Code du travail, financement de la formation, prévention de la pénibilité, temps de travail… : l’agenda social 2016 comporte bon nombre d’évolutions qui auront une influence significative sur la GRH. Voici les dossiers qui vous attendent.
par Emmanuel Franck, Laurent Gérard, Virginie Leblanc, Elodie Sarfati, Hélène Truffaut 05/01/2016 Entreprise & Carrières
© Denis Pessin
- DROIT DU TRAVAIL -
Réforme du Code du travail
Avant le 15 janvier 2016, la commission Badinter devra définir les principes fondamentaux du droit du travail en vue d’une réforme du Code du travail qui devrait s’étaler sur les deux années à venir. Selon la lettre de mission du Premier ministre, la commission devra « dégager les principes juridiques les plus importants […], qui constituent le fondement même de l’ordre public en matière sociale » et auquel il ne pourra être dérogé. Par exemple, l’interdiction de discriminer. En mars 2016 doit être présenté, en Conseil des ministres