16 novembre 2018

Formation : ce qui va changer pour les entreprises





Notre avis:

Quand l'état donne la possibilité d'améliorer des textes par négos en entreprise et que l'on connait les positions très rétrogrades de la DRH de BPCE Sa, c'est pas gagné !
Des NAO totalement sans avancée, avec même un DRH qui quitte la salle de négociations cette année ou qui chipote 2euros pour mettre en oeuvre le télétravail !

accrochez-vous quand même, c'est pas simple ...

L'article:
Coup d’œil sur les principales modifications apportées par la loi « Avenir professionnel », en attendant, en fin d’année, les décrets d’application (1) qui compléteront le dispositif (2) ...
14/11/2018  Les cahiers du DRH, n°258

Formation : ce qui va changer pour les entreprises
©
  • Abonnez-vous aux Cahiers du DRH
  • Accéder au sommaire de la revue
La loi du 5 septembre 2018 (3) a été publiée au Journal officiel le 6 septembre dernier. En matière de formation professionnelle, la plupart de ses dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 2019. De nombreuses mesures intéressent les entreprises, s’agissant particulièrement du financement et des dispositifs d’accès à la formation. Plus largement, le rôle des acteurs de la formation est repensé dans le double objectif de simplifier l’architecture institutionnelle globale et de rapprocher la demande avec l’offre de formation. Pour les entreprises, cette réforme comporte un certain nombre de nouveautés et ouvre des opportunités.
  • CHAMP DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

De façon audacieuse, la loi met fin à la séparation qui existait jusqu’à présent entre, d’une part, la formation initiale dont relève l’apprentissage et, d’autre part, la formation continue.
Ces deux ensembles distincts qui constituaient « la formation professionnelle tout au long de la vie » sont désormais unifiés dans un champ unique : la « formation professionnelle ». Corrélativement, la formation par l’apprentissage est soumise aux mêmes règles que celles applicables aux organismes de formation.
Cette nouvelle acception du champ de la formation professionnelle permet de simplifier et de développer l’apprentissage dans les entreprises, tout en intégrant davantage le recrutement d’apprentis dans les politiques de formation.
  • NOUVELLE DÉFINITION DE L’ACTION DE FORMATION

La notion d’action de formation a été définie par le législateur comme étant « un parcours pédagogique permettant l’atteinte d’un objectif professionnel ». Particulièrement large, cette définition met fin, dans une démarche de simplification, à l’énumération des catégories d’actions de formation qui prévalaient jusqu’à présent. Elle permet également de ne plus définir l’action au regard de ses modalités de réalisation et notamment des moyens déployés par le prestataire de formation (programme pédagogique prédéfini, moyens pédagogiques, techniques et d’encadrement mis en œuvre, suivi de l’exécution et appréciation des résultats (4) ). Toutefois, un décret en Conseil d’État devrait reprendre, en les ajustant, ces modalités. Celles-ci sont nécessaires pour démontrer la bonne exécution d’une action de formation et sa conformité aux dispositions légales et réglementaires.
En outre, la rationalisation des actions de formation s’accompagne de l’introduction d’une nouvelle modalité pédagogique de départ en formation : la formation en situation de travail. Des décrets d’application sont attendus pour préciser les conditions dans lesquelles ces actions, à l’instar de celles réalisées en tout ou partie à distance, pourront être financées par les fonds mutualisés.
  • FINANCEMENT

La nature et les taux globaux de contribution des entreprises sont maintenus (0,55 % de la masse salariale des entreprises de moins de 11 salariés et 1 % de la masse salariale des entreprises d’au moins 11 salariés). Cependant, l’affectation de ces contributions et les financements qui pourront être réalisés en contrepartie seront sensiblement modifiés, selon des modalités fixées par décret. Le taux global de la taxe d’apprentissage est également maintenu à 0,68 % de la masse salariale des entreprises assujetties.
Ces contributions, regroupées au sein d’une contribution « unique » au financement de la formation professionnelle et de l’alternance (CUPFA), serviront à financer l’alternance, le compte personnel de formation, la formation des demandeurs d’emploi, le plan de développement des compétences (nouveau nom donné au plan de formation ; voir ci-après), mais aussi, ce qui est nouveau, le conseil en évolution professionnelle à destination des actifs occupés du secteur privé.
Notons que le financement mutualisé du plan de formation disparaît pour les entreprises dont l’effectif est d’au moins 50 salariés. Déjà mise en œuvre par la loi du 5 mars 2014 (5) pour les entreprises d’au moins 300 salariés, cette réduction des financements mutualisés au profit des TPE-PME s’inscrit dans le prolongement des réformes antérieures. La réduction drastique des financements mutualisés au titre du plan de formation vise à responsabiliser les entreprises en matière de formation et d’employabilité des salariés.
La contribution « CIF-CDD » de 1 % (de la masse salariale des seuls salariés en CDD) est également maintenue. Elle est simplement renommée contribution « CPF-CDD » en raison de la refonte des dispositifs d’accès à la formation (le congé individuel de formation (CIF) étant absorbé par le compte personnel de formation à compter du 1er janvier 2019 (6) ).
  • DISPOSITIFS D’ACCÈS À LA FORMATION

Refonte du compte personnel de formation (CPF)
C’est la mesure la plus emblématique. L’unité de mesure du compte est modifiée, passant des heures de formation aux euros. Cette monétisation du compte s’accompagne, toujours dans un objectif de simplification, d’une suppression des listes de formations éligibles au CPF et d’une désintermédiation des financeurs, le CPF ayant vocation à être financé par la Caisse des dépôts et consignations (et non par les OPCA) via une plateforme numérique.
Désormais, sont éligibles au compte personnel de formation les formations sanctionnées par une certification enregistrée au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et celles sanctionnées par les certifications et habilitations enregistrées au « répertoire spécifique », nouveau nom donné à l’inventaire des compétences transversales. Les formations sanctionnées par des blocs de compétences sont également éligibles, dès lors que ces blocs figurent dans le référentiel d’une certification inscrite au RNCP. En revanche, les certificats de qualification professionnelle (CQP) ne sont plus éligibles au CPF, lorsqu’ils ne sont pas par ailleurs inscrits au RNCP.
  • Absorption du congé individuel de formation (CIF) par le CPF

Dans cet esprit, le CIF pourra à certaines conditions, notamment d’ancienneté, se muer en CPF « de transition » (7) .
Pour atteindre cet objectif, le CPF devra être utilisé afin de changer de métier ou de profession dans le cadre d’un projet de transition professionnelle. Par rapport à l’ancien CIF, le CPF de transition ne pourra être utilisé que pour obtenir le financement d’une formation certifiante (8) , autrement dit, les mêmes formations que celles éligibles au compte personnel de formation (9) .
Autre innovation, le bénéficiaire d’un CPF « de transition » bénéficiera d’un « bilan préalable » au suivi de l’action de formation, afin d’identifier ses acquis professionnels. Cette « évaluation » se situe dans le prolongement de la création de la notion de parcours de formation, introduite par la loi du 8 août 2016 (10) . Sa mise en place a notamment pour but d’adapter la durée des parcours de formation proposés. Ceci permet à la fois d’individualiser les formations tout en réduisant potentiellement leur durée et donc, in fine, leurs coûts.
  • Substitution de la « reconversion ou promotion par l’alternance » à la « période de professionnalisation »

Dispositif fortement décrié depuis sa mise en place par la loi du 4 mai 2004 (11) , la période de professionnalisation, qui a toujours été considérée comme une prolongation du plan de formation, disparaît à compter du 31 décembre 2018 (à tout le moins formellement).
Un nouveau dispositif semblable dénommé « reconversion ou promotion par l’alternance » lui est substitué (12) . Il suppose, ce qui est nouveau par rapport à la période de professionnalisation, la conclusion d’un avenant au contrat de travail. Celui-ci devra préciser l’objet et la durée de l’action de formation. Il devra être déposé auprès de l’opérateur de compétences dont relève l’entreprise.
L’objet de la reconversion ou promotion par l’alternance est particulièrement large. Elles visent à permettre de changer de métier, de profession ou de bénéficier d’une promotion sociale ou professionnelle par des actions de formation. N’y seront éligibles que les salariés en contrat de travail à durée indéterminée, y compris en contrat unique d’insertion, ou les salariés en CDD qui ont le statut de sportifs ou d’entraîneurs professionnels. Reste à savoir si le dispositif sera ouvert au plus grand nombre ou limité aux salariés disposant d’un faible niveau de qualification. Un décret d’application précisera ce point. La formation via la reconversion ou la promotion par l’alternance pourra être réalisée par l’entreprise directement, du moins lorsque celle-ci disposera d’un service de formation interne, à l’instar de ce qui est pratiqué actuellement pour le contrat de professionnalisation.
  • Plan de développement des compétences

