A propos des élections prud’homales, le nouveau Premier ministre, Manuel Valls, pourrait faire une analyse différente de celle de son prédécesseur.
C’est l’espoir secret des syndicats CGT, FSU, FO et Solidaires, qui ont maintenu, le 1er avril, une bruyante manifestation sous les fenêtres du ministère du Travail, bien que le gouvernement ait démissionné la veille. Les organisations contestataires demandent « l’ouverture de négociations » sur le maintien de ce scrutin que Michel Sapin, en accord avec Jean-Marc Ayrault, entendait supprimer. Retiré in extremis du projet de loi relatif à la démocratie sociale, le texte entérinant l’abrogation est censé revenir devant le Parlement ce mois-ci. Avec un nouveau locataire à Matignon, un changement de ministre de tutelle et, sur un autre plan, le remplacement de Jean-Denis Combrexelle par Yves Struillou à la Direction générale du travail, les conditions seraient favorables à un réexamen des options. D’autant plus que les défenseurs des élections prud’homales restent nombreux dans les rangs de la majorité, à l’image des sénateurs Jean-Pierre Godefroy (groupe socialiste) et Jean Desessard (groupe écologiste), ou du député socialiste William Dumas.« La pertinence d’un acte démocratique aussi fort que l’expression directe des salariés ne doit pas être limitée », rappelait encore récemment ce dernier.
En outre, rêvent les adversaires de la réforme, la procédure par ordonnance envisagée par l’équipe gouvernementale sortante pourrait être abandonnée au profit d’un classique débat parlementaire. Reste à voir si le solide argumentaire qui sous-tend le projet de loi Sapin sera aussi aisément balayé. Car l’ex-ministre du Travail avait pris soin d’examiner tous les impacts de l’abrogation, au-delà des seuls aspects financiers et logistiques, aussi bien pour l’État que pour les syndicats et les structures patronales. Supprimer les prud’homales signifierait moins de charges administratives pour les entreprises, les administrations centrales, les préfectures et les mairies. Le risque de fonctionnarisation des 14 512 juges prud’homaux, s’ils venaient à être désignés par leurs organisations respectives, est aussi minimisé. « Les deux tiers des conseillers étant habituellement réélus? », fait valoir Michel Sapin. Celui-ci prend même l’écologie à témoin, pour justifier le renoncement au scrutin : « Le passage d’une élection à un mode de désignation permet de réaliser des économies environnementales. Il n’y aura plus besoin de production et d’envois de documents impliquant l’utilisation de milliers de tonnes de papier et de consommation de dioxyde de carbone », détaille-t-il. Et, pour cajoler les juges actuels, dont le mandat a été exceptionnellement prolongé de deux ans par une loi d’octobre 2010, il est prévu de leur attribuer six jours d’absence supplémentaires, en plus des 36 prévus par le Code du travail. Manuel Valls tranchera.
Gestion Sociale, 03/04/2014
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