- Par
- Redaction JDD
Les dirigeants des banques ont redouté ce moment.
- Depuis l'irruption foudroyante des nouvelles technologies dans nos vies, ils savent que le monde bancaire est à l'aube d'un séisme. Ces dernières années, ils ont tout fait pour minimiser son ampleur et dissimuler son arrivée. Aujourd'hui, le scénario se précise : la banque est en passe de devenir un secteur à faible valeur ajoutée, une commodité, comme disent les Américains. Les produits et services bancaires seront bientôt intégrés et distribués par les géants du numérique, et les banques risquent de devenir leurs sous-traitants.
La Caisse d'épargne est le premier acteur français à oser rompre le tabou qui entoure la rupture en cours.
- Elle a annoncé cette semaine son intention de tester un banquier nouveau format : le banquier autoentrepreneur. Pour les syndicats, c'est évidemment un affront. Pour la banque, c'est un moyen de moderniser son offre et de s'adapter au nouveau monde. Elle se justifie en invoquant un meilleur service pour le client grâce à des conseillers disponibles dans les zones où les agences sont absentes et un gain de performance en les rémunérant avec des commissions. La déception va être double.
Les banques ont perdu la relation et la confiance de leurs clients
- Pour les syndicats d'abord, parce que le métier de banquier est en voie de disparition. Les nouvelles technologies permettent aux particuliers d'effectuer la majorité de leurs opérations courantes eux-mêmes, et cette tendance va s'accélérer. Les banquiers se rassurent en se disant qu'il leur restera toujours le conseil et que jamais les technologies ne viendront sur ce domaine. C'est une erreur. De puissants algorithmes d'intelligence artificielle permettront bientôt de fournir au client un conseil ultra-personnalisé d'une pertinence redoutable. Ensuite, le métier disparaît parce qu'il n'attire plus. Les banques ne l'admettent qu'à demi-mot mais elles ont d'immenses difficultés à recruter.
- Déception à venir également pour la banque. En recourant à des auto entrepreneurs itinérants, elle reconnaît avec raison que la relation humaine est capitale dans le domaine bancaire. Mais il est trop tard. Ces dernières années, et en dépit de ce que les banques répètent dans leurs communications, elles ont perdu la relation et la confiance de leurs clients. Elles disaient être à leur service, mais cela fait bien longtemps que les conseillers ne conseillent plus et qu'ils ne font que lire ce qui se trouve sur leur écran. Elles disaient innover, mais se sont contentées d'augmenter leurs tarifs pendant que les fintechs (start-up de technologie financière) proposaient une expérience client exceptionnelle. Elles ont observé leur croissance avec mépris. Aujourd'hui, elles sont obligées de les copier à toute vitesse.
Tant qu'ils captent la relation avec le client, la rentabilité des géants du numérique est assurée
- À force de décevoir, les banques ont offert un boulevard aux géants du numérique. Ceux-ci remontent la chaîne de valeur en commençant par proposer des solutions de paiement. Ils iront progressivement jusqu'à la tenue de compte et aux services financiers plus complexes. Et puisqu'ils ont compris que l'offre bancaire deviendrait bon marché grâce aux nouvelles technologies, ils la proposeront gratuitement et l'intégreront parmi les nombreux services qu'ils nous offrent déjà. Ils se rémunéreront ailleurs : tant qu'ils captent la relation avec le client, leur rentabilité est assurée.
Ce n'est donc pas d'autoentrepreneurs que le secteur bancaire a besoin. C'est d'un service de qualité et d'une relation de confiance qui respecte le client. Puisque les banques n'ont pas su le proposer, les géants du numérique s'en chargeront.
TRIBUNE DE;
L'essayiste Stéphane Mallard, auteur de Disruption (Dunod), analyse l'impact des nouvelles technologies sur le secteur bancaire.
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