La Cour des comptes propose que les Opca multiplient sur le terrain les contrôles inopinés des actions formations.
par Laurent Gérard 16/02/2017 Entreprise & Carrières
© Denis Pessin
Davantage de vérifications en situation, sur le terrain, pour constater la réalité des actions de formation et éviter les fraudes : c’est la préconisation de la Cour des comptes dans son rapport annuel rendu public le 8 février 2017, dont un des dossiers porte sur les fonds de la formation professionnelle des salariés. La Cour propose une démarche à trois étages.
Davantage de contrôles. Premier étage : les priorités de contrôle des Opca et Opacif devraient comporter davantage de contrôles inopinés et sur place. « Les dispositions de la loi du 5 mars 2014 invitent à aller au-delà de l’examen des pièces justificatives et à analyser les pratiques effectives des prestataires de formation, justifie la Cour. L’exploitation des informations émanant des stagiaires est à encourager, afin de permettre le recoupement d’informations en cas de suspicion de fraude. » Ces actions supposent une évolution des missions des agents de contrôle des Opca et des Opacif, précise la Cour, qu’il faudra accompagner par des formations adaptées.
Lissage des procédures. Deuxième étage : les Opca doivent nouer des coopérations plus étroites avec les services de l’État. « Les signalements effectués en cas de suspicion de fraude ne relèvent pas, à l’heure actuelle, d’une procédure formalisée entre organismes paritaires agréés et services de contrôle de l’État, analyse la Cour. Leurs modalités varient d’un organisme à l’autre et, au sein d’un même organisme, d’une région à l’autre. » Un lissage des procédures doit être envisagé.
Des outils communs. Enfin, troisième étage du contrôle rénové : les financeurs de la formation doivent s’associer pour mettre en place des outils communs d’analyse de risques et d’information. « La mise en œuvre du référencement [via le datadock, NDLR] a ouvert la voie à une telle démarche, qui devrait être approfondie et élargie, explique la cour. Cette coordination devrait être assurée par l’État et le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. »
De nouveaux moyens. Pour mener à bien cette politique de contrôle renforcé, la Cour des comptes reconnaît qu’il faut offrir de nouveaux moyens aux financeurs : « La part des frais de gestion allouée aux actions de contrôle est insuffisante et devrait être revue lors de la négociation 2017 des conventions d’objectifs et de moyens qui seront conclues entre l’État et les organismes paritaires agréés, prévient la Cour. Leur organisation interne et leurs outils informatiques doivent être améliorés. »
Attention, prévient-elle néanmoins : « Ce nouveau rôle confié aux financeurs institutionnels ne doit pas s’accompagner d’un désengagement de l’État de sa propre responsabilité en matière de contrôle, tant sur les prestataires de formation que sur les organismes paritaires agréés eux-mêmes. » Et la Cour de conclure qu’« une démarche d’audit des procédures doit être mise en œuvre. Ces contrôles de second niveau, dont l’État doit fixer les objectifs et les modalités de réalisation, pourraient inclure des mécanismes de certification confiés à des tiers ».
Réponse des ministères. Comme le veut le rapport annuel de la Cour des comptes, les réponses des ministères concernés sont présentées. Celles du ministère du Travail tempèrent les craintes de fraudes de la Cour, en précisant que les Opca sont vigilants et qu’un grand nombre de contrôles sont diligentés à leur demande, et en rappelant que plusieurs actions récentes vont déjà dans le sens de ces attentes.
Depuis 2010, 4 124 contrôles de prestataires de formation ont été engagés et des sanctions financières appliquées à 562 d’entre eux (soit 13,6 % des organismes contrôlés) pour un montant de 66,39 millions d’euros (3,1 % des sommes contrôlées).
« Si l’on s’attache aux seules décisions de redressement pour manœuvres frauduleuses, il ressort qu’elles ont été prononcées dans 135 contrôles (3,3 % des contrôles) et ont généré des sanctions à hauteur de 18 millions d’euros, soit 1 % des sommes contrôlées. » Ce qui est, somme toute, faible. Les cas de fraudes caractérisées donnant lieu à sanction sont très peu nombreux –moins d’une dizaine par an. Le ministère du Travail pointe, qu’en réalité, les manquements à la réglementation portent surtout sur des aspects formels (77 % des cas en 2014). Il rappelle également que 1 % des prestataires ont réalisé 44 % du chiffre d’affaires global en 2013. Ces prestataires sont déjà tous sous assurances qualité (ISO, Afnor, ISQ) et il n’est pas compliqué de les suivre.
Par ailleurs, ce ministère rappelle que « le choix du législateur a été, depuis l’instauration de la contribution des employeurs, de leur laisser lelibre choix de l’organisme de formation pour satisfaire les besoins des salariés et de l’entreprise ». Une organisation très réglementée, voire bureaucratique, du marché, n’est donc souhaitée par personne.
Le ministère du Travail souligne également que « la contribution des employeurs a été reconfigurée dans la réforme de 2014, pour leur donner plus de liberté tout en les responsabilisant par l’introduction d’une obligation de former en lieu et place d’une obligation de dépenser ». La participation des employeurs est donc désormais articulée autour d’un versement obligatoire à un organisme collecteur, auquel peuvent s’ajouter des versements complémentaires à titre conventionnel ou à titre volontaire : ces versements libres ne peuvent être strictement considérés et gérés comme des versements obligatoires et légaux.
Certification ou label. Et puis, surtout, le ministère du Travail insiste sur le chantier qualité lancé par le décret d’application n° 2015-790 du 30 juin 2015. Ce chantier vise à vérifier que les prestataires possèdent un niveau minimal de qualité, soit au travers de la preuve d’une certification ou d’un label figurant sur une liste établie par le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (Cnefop), soit au travers du respect de six critères.
« Pour faciliter et harmoniser la démarche des organismes de formation, des Opca et des Opacif ont élaboré 21 indicateurs communs d’analyse des critères de qualité, précise le ministère du Travail. Ils se sont engagés dans une démarche collective mettant en place un entrepôt de données relatives aux organismes de formation, le datadock. Ainsi, les Opca et les Opacif pourront construire leur catalogue de référence des organismes qui remplissent ces critères. »
La Cour est dubitative sur les effets de ce référencement, mais le ministère du Travail soutient qu’il faut lui laisser le temps de fonctionner. Une manière de dire que si l’enregistrement dans le datadock par les financeurs se passe mal, la Cour des comptes reviendra à la charge pour préconiser une surveillance plus étroite encore.
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