Le plan de formation est renommé plan de « développement des compétences » (13) .
La catégorisation des actions inscrites au plan de formation, rendue obligatoire lors de sa présentation aux représentants du personnel, est supprimée.
De façon connexe, le régime juridique relatif aux deux catégories du plan de formation est également supprimé. Il en va ainsi s’agissant de l’allocation de formation versée en cas d’actions réalisées en dehors du temps de travail. Même chose pour les engagements écrits que l’employeur doit prendre avant le départ en formation dans le cadre des actions de développement des compétences (catégorie 2 du plan de formation).
Toutefois, à l’échelon individuel, deux nouvelles catégories d’actions de formation sont introduites. D’une part, les formations obligatoires, définies comme une action de formation qui conditionne l’exercice d’une activité ou d’une fonction (en application d’une convention internationale ou de dispositions légales et règlementaires). Et, d’autre part, les formations non obligatoires qui correspondent à toutes les formations qui n’entrent pas dans la catégorie précédente.
Ces formations doivent impérativement être réalisées durant le temps de travail et rémunérées comme tel (14) . Toutefois, par exception, les formations non obligatoires peuvent être réalisées en dehors du temps de travail dans la limite de 30 heures par an et par salarié (pour les autres dérogations conventionnelles, voir ci-après) (15) .
Remarque
S’agissant des consultations obligatoires du CSE, la loi du 5 septembre 2018 a ajouté le plan de développement des compétences aux thèmes relevant de sa consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise (au même titre que la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et les orientations de la formation professionnelle (16) ).
  • CONTRAT D’APPRENTISSAGE

Son régime juridique est largement assoupli.
L’âge maximum pour y être éligible est rehaussé de 25 à 29 ans, étant entendu que les embauches pourront avoir lieu tout au long de l’année. La durée minimale du contrat est abaissée d’un an à six mois.
Notons que la durée minimale d’enseignement en CFA, qui était jusqu’à présent fixée à 400 heures, a été abaissée à 150 heures, soit 25 % de la durée totale du contrat ou de la période d’apprentissage. La durée de formation est ainsi harmonisée avec celle du contrat de professionnalisation.
La durée du travail de l’apprenti de moins de 18 ans est augmentée dans certains secteurs d’activité (à définir par décret) afin qu’ils puissent travailler jusqu’à 40 heures par semaine et dix heures par jour, contre 35 heures hebdomadaires et huit heures quotidiennes jusqu’à présent. Cette limitation de la durée du travail était jugée inopportune, particulièrement lorsque la durée du travail applicable dans l’entreprise était supérieure à la durée légale du travail.
Par ailleurs, en cas de rupture du contrat d’apprentissage, le recours au conseil de prud’hommes est supprimé.
  • ENTRETIENS PROFESSIONNELS

Les entretiens professionnels sont fortement modifiés par la loi du 5 septembre 2018.
Tout d’abord, et dans la continuité des modifications introduites par la loi du 8 août 2016 (17) , qui avaient imposé à l’employeur d’informer le salarié sur le dispositif de la validation des acquis de l’expérience (VAE), les informations à délivrer à l’intéressé durant ces entretiens sont à nouveau densifiées.
L’employeur doit ainsi informer individuellement chaque salarié de la possibilité de recourir au conseil en évolution professionnelle. Il doit également préciser la façon dont il peut activer son compte personnel de formation. Cette mesure est destinée à généraliser l’ouverture des comptes CPF et donc, in fine, à susciter des projets de formation. Enfin, l’employeur doit également donner des informations à chaque salarié sur les abondements CPF susceptibles d’être financés par l’entreprise. Sur ce point, il est possible que la négociation collective en matière de formation professionnelle se développe, ce qui ouvre certaines opportunités.
  • ÉTAT DES LIEUX DU PARCOURS PROFESSIONNEL

Le suivi de l’appréciation du parcours professionnel est désormais délié de la sanction applicable aux entreprises d’au moins cinquante salariés. En effet, l’abondement correctif du compte personnel de formation (fixé actuellement de façon forfaitaire à 3 000 € pour un salarié à temps plein et à 3 900 € pour un salarié à temps partiel) ne s’appliquera qu’aux entreprises qui n’ont pas réalisé tous les six ans :
les entretiens professionnels biennaux et ceux prévus à l’issue d’une période de suspension du contrat de travail visée à l’article L. 6315-1 du Code du travail ou à l’issue d’un mandat syndical (18) ;
au moins une action de formation non obligatoire.
  • AMÉNAGEMENTS CONVENTIONNELS
Si elle supprime (19) les effets des accords de gestion interne du CPF qui ont pu être conclus en application de la loi du 5 mars 2014, la loi du 5 septembre 2018 crée de nouvelles opportunités de négociation dans l’entreprise.
Formations réalisées hors temps de travail
Il est possible, par accord collectif :
- de prévoir que les salariés pourront se former en dehors du temps de travail au-delà de 30 heures par an ;
- de préciser, le cas échéant, les formations ou les catégories de formations visées par cette dérogation ;
- d’envisager des contreparties pour compenser les charges induites par la garde d’enfants.
Remarque
De ce point de vue, notons qu’aucun salarié ne sera tenu d’accepter de se former en dehors du temps de travail en vertu de l’accord, et que son refus ne pourra pas être considéré comme fautif.
  • Périodicité des entretiens professionnels

Un accord collectif pourra décider d’une périodicité des entretiens professionnels différente de celle prévue actuellement par la loi (tous les deux ans). Il peut ainsi être envisagé qu’ils aient lieu tous les ans (à l’instar des entretiens annuels d’évaluation) ou tous les trois ou quatre ans.
État des lieux du parcours professionnel
L’accord pourra également prévoir des modalités d’appréciation du parcours professionnel du salarié distinctes de celles actuellement prévues par la loi (suivi d’au moins une action de formation, acquisition d’éléments de certification par la formation ou la VAE, progression salariale ou professionnelle) (20) .
  • Critères d’abondement du CPF

Enfin, il pourra être fixé par accord collectif un cadre, des objectifs et des critères collectifs d’abondement du CPF. Ces éléments pourront d’ailleurs utilement intégrer les négociations relatives à la gestion prévisionnelle des emplois et des parcours professionnels (20) .
C. trav., art. L. 2242-20, applicable à compter du 1er janvier 2019.
De façon générale, l’un des objectifs de la réforme consiste à favoriser l’autonomie individuelle en matière d’évolution des compétences tout en encourageant les logiques de co-construction dans le cadre d’accords collectifs. Mieux informés (notamment à l’occasion des entretiens professionnels) et dotés de compteurs CPF monétarisés, les salariés devraient davantage utiliser les droits dont ils disposent en matière de formation. Si les entreprises élaborent en outre des politiques de « CPF coconstruit » permettant de financer l’intégralité de formations certifiantes via des abondements, le pari de l’individualisation des droits en matière de formation pourrait alors être remporté.
Reste à savoir si l’ensemble des acteurs sont prêts à avancer dans cette direction.
(1) Voir le calendrier prévisionnel
(2) Nous reviendrons longuement sur cette réforme dans un numéro spécial des Cahiers du DRH que réalisera le Cabinet Fromont Briens.
(3) L. no 2018-771, 5 sept. 2018, pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
(4) C. trav., art. L. 6353-1.
(5) L. no 2014-288, 5 mars 2014, relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.
(6) Voir supra. Toutefois, les dossiers déposés jusqu’au 31 décembre 2018 pourront être financés jusqu’à leur terme.
(7) C. trav., art. L. 6323-17-1, applicable à compter du 1er janvier 2019.
(8) C. trav., art. L. 6313-7, applic. à compter du 1er janvier 2019.
(9) Formations sanctionnées par une certification enregistrée au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), celles sanctionnées par les certifications et habilitations enregistrées au « répertoire spécifique » et les blocs de compétences.
(10) L. no 2016-1088, 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.
(11) L. no 2004-391, 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.
(12) C. trav., art. L. 6324-1, applicable à compter du 1er janvier 2019.
(13) L. no 2018-771, 5 sept. 2018, préc., art. 8.
(14) C. trav., art. L. 6321-2, applicable à compter du 1er janvier 2019.
(15) C. trav., art. L. 6321-6, 2o, applicable à compter du 1er janvier 2019. Jusqu’à présent, les formations en dehors du temps travail pouvaient être réalisées dans la limite de 80 heures par an et par salarié lorsqu’il s’agissait de formations de développement des compétences.
(16) C. trav., art. L. 2312-24, applicable à compter du 1er janvier 2019.
(17) L. no 2016-1088, préc.
(18) Il s’agit des congés de maternité, parentaux d’éducation, de proche aidant, d’adoption, sabbatiques ; des périodes de mobilité volontaire sécurisée, des périodes d’activité à temps partiel, des arrêts pour longue maladie et à l’issue d’un mandat syndical.
(19) L. no 2018-771, 5 sept. 2018, préc., art. 37, IV.
(20) C. trav., art. L. 6315-1, applicable à compter du 1er janvier 2019.


Sabrina DOUGADOS, Avocat associé Fromont Briens
Philippe PICCOLI, Docteur en droit & juriste, Pôle droit de la formation professionnelle Fromont Briens

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire