Cumul des motifs de discrimination, obstacles à l'accès à l'emploi qui peuvent remettre en cause les projets professionnels, désarroi des victimes... À partir de témoignages, Jacques Toubon dresse un constat très sombre de l'état des discriminations liées à l'origine.
par Manuel Jardinaud 19/09/2016 Liaisons Sociales Magazine
© Fotolia.com
S’il fallait une nouvelle preuve que les discriminations perdurent et s'enracinent en France, la dernière livraison du Défenseur des droits le confirme. Les résultats de son enquête « Accès à l’emploi et discriminations à l’origine » suite à un appel à témoignages lancé au printemps 2016 confirment l’ampleur du phénomène : 60% des répondants déclarent avoir été souvent ou très souvent victimes de discriminations du fait de leur origine.
Pire, les motifs ressentis de discriminations se cumulent : l’origine (pour 62% des répondants), mais aussi le nom de famille (53%), la couleur de peau (32%) et la religion (26%). « Un tiers des répondants citent trois motifs de discriminations simultanément », précise le Défenseur des droits.
Sur-stigmatisation des personnes vues comme arabes
Au-delà des chiffres, « cette étude dresse un panorama particulièrement inquiétant du parcours d’obstacles que constitue le marché du travail pour les personnes d’origine étrangère, notamment pour les personnes qui sont vues comme arabes qui apparaissent comme sur-stigmatisées du fait de la consonnance de leur nom et de leurs supposées convictions religieuses », conclut très sombrement le Défenseur des droits.
C’est une France rejetée, mise de côté, « inutile » selon les mots d’une jeune femme citée par le rapport, qui se dessine au long de la dizaine de pages. « Je n’ose plus démarcher directement, je passe par internet, parfois sans photo. Mais quand arrive l’entretien, il m’est arrivé d’annuler de peur que l’on me rejette de nouveau de la même façon », dit cette jeune femme de 27 ans. « «Au lendemain des attentats de novembre, le patron m’a dit qu’il voulait travailler avec des Français et m’a licencié. Pour info, je suis français », témoigne ce quadragénaire désormais en recherche d’emploi.
Remise en cause du projet professionnel
Les verbatims sont nombreux, où suintent les difficultés et parfois le désespoir de ne jamais pouvoir trouver sa place sur le marché du travail. Le Défenseur des droits relève d’ailleurs que « si le parcours d’accès à l’emploi, notamment des plus jeunes, est déjà particulièrement ardu dans le contexte économique actuel, les discriminations ajoutent aux difficultés et compromettent d’autant plus l’insertion professionnelle ».
Il enfonce le clou, dénonçant les ravages de cette mise à l’écart : « Les discriminations vécues ont, dans leur ensemble, des conséquences sur la motivation pour obtenir l’emploi ou le stage recherché et, progressivement, contribuent à remettre en cause le projet professionnel initial. » Aussi alarmant soit-il, ce énième rapport sur les discriminations liées à l’origine ne fait finalement que confirmer l’ampleur de la catastrophe, d’autant que peu d’actions sont intentées par les victimes.
Nombreuses études existantes
Les travaux académiques, les études et autres testings pointent depuis plus de dix ans l’existence et la persistance des discriminations à l'emploi. En octobre 2015, l’Institut Montaigne avait montré les dégâts des discriminations liées à la religion musulmane. En juin 2016, l’économiste Yannick L’Horty remettait un rapport au gouvernement sur les discriminations dans l’accès à l’emploi public. Il en ressortait notamment que « les femmes, les personnes nées hors de France métropolitaine, ou celles qui résident dans une ville avec une forte emprise de zone urbaine sensible (ZUS) ont moins de chances de réussir les écrits puis les oraux. » Le Défenseur des droits lui-même, dans le 8e baromètre sur les discriminations publié en 2015, rappelait « la multiplicité des obstacles que rencontrent les chômeurs d’origine étrangère ».
Coût économique
Timidement, le gouvernement relance une politique un peu volontariste en matière de lutte contre les discriminations. Le mardi 20 septembre, Myriam El Khomri se verra remettre un rapport sur le coût économique des discriminations élaboré par France Stratégie suite à une proposition du groupe de dialogue sur les discriminations au recrutement et dans l’entreprise, présidé par Jean-Christophe Sciberras, DRH du groupe Solvay et ex-président de l'ANDRH. Un coût que les politologues Marie-Cécile Naves et Virginie Martin avaient estimé à 10 milliards d'euros par an dans leur ouvrage "Talents gâchés" paru en 2015 aux éditions de l'Aube.
Avant la fin de l’année, le gouvernement devrait également dévoiler les résultats d’un testing massif afin d’engager de nouvelles actions. Une occasion supplémentaire de confirmer ce que disent les dizaines de rapports depuis une décennie.
Notre avis:
Le défenseur des droits travaille aussi sur la discrimination syndicale.
Rappelons que les syndicats minoritaires à BPCE Sa ( CFTC,CFDT,SNB), mène une action depuis plusieurs mois sur ce thème avec l'Inspection du Travail.
Compte tenu de la très faible réactivité de la nouvelle DRH pour régler le problème ( c'est un euphémisme !), la CFTC a transmis avant l'été le dossier au défenseur des droits.
Nous avons eu les premiers retours du défenseur des droit en août.
- celui-ci, nous a signalé se mettre en lien avec l'inspection du travail pour faire avancer ce dossier
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire