Le réquisitoire du ministère public a été aussi écrasant que la chaleur, en ce jeudi 2 juillet, dernier jour du procès de François Pérol, président de BPCE (Banque Populaire Caisse d'Epargne). Le dirigeant, accusé de prise illégale d'intérêts dans le cadre de sa nomination à la tête du groupe bancaire en 2009, encourt jusqu'à deux ans de prison et 30.000 euros d'amende. Et c'est bien 30.000 euros d'amende que la procureure Ulrika Weiss a réclamés à l'issue de son réquisitoire, ainsi que deux ans de prison avec sursis, l'interdiction d'exercer au sein de la fonction publique et l'inscription de cette éventuelle condamnation aux bulletins du casier judiciaire.
Pour rappel, François Pérol est accusé par les syndicats Sud et CGT des Caisses d'Epargne d'avoir accepté la présidence du directoire de BPCE en 2009, alors qu'en tant que secrétaire général adjoint du président de la République Nicolas Sarkozy, il avait travaillé durant l'hiver 2008/2009 sur le projet de fusion des Caisses d'Epargne et des Banques Populaires, qui donnera naissance à BPCE en février 2009. Or la loi impose aux fonctionnaires d'observer un délai de carence de trois ans avant de rejoindre une entreprise privée qu'ils ont surveillée, contrôlée ou sur laquelle ils ont donné des avis aux autorités compétentes.
Un rôle de simple messager
Depuis le début du procès, le 22 juin, François Pérol et son avocat, Pierre Cornut-Gentille, se sont donc employés à minimiser le rôle de l'ancien secrétaire général de l'Elysée dans le processus de fusion de l'Ecureuil et des Banques Populaires. Tout secrétaire général adjoint de l'hyperprésident Nicolas Sarkozy qu'il était, François Pérol, à l'en croire, n'aurait eu aucun pouvoir de décision ni même d'influence. Il se serait cantonné au rôle de simple messager, de relais d'informations entre le ministère de l'Economie et l'Elysée. L'Elysée, où rien ne se décidait, l'Elysée, qui n'était rien d'autre qu'un lieu de circulation de l'information, selon François Pérol.
"Je me suis demandé jusqu'à quel point on se moquait du tribunal. M. Pérol nous a dit la vérité, par moments, mais aussi une vérité tronquée, destinée à nous égarer », s'est agacée le procureur Ulrika Weiss. Et de citer le témoignage de Claude Guéant, lors du procès. Celui qui était secrétaire général de l'Elysée à l'époque des faits, et donc le supérieur hiérarchique direct de François Pérol, a admis, lors de son audition du 25 juin, que Nicolas Sarkozy s'était bel et bien emparé du sujet de la fusion entre les Caisses d'Epargne et les Banques Populaires dès octobre 2008. Et pour cause : en pleine crise financière mondiale, les deux banques rencontraient des difficultés telles que la survie de l'Ecureuil semblait menacée.
Sarkozy, à l'origine de la nomination de Pérol chez BPCE
"Tous les autres témoignages reçus durant l'instruction confirment que le projet de fusion entre les Caisses d'Epargne et les Banques Populaires était devenu un sujet élyséen », souligne le procureur Weiss. Qui rappelle également la quarantaine de réunions qui se sont déroulées à l'Elysée avec les dirigeants des deux banques, entre octobre 2008 et février 2009. Claude Guéant est allé plus loin encore, lors de son audition, en révélant que c'était le président de la République lui-même qui avait proposé la nomination de François Pérol à la tête du futur BPCE. « Comment Nicolas Sarkozy aurait-il eu l'idée de cette nomination s'il n'avait pas travaillé étroitement avec François Pérol sur ce dossier ? », demande Ulrika Weiss.
Un François Pérol qui, de par ses fonctions précédentes à Bercy et au sein de la banque Rothschild, possédait en outre une excellente connaissance de l'Ecureuil et des Banques Populaires. Pour le procureur, c'est certain, François Pérol était étroitement impliqué dans le processus de fusion. Aussi, poursuit-elle, aurait-il dû décliner la proposition de Nicolas Sarkozy de prendre les rênes du futur BPCE. « Au lieu de quoi, vous avez alors saisi en urgence le secrétariat général du gouvernement, un avocat spécialisé dans le droit public et le président de la Commission de déontologie de la fonction publique », preuve, selon le procureur, que le haut fonctionnaire François Pérol savait pertinemment ne pas avoir le droit de présider quelques mois plus tard le groupe BPCE.
La notion de conflit d'intérêts au cœur des débats
"Vous saviez qu'il y avait un risque et vous l'avez pris [la Commission de déontologie n'avait pas le temps de statuer sur le cas de François Pérol avant la date prévue de sa nomination, le 26 février 2009 ; Ndlr] », reproche Ulrika Weiss au patron de BPCE. La notion de conflit d'intérêt, qui se trouve donc au cœur du procès, « est nimbée du soupçon de la prolifération des intérêts privés au détriment de l'intérêt général, cela entraîne un découragement de la démocratie », lance le procureur.
Pour qui « il faut donc rétablir le sens, l'ordre », d'autant plus que « dans le cas de François Pérol, il y a le facteur aggravant du niveau des responsabilités qu'il exerçait, et qui nécessitait donc l'exemplarité. » Le président du tribunal, Peimane Ghaleh-Marzban, suivra-t-il le réquisitoire du procureur ? Ou aura-t-il été convaincu par les arguments de la défense, qui a invoqué un dossier « vide », « sans preuves », et qui a donc demandé la relaxe de François Pérol? En jeu : le maintien de François Pérol à la tête de BPCE, la Banque centrale européenne (BCE), le superviseur du secteur bancaire européen, veillant au grain à l'honorabilité des dirigeants. Le jugement sera rendu le 24 septembre.
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