1 juillet 2015

CFTCBPCE Sa, Infos: Au procès Pérol, les parties civiles en appellent au devoir d’exemplarité des politiques


         

Le Monde.fr |  • Mis à jour le  | Par Emeline Cazi
François Pérol, le 22 juin à Paris.François Pérol, le 22 juin à Paris. BERTRAND GUAY / AFP
Le président Peimane Ghaleh-Marzban avait tenu à préciser le cadre des débats dès le premier jour d’audience : « Ce procès n’est pas le procès de je ne sais quel système ou de je ne sais quelle manière de fonctionner… » Le sous-entendu du tribunal qui pendant deux semaines allait juger l’un des plus proches collaborateurs du président Sarkozy était clair : il s’agit ici de juger François Pérol, dont la nomination controversée à la tête du groupe bancaire BPCE, en 2009, lui vaut de comparaître pour prise illégale d’intérêt six ans plus tard, et non celui qui l’a désigné à ce poste, à savoir Nicolas Sarkozy.
Cette précision faite, l’audience qui se tient depuis le 22 juin devant le tribunal correctionnel de Paris a inévitablement fait des détours par l’Elysée, et donné un petit aperçu de ce qu’avait pu être l’exercice du pouvoir entre 2007 et 2012, en ces temps d’hyperprésidence. Pour comprendre comment l’ancien chef de l’Etat — un homme « qui n’hésitait pas à dire qu’il s’occupait de beaucoup de choses », et « s’emparait de tout », a convenu François Pérol — avait pu avoir l’idée de désigner l’un de ses plus proches collaborateurs à la tête d’une entreprise dont la naissance avait été suivie de près par l’exécutif, il fallait bien tenter de percer le mystère.
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« Ce procès n’est pas celui d’un système », a admis Me Jérôme Karsenti, l’un des avocats des parties civiles dont le moment est venu de plaider, ce mardi 30 juin. « Mais tout procès a son esprit, et celui-ci nous plonge au cœur du pouvoir (…), et au cœur des années Sarkozy, ces années des affaires, ces années d’ambivalence », durant lesquelles « la République a été malmenée, et la dignité n’était pas au pouvoir ». Me Karsenti parle ici au nom du syndicat CGT des Caisses d’Epargne mais, en filigrane, c’est aussi le conseil historique de l’association Anticor qui s’exprime. Très vite, il a abordé ces questions d’éthique et a rappelé le devoir d’exemplarité auquel est astreint, selon lui, tout politique. « François Pérol n’était pas un politique en tant que tel, a-t-il précisé. Mais comme secrétaire général adjoint de l’Elysée, il avait nécessairement une fonction politique. »

Bac philo

Les auteurs des sujets de l’épreuve du bac philo ont d’ailleurs été bien inspirés cette année en posant cette question aux candidats des séries scientifiques, a pensé l’avocat : « La politique échappe-t-elle à l’exigence de vérité ? » « Si je devais répondre sous la forme thèse-antithése-synthèse, alors je dirais que la raison d’Etat peut parfois exiger que la politique échappe à une forme de vérité. Mais quand il s’agit du fonctionnement des institutions, c’est-à-dire du rapport des citoyens aux institutions, alors à l’évidence l’exigence de vérité s’impose. »
Me Karsenti pourrait disserter des heures sur ces notions « de probité publique, ces questions qui touchent au fonctionnement de la démocratie et des institutions » et celle, centrale, du conflit d’intérêts. Il parlait déjà depuis près d’une heure lorsqu’il s’est tourné vers François Pérol. « Je ne sais pas si l’intérêt général a été servi ou pas avec votre nomination à la tête de la BPCE. Mais ce que je sais en revanche, c’est que la loi a été malmenée, bafouée, et que l’on a fabriqué du soupçon. Or, le soupçon, c’est ce qui est au cœur de la crise du régime et c’est ce qui tuera la République. Si le politique n’a pas l’idée constamment en tête qu’il lui faut être exemplaire, alors il fabrique l’abandon des urnes et la montée du populisme. »
« Evidemment, ce procès est celui de François Pérol », a prolongé Me Henri Moura, en écho lui aussi au préambule du président du tribunal qui refusait que l’on juge « un système ». « Mais il est aussi la quintessence, le reflet de ce système de pantouflage, avec ces allers-retours [des hauts fonctionnaires] entre le public et le privé qui exposent au conflit d’intérêts. » Son client, un professeur à la retraite, sociétaire historique des Banques populaires, s’est d’ailleurs constitué partie civile pour « exprimer son mécontentement » face à la multiplication de ce type d’affaires. « Cette affaire est désastreuse pour l’image de la politique, pour l’image des grands commis de l’Etat, parce qu’elle porte l’opprobre sur le fonctionnement des institutions », a poursuivi MMoura. C’est pour porter cette parole que son client est allé au bout de la procédure, même s’il ne demande que l’euro symbolique de dommages et intérêts.

Récidive et mauvaise foi

La tenue de ce procès peut-elle avoir valeur d’exemple et contribuer à une prise de conscience ? Sur cette « question déontologique » du conflit d’intérêt, « François Pérol est en récidive », a fait remarquer Me Daniel Richard, avocat de parties civiles spécialisé dans la défense des épargnants. En 2004, lorsqu’il quitte le cabinet du ministre des finances dont il était le directeur adjoint pour rejoindre la banque Rotschild, l’inspecteur général des finances saisit la commission de déontologie de la fonction publique. La loi interdit en France à un agent de l’Etat de travailler pour une entreprise qu’il a surveillée, conseillée ou sur laquelle il aurait formulé des avis, dans les trois ans précédant son passage du public au privé. La commission, dont la doctrine est réputée assez libérale sur le sujet, rend un avis favorable, sous réserve que M. Pérol ne travaille pas sur les dossiers sur lesquels il est intervenu à Bercy.

La suite est une histoire de lecture et d’analyse des textes. François Pérol a eu une compréhension pour le moins étonnante de l’avis des sages. Ainsi ne voit-il pas le problème d’avoir participé comme associé-gérant de la banque Rotschild à la création de la banque Natixis, née du mariage de Netixis et d’Ixis, alors qu’il avait justement suivi le dossier de privatisation d’Ixis à Bercy. « Si la commission de déontologie avait voulu m’interdire d’intervenir pour telle ou telle banque, elle l’aurait précisé », a t-il répondu très calmement, au tribunal la semaine dernière. La procureure Ulrika Weiss n’a guère été convaincue par ces explications et « l’absolue bonne foi » dont s’est réclamée M. Pérol. Ses réquisitions sont attendues jeudi 2 juillet.

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