17 octobre 2018

Réforme du travail: un an après, les effets des ordonnances se font attendre





Par Marion Perroud le 17.10.2018 à 07h00
Challenges


Chômage, comité social et économique, rupture conventionnelle collective, prud’hommes… Un an après l’entrée en vigueur des ordonnances réformant le droit du travail, quel premier bilan peut-on tirer? Retour sur les principales ambitions et mesures de la réforme.

Entouré de sa ministre du Travail et de son porte-parole de l'époque, Emmanuel Macron avait ratifié ces cinq ordonnances en quelques secondes face caméra depuis l'Elysée, dans le cadre d'une mise en scène très solennelle. Nous étions le 22 septembre 2017, quelques mois seulement après son élection. Ces ordonnances "consacrent un engagement de campagne important et une réforme en profondeur inédite du marché du travail indispensable à notre économie et notre société", insistait alors le chef de l'Etat. Un an après, qu'en est-il? Quels sont les premiers effets notables de cette réforme annoncée comme systémique?
  • La baisse du chômage se fait attendre

La promesse des ordonnances: L'une des principales ambitions de la réforme était claire: apporter plus de flexibilité aux entreprises dans la gestion de leur organisation, de leur personnel (embauches et licenciements) et de leur dialogue social, permettrait de lever les freins aux recrutements. Et ainsi, in fine, d'endiguer le taux de chômage grâce à un marché du travail moins rigide.

Le bilan un an après: Force est de constater que les ordonnances n'ont pas eu d'effet notoire sur le front de l'emploi. Après deux bons trimestres, les chiffres de l'emploi présentés par Muriel Pénicaud, le 11 septembre, sont mauvais: au deuxième trimestre 2018, la France a créé à peine 12.500 postes (dans le public et le privé), soit une hausse de 0,05%. C'est presque quatre fois moins qu'au trimestre précédent et très loin derrière le rythme de l'année 2017, au cours de laquelle 268.000 emplois ont été créés. Le nombre de chômeurs a lui légèrement augmenté au cours du 2e trimestre à 3,7 millions de personnes dans la France entière.
Le point de vue des experts et acteurs: "C'est un changement culturel. Nous avons lancé des réformes structurelles sur le marché du travail et la formation, qui vont mettre plusieurs années à vraiment produire leurs effets", martèle Muriel Pénicaud, la ministre du Travail.
"Il est encore infiniment trop tôt pour tirer des conclusions. Cette réforme représente une brique essentielle de l'édifice de la transformation du marché du travail engagée par le gouvernement mais pas la seule, estime Gilbert Cette, professeur d'économie associé à l'Université d'Aix-Marseille. Il faut encore attendre de voir comment elle s'articulera avec les réformes de la formation professionnelle ou encore de l'assurance chômage." Selon ses prévisions, la réforme devrait faire gagner un point de croissance à la France d'ici dix ans tout en baissant le taux de chômage d'un point.
Une analyse que ne partage pas Anne Fretel, maître de conférences à l'Université Lille 1. Selon elle, ces chiffres n'ont rien d'étonnants. "Les ordonnances s'inscrivent dans la continuité d'une lignée de réformes dérégulant le marché du travail depuis quinze ans, recontextualise-t-elle. On sait maintenant que non seulement ce type de réforme ne réduit pas le taux de chômage mais qu'en plus il conduit à rendre encore plus flou les contours du chômage en précarisant le statut des travailleurs. Si bien qu'aujourd'hui plus d'un chômeur sur trois exerce une activité réduite en plus de son allocation", ajoute-t-elle tout en rappelant que le code du travail n'est que le 4ème frein au recrutement cité par les entreprises; le premier restant le manque de visibilité sur le carnet de commandes.
  • Le CSE s’impose petit à petit dans les entreprises

Ce que les ordonnances ont changé: C'est l'une des mesures phare de la réforme: les ordonnances ont entériné la création du Comité social et économique (CSE), qui prévoit d'ici à fin 2019 la fusion de l'ensemble des Instances représentatives du personnel (IRP) existant jusque-là (délégués du personnel, comité d'entreprise et comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou CHSCT) dans toutes les entreprises de plus de 11 salariés.
Le bilan un an après: Selon les derniers comptages du ministère du Travail publiés en septembre, 8.814 accords ont été signés sur la mise en place du CSE, dont plus de la moitié a été conclu dans des PME de moins de 50 salariés. A noter toutefois que cette fusion a conduit à une nette réduction du nombre de représentants du personnel dans ces entreprises qui est passé de 36.000 avant la réforme à 24.000, soit une baisse d'un tiers.
Le point de vue des acteurs de terrain: "Beaucoup d'entreprises profitent de la mise en place du CSE pour baisser le coût du dialogue social. Certains jouent le jeu mais ils sont rares. Entre la baisse des budgets et la suppression du CHSCT qui est catastrophique, on perd des expertises précieuses d'élus. Comment continuer à capter les signaux faibles du terrain?", s'alarme Gilles Lecuelle, secrétaire national confédéral de la CFE-CGC. "Oui, le nombre total d'élus a baissé mais cette diminution est atténuée notamment grâce à la création des représentants de proximité qui ont vocation à organiser la remontée des préoccupations de terrain", tempère Jean-Paul Charlez, président de l'Association nationale des DRH (ANDRH).
  • Prud’hommes: entre baisse des procédures et durcissement des dossiers

Ce que les ordonnances ont changé: Auparavant, si le juge prud'homale estimait qu'un licenciement était abusif et donc sans cause réelle et sérieuse, il pouvait attribuer au salarié des indemnités non plafonnées à la charge de l'employeur. Depuis les ordonnances Pénicaud, le juge est censé se conformer à un barème comprenant des planchers et plafonds variant en fonction de l'ancienneté du salarié et de la taille de l'entreprise. Par exemple, en cas de licenciement abusif, il peut attribuer à un salarié ayant neuf ans d'ancienneté dans une entreprise de 11 salariés et plus entre minimum trois mois et maximum neuf mois de salaire brut de dommages et intérêts. Ces barèmes ne s'appliquent néanmoins pas dans le cas de harcèlement ou encore de discrimination.
Le bilan un an après : Le nombre de procédures traitées par les conseils de prud'hommes a chuté de 150.000 à 127.000 entre 2016 et 2017, soit près de 15%, selon les estimations du ministère du Travail qui insiste toutefois sur le fait que "ces données sont à peaufiner".
Le point de vue des acteurs de terrain: Peut-on attribuer cette baisse des procédures aux ordonnances Pénicaud? "Non, ce serait complètement faux!, s'agace Gilles Lecuelle de la CFE-CGC. D'abord parce que les délais de traitement d'un contentieux s'étalent la plupart du temps sur des années; les procédures ici comptabilisées ont été engagées bien avant les ordonnances. Par ailleurs cette tendance à la baisse n'est pas nouvelle. Nous observons une diminution du nombre de contentieux depuis des années."
Le représentant syndical note néanmoins un "durcissement des dossiers dont nous avons connaissance", les salariés étant davantage tentés de contourner cette barémisation en attaquant leur ex-employeur sur des motifs dont les dommages et intérêts ne sont pas plafonnés comme le harcèlement moral ou la discrimination. "Les contentieux devant les prud'hommes représentent encore 20% de notre activité, cela reste stable", estime de son côté Frédéric Broud, avocat associé du cabinet Racine qui anticipe néanmoins une évolution du métier de conseil vers la gestion de "contentieux plus complexes" à l'avenir. "Cette barémisation a en tout cas le mérite de permettre à l'employeur et au salarié de calculer pour l'un le risque d'un licenciement et pour l'autre l'espérance de gain maximal", salue Jean-Paul Charlez, président de l'ANDRH.
  • Les ruptures conventionnelles collectives n’ont pas la cote

Ce que les ordonnances ont changé: Les ordonnances ont créé le dispositif de rupture conventionnelle collective (RCC). Il permet à l'employeur de se séparer de plusieurs salariés volontaires sans avoir à justifier de difficultés économiques particulières, comme c'était le cas dans le cadre d'un plan de départs volontaires (PDV), ou d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). L'entreprise n'est par ailleurs pas tenue d'attendre un an pour embaucher en CDD aux mêmes postes. 
Le bilan, un an après: Le dispositif est entré en vigueur fin décembre 2017. Le ministère du Travail a dénombré 66 entreprises engagées dans des négociations sur le sujet, dont 11 n'ont pas conclu d'accord. On se souvient notamment du rétropédalage de Pimkie après que les syndicats majoritaires ont rejeté le projet de RCC. Par ailleurs, sur les 66 projets de RCC, un projet a été retoqué par l'administration. En parallèle, sur les huit premiers mois, le nombre de PSE a diminué de 280 à 370 par rapport à la même période en 2017.
Le point de vue des acteurs de terrain: Si la RCC n'a convaincu pour l'heure que peu d'entreprises "c'est peut-être parce qu'elle présente le danger de voir les salariés clé quitter le navire. Ce qui doit limiter les initiatives", glisse Gilles Lecuelle (CFE-CGC).
"Ce faible nombre de négociations est bien la preuve que la RCC n'a pas été utilisée pour licencier à gros bouillon. Un DRH ne licencie pas par plaisir des dizaines de salariés, insiste quant à lui Jean-Paul Charlez qui salue la mise en place de ce nouveau dispositif. Si les entreprises ne se sont pas ruées dessus, "c'est aussi parce que le climat économique est nettement meilleur", d'après lui.

"Il est un peu prématuré de parler de bilan mais une chose est sûre: nous allons l'utiliser pour un certain nombre de clients qui se seraient davantage orientés vers un plan de départ volontaire mais qui auraient peiné à motiver leurs difficultés économiques en France du fait de leur organisation très internationalisée. Par exemple, comment prouver qu'une filiale française est déficitaire quand ses équipes sont réparties à travers différents pays?", soulève Frédéric Broud (cabinet Racine) pour qui la RCC est donc un outil intéressant "malgré l'obligation de trouver un accord majoritaire avec les syndicats".


Notre avis:
Nous ne pouvons que confirmons que le ordonnances Macron n'ont pas fait changer grand chose au dialogue social et au fonctionnement de l'entreprise.
Aucune embauches supplémentaires, toujours autant de prestataires ( 750 pour 1500 salariés) , nous ne sommes pas encore en CSE, mais dire que le nombre de représentants du personnel est passé de 36 000 à 24000, sans faire de décomptes moyens d'heures de délégations par personne, n'a aucun sens et tient juste de la propagande.
Comment mettre à égalité un représentant du personnel porteur de quelques heures de délégation ( ou bien aucune, s'il est suppléant) et un permanent syndical.
La nouvelle loi du travail, a surtout eu pour impact de regrouper les activités syndicales sur moins de personnes, mais avec  des missions plus larges.

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