous adresser. Selon lui, M. Gancedo a écrit : « La situation est devenue insupportable. Je suis prêt à prendre sa place. »
M. Gancedo nous a communiqué ce mail, daté du 18 avril 2008, dont le contenu est différent : « Le remplacement immédiat (de la directrice) a semblé poser un problème. Je propose d'assurer l'intérim (…). Je vous répète n'avoir aucune ambition personnelle en la matière ».
ARRÊT MALADIE, DÉPRESSION ET MUTATION
Selon M. Gancedo, « cette histoire de complot n'a été retenue par aucun des quatre tribunaux qui se sont déjà prononcés, au civil et au pénal. Tous les intervenants sur ce dossier ont conclu au harcèlement moral. Il n'y a que le Crédit coopératif qui le nie. »
Et Mme Voinet-Bellon, qui, malgré les mises en cause répétées de son comportement, « a toujours été dans l'incapacité de se remettre en question », estime la Cour d'appel dans son arrêt. Les juges constatent aussi « l'absence complète de contrôle et de réaction de la part de la direction de la banque pour mettre fin à une situation tout à fait anormale qu'elle connaissait ».
Contactée, la direction du Crédit coopératif ne veut faire aucun commentaire, faisant valoir qu'elle n'est « pas partie prenante » dans cette procédure. Le Parquet a en effet estimé qu'il n'y avait pas matière à poursuivre la banque, à la différence de l'inspection du travail.
M. Gancedo, dont les clients ont peu à peu été retirés de son porte-feuille, a été mis en arrêt maladie durant plus d'un an, entre 2008 et 2010, dit-il, ayant été victime d'une « dépression réactionnelle ». Une de ses collègues a été hospitalisée un mois pour dépression puis mise à la retraite par la Caisse primaire d'assurance maladie. Une autre a été arrêtée un an puis a démissionné. Mme Voinet-Bellon a été mutée au siège de la banque en avril 2009.
  • Francine Aizicovici
    Journaliste au Monde


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