Près de la moitié des cadres utilisent presque tous les jours les outils numériques hors temps de travail, selon une étude. Alors que le droit à la déconnexion a été voté cet été, les actifs affichent une forte demande de régulation, mais veulent conserver des marges de liberté.
par Virginie Leblanc 24/10/2016 Entreprise & Carrières
Plus d’un tiers des actifs (37 %) utilisent les outils numériques presque tous les jours hors du temps de travail, et un pourcentage équivalent ne les utilisent jamais. « Des résultats qui illustrent un phénomène de polarisation entre des salariés très exposés au débordement de l’usage des outils numériques sur leur vie personnelle, et d’autres beaucoup moins concernés par cette problématique », souligne Xavier Alas Luquetas, dirigeant fondateur d’Eléas, cabinet conseil en qualité de vie au travail et prévention des risques psychosociaux, à l’initiative de cette étude, réalisée auprès de 1 010 personnes représentatives de la population active française (1), et présentée à l’occasion de la remise du prix du DRH numérique le 24 octobre, organisé par l’ANDRH.
Deux mondes face au numérique. Ainsi, l’étude souligne que deux mondes se côtoient face au numérique, défini comme l’ensemble des outils (ordinateur fixe ou portable, tablette, smartphone, visioconférence, etc.) et des technologies de l’information (logiciels métiers et applications). D’un côté, les cadres, dont près de la moitié (44 %) utilise presque tous les jours hors du temps de travail réglementaire les outils numériques professionnels, de l’autre, celui des employés et des professions intermédiaires où cet usage reste plus marginal (respectivement 29 % et 34 %).
Autonomie et responsabilisation. Par ailleurs, l’enquête indique que seul un actif sur cinq (22 %) estime que son entreprise intervient pour limiter les usages des outils numériques hors temps de travail, et ce quelques mois avant l’entrée en vigueur du droit à la déconnexion introduit dans la loi El Khomri. Et 62 % des personnes interrogées considèrent que des règles devraient être mises en place, avec une proportion plus forte chez les cadres (75 %) et les jeunes (76 %). Pour autant, « si les salariés souhaitent que l’organisation pose des limites, notamment grâce au droit à la déconnexion, ils ne veulent pas qu’il se traduise par une interdiction de se connecter, remarque Xavier Alas Luquetas. Ils demandent de l’autonomie et de la responsabilisation et souhaitent une connexion “à la carte” ». En outre, ils apprécient la souplesse horaire offerte par le numérique, particulièrement les chefs d’entreprise (69 %) et les cadres (53 %).
Progrès. Ce souhait de liberté a notamment pour origine les représentations positives généralement associées à ces technologies. Le numérique est en effet perçu comme un progrès par près de six actifs sur dix (59 %), particulièrement chez les jeunes âgés de 15-34 ans (65 %), les cadres (63 %) et les artisans, commerçants et chefs d’entreprise (73 %). Il est considéré comme un vecteur de transformation des missions pour un actif sur deux et près de six cadres sur dix, et d’opportunités d’évolution professionnelle pour près de quatre actifs sur dix.
Le sentiment de menace sur l’avenir de son propre poste est donc plutôt rare, souligne l’étude. Il concerne un actif sur dix et certains secteurs professionnels que le numérique transforme profondément, notamment les activités financières et d’assurance.
Demande d’accompagnement. Le stress lié à l’utilisation du numérique au travail est étroitement corrélé au sentiment de menace sur les postes dans un avenir proche. « Les résultats sur le stress ne sont pas massifs (15 % des actifs estiment que l’usage des outils numériques est essentiellement une source de stress, NDLR), mais notre étude ne s’attache pas uniquement aux usages des SMS et des e-mails – mais aux outils numériques au sens large. » Autre enseignement majeur de l’étude : une forte demande d’accompagnement (64 %) et de formation (63 %), véritable enjeu de politique RH. Et ce, alors même que l’utilisation des outils numériques est déjà généralisée : 67 % des actifs les utilisent plus de trois heures chaque jour, avec une proportion plus forte chez les cadres (81 %).
Comprendre les évolutions. Les attentes se focalisent sur la formation régulière à une meilleure utilisation des outils numériques (63 % des actifs) et sur un accompagnement quant à la compréhension des évolutions numériques qui touchent leur métier (64 % des actifs).
« Pour les jeunes, c’est l’efficacité des outils qui prime, relève le dirigeant d’Eléas. Les seniors quant à eux veulent être associés à la réflexion sur les évolutions du travail et comprendre les raisons des changements, d’où l’intérêt pour eux d’avoir recours à des groupes de résolution de problèmes, de travailler sur les irritants et sur le sens du travail. »
Les cadres, au-delà de l’acquisition de nouvelles compétences, souhaitent être soutenus afin de pouvoir adapter l’organisation des process aux innovations numériques (37 %) et palier au stress inhérent à tout bouleversement numérique (30 %).
(1) “Pratiques numériques 2016”, enquête réalisée du 20 au 28 septembre 2016 auprès d’un échantillon de 1 010 personnes représentatives de la population active française métropolitaine, âgées de 15 ans et plus, selon la méthode des quotas.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire