23 avril 2014

Rémunération des banquiers : derrière la polémique, les chiffres



En annonçant jeudi qu'il convoquerait les dirigeants des grandes banques françaises pour s'expliquer sur leurs "indécentes" augmentations de salaire, le ministre de l'Economie Arnaud Montebourg a relancé la polémique sur les rémunérations des grands patrons. Mais certains de ces banquiers pourront défendre leur cas en mettant en avant les performances de leur société et les pratiques de la concurrence.

Des augmentations de salaires pas toujours corrélées aux résultats

De +8 à +38% : les augmentations de salaires dont ont bénéficié les dirigeants de Crédit Agricole, Société générale, BNP Paribas, BPCE et sa filiale Natixis en 2013 ont de quoi faire rêver plus d'un salarié. C'est ce qui a fait bondir Arnaud Montebourg, le ministre de l'Economie, qui a qualifié jeudi ces envolées "d'indécentes".

Le détail des rémunérations des dirigeants de banques en 2013 (cliquez sur la photo pour agrandir) :




Pour justifier cette inflation lorsqu'ils rencontreront le ministre, certains de ces banquiers pourront toutefois faire valoir les bons résultats de leur société. Ainsi, Frédéric Oudéa, patron de Société générale, a vu ses émoluments progresser de 9,5%, à 3,7 millions d'euros en prenant en compte le fixe, le variable, les "extras" ainsi que les actions et stock-options attribuées au titre du dernier exercice. Mais, dans le même temps, le résultat net de la banque s'est envolé de 175%, à 2,2 milliards d'euros. Même tendance positive pour le patron du Crédit agricole, qui a bénéficié d'une augmentation de 38,8% sur fond de retour à la rentabilité de son établissement (de -6,4 à +2,5 milliards d'euros).


D'autres auront un peu plus de mal à se justifier par ce biais, comme François Pérol, aux commandes du groupe BPCE (Banque Populaire-Caisse d'épargne), dont la rémunération a progressé de 29,4%, soit plus rapidement que le résultat net (+24,3%) et le produit net bancaire (équivalent du chiffre d'affaires) en hausse de seulement 4 %. Plus gênant ! Chez BNP Paribas, la paie du patron, Jean-Laurent Bonnafé, a même évolué à l'inverse des performances de la banque : il a été augmenté +8,1%, alors que le bénéfice net a glissé de 26% et le produit net bancaire de 1%...


Certains patrons de sociétés françaises gagnent beaucoup plus…


Si les rémunérations de ces dirigeants n'ont évidemment rien à voir avec celle du Français moyen, aucune ne dépasse toutefois la limite de 240 Smic (soit 4,2 millions d'euros par an) considérée comme "socialement acceptable" par le cabinet d'études Proxinvest, spécialisé dans l'analyse de la rémunération des grands patrons. Le mieux payé d'entre eux, Frédéric Oudéa (Société générale), a en effet engrangé l'équivalent de 212 Smic.


Ce seuil est en revanche franchi par une dizaine de dirigeants français. Par exemple, Christopher Viehbacher, aux commandes du groupe pharmaceutique Sanofi, Jean-Paul Agon (L'Oréal) et Bernard Arnault (LVMH) ont chacun glané plus de 8 millions d'euros l'an dernier, comme on peut le constater via notre palmarès des rémunérations des grands patrons.

s'il y a bien un dirigeant de banque qui n'aura pas de mal à plaider sa cause devant Arnaud Montebourg sur ce point, c'est bien celui de la Banque Postale. La filiale du groupe La Poste, détenue par les pouvoirs publics, doit en effet limiter depuis l'an dernier le salaire du patron à 450.000 euros, comme toutes les autres entreprises où l'Etat est actionnaire majoritaire. Ce qui explique que Philippe Wahl, qui a occupé cette fonction jusqu'au 15 octobre avant de prendre les rênes de La Poste, n'a touché que 340.398 euros au titre de ces 9 mois et demi. Ce sera le même tarif cette année pour Rémy Weber, qui a pris la relève.

... tout comme les banquiers de Wall Street

L'écart de rémunération est encore plus important lorsqu'on regarde ce qui se fait à Wall Street. Lloyd Blankfein, qui dirige la sulfureuse banque Goldman Sachs, a ainsi empoché 16,6 millions d'euros, selon une enquête récente du Wall Street Journal, tandis que James Dimon (JPMorgan) a glané 14,5 millions et John Stumpf (Wells Fargo) 14 millions. Et encore, ce ne sont pas les dirigeants américains les mieux payés : Lawrence Ellison, à la tête de l'éditeur de logiciels Oracle, a par exemple, touché 56,7 millions d'euros au titre du dernier exercice de la société, terminé fin mai 2013, après avoir engrangé 69,6 millions l'année précédente...

Thomas Le Bars - Capital.fr

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire