3 février 2020

Congés après le décès d'un enfant : retour sur une polémique



Critiquée pour avoir refusé d'étendre à 12 jours le congé des parents en cas de décès d'un enfant, la ministre du Travail a finalement annoncé un amendement gouvernemental en ce sens.
Par Bénédicte Lutaud
Le figaro.fr
Publié il y a 2 heures, mis à jour il y a 2 heures
Plus qu'un couac, une erreur politique qui pourraît coûter cher à La République en Marche (LREM). En rejetant une proposition de loi, à l'Assemblée nationale, permettant un congé de 12 jours aux parents en cas de décès d'un enfant, le gouvernement et la majorité LREM ont indigné tous les membres de l'opposition et même le Medef. Ce refus alimente les critiques contre une majorité accusée d'être «hors-sol» ou «déconnectée» de la réalité. La bourde tombe mal, à l'approche d'un débat qui s'annonce tendu, à l'Assemblée nationale, sur la réforme des retraites, et à quelques semaines des municipales.
La controverse a même poussé, dans un geste rare, Emmanuel Macron à intervenir, demandant «au gouvernement de faire preuve d'humanité». Après avoir justifié le rejet de la proposition de loi, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a fait machine arrière en annonçant dimanche 2 février, dans Le Parisien, un amendement gouvernemental sur la question. Retour sur une polémique en cinq actes.
Jeudi : L'Assemblée nationale retoque la proposition de loi
Tout commence le 30 janvier, lorsque l'Assemblée nationale retoque la proposition d'allonger de cinq à douze jours le congé de deuil pour les parents confrontés à la mort de leur enfant. La proposition est rejetée de peu, par 40 voix contre 38. La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, explique son avis défavorable à la proposition de loi : le texte ne repose pas sur la solidarité nationale, mais sur un congé «payé 100% par l'entreprise», regrette-t-elle.
Dans l'hémicycle, le débat s'envenime. «Quand on s'achète de la générosité à bon prix sur le dos des entreprises, c'est quand même un peu facile», soutient ainsi la député LREM Sereine Mauborgne, suscitant des réactions indignées. La député défend cependant «la possibilité pour l'employeur de créer un compte de don de RTT pour un collègue endeuillé».
L'opposition monte au créneau. «On parle de la tragédie des tragédies : douze jours, je pensais que ça passerait comme une lettre à la poste», lance l’Insoumis François Ruffin. «Je pensais que sur ce dossier-là, on marcherait tous main dans la main», regrette-t-il, tandis que l’ex-LREM Agnès Thill raille «une humanité à géométrie variable» chez ses anciens collègues. Au Royaume-Uni, plaide le député UDI du Nord Guy Bricout, à l'origine de la proposition, le congé pour le deuil d’un enfant est de 15 jours. Pour lui, il est «choquant» que ce congé soit d’une durée inférieure au congé paternité, qui est de 11 jours.
L'indignation prend de l'ampleur, bien au-delà des rangs du Palais Bourbon.
Vendredi : le Medef défend la proposition de loi
Le lendemain, c'est le patronnat lui-même qui fait part de son étonnement. L'ancienne présidente du Medef, Laurence Parisot, écrit ainsi sur Twitter que l'organisation patronale «s'honorerait à demander un nouveau vote de cette proposition.»

Embarrassé, le gouvernement tente, tant bien que mal, d'éteindre la polémique. Muriel Pénicaud admet une «erreur collective», et Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de la Protection de l'enfance annonce le lancement d'une concertation pour améliorer les mesures de soutien aux parents endeuillés par la mort d'un enfant.
Samedi : Macron demande au gouvernement de «faire preuve d'humanité»
Peine perdue : cette annonce ne suffit pas à éteindre la polémique. Samedi, dans une démarche inédite, Emmanuel Macron demande lui-même au gouvernement de «faire preuve d'humanité» pour soutenir la proposition de loi.
Dans la foulée, les députés LREM se déclarent prêts à « revoter rapidement » cette proposition. «Face au deuil, il faut du soutien psychologique et nous allons le renforcer. Mais il faut aussi un temps de répit, ajoute dans la soirée Muriel Pénicaud, interrogée par l'AFP, s’engageant à trouver dans les tout prochains jours les solutions» pour un allongement à 12 jours.
Dimanche : Muriel Pénicaud annonce un amendement gouvernemental
Après le mea culpa, place, donc, à la «réparation»... Dans Le Parisien, la ministre du Travail annonce finalement que «l'allongement à douze jours va revenir au Sénat sous la forme d'un amendement gouvernemental». Muriel Pénicaud précise que la mesure pourra être financée par « la solidarité nationale, autrement dit la Sécurité sociale»«Est-ce que les entreprises en prendront une part ? Nous allons en parler, toutes les options sont possibles», ajoute-t-elle. En outre, les mesures adoptées jeudi pour autoriser le don de RTT entre salariés seront conservées.
Enfin, pour «aller plus loin», Muriel Pénicaud annonce que le gouvernement entend travailler sur un «accompagnement psychologique sur la durée», soutenir les «frais d'obsèques» et enfin «ouvrir ces mesures aux fonctionnaires».
Lundi : Aurore Bergé met le gouvernement face à ses responsabilités
Fin de la polémique ? Pas tout à fait. Ce lundi 3 février, dans un entretien au Parisien, la député et porte-parole de LREM Aurore Bergé défend ses troupes en assurant que «les cons, ce sont des députés qui ont juste été loyaux à l'égard du gouvernement». Une référence aux critiques anonymes, au sein de l'exécutif, qui jugeaient que «les députés LREM sont cons» et qu'ils «ne savent pas faire le boulot». Et une manière subtile de renvoyer le gouvernement face à ses responsabilités.
Notre avis:
On a vraiment l'impression qu'ils ont été pris la main dans le pot de confiture


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