14 mars 2014

Droit du Travail : Comment prouver des faits de harcèlement moral?


C’est la question à laquelle répond la Cour de Cassation dans un récent Arrêt du 05 février 2014 (N° Pourvoi : 12-28819).

En l’espèce, M. X...avait été employé à compter du 01er avril 2000, en qualité de responsable du magasin d'Aubervilliers, par la société SIMP absorbée par la société DLPG devenue Distrilap, filiale du groupe Lapeyre. Il avait été successivement muté, le 01er septembre 2003 en qualité de directeur de magasin à Besançon, puis le 10 mars 2008 en cette même qualité au magasin de La Farlède (Toulon).

A la suite de cela, l'employeur l'ayant informé, le 22 janvier 2010, de sa décision de le muter à Chalon-sur-Saône à compter du 01er mars 2010, M. X avait refusé cette nouvelle mutation.

Le salarié avait finalement été licencié, le 07 mai 2010 pour cause réelle et sérieuse, mais invoquant l'existence d'un harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique et contestant sa mutation et le bien-fondé de son licenciement, il avait alors saisi la juridiction prud'homale.

Dans le cas d’espèce, la Cour d’Appel d’Aix en Provence (le 02 octobre 2012) l’avait débouté de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, retenant que le médecin du travail ne l'avait pas déclaré inapte et ne l'avait pas reçu à sa demande pour des faits de harcèlement, qu'une enquête avait été diligentée à la suite de la saisine par le salarié du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, que les comptes rendus des auditions de l'intéressé et de son supérieur hiérarchique ainsi que les auditions des personnes ayant assisté à la présentation du budget, le 11 décembre 2009, montraient qu'un même événement avait pu être vécu et ressenti différemment par le salarié et par les autres participants à la réunion, que si ces comptes rendus révélaient une attitude, peut-être un peu brusque dans sa mission, du directeur régional, il n'apparaissait pas que cette attitude puisse être assimilée à du harcèlement moral.

Or, la Cour de Cassation a tout d’abord rappelé la teneur des Articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du Travail, comme suit : "lorsque le salarié établit la matérialité des faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et que, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ".

Il résulte donc de l’application combinée de ces articles qu’il incombe d’abord au salarié de prouver les agissements de harcèlement moral, puis, si le juge considère qu’il y a ainsi présomption de harcèlement moral au vu de ces éléments, pris dans leur ensemble, c’est alors à l’employeur de rapporter la preuve contraire, c'est-à-dire qu’il lui incombe de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement.

Ainsi et pour retenir que la Cour d’Appel avait violé les textes susvisés, la Cour de Cassation a en effet relevé qu’en ne se prononçant pas « sur tous les éléments invoqués par le salarié relatifs au comportement de son supérieur hiérarchique qui l'avait averti de sa visite du 19 octobre 2009 à peine quarante minutes avant son arrivée à la différence de ses collègues prévenus plusieurs jours avant, ne l'avait informé de la date de sa présentation budgétaire nécessitant de sa part un mois de préparation que six jours avant, qui lui faisait des reproches et critiques injustifiés et qui avait été licencié en raison de son comportement à son égard », celle-ci n’avait pas apprécié, dans leur ensemble, ceux des éléments qu'elle aurait pu estimer matériellement établis.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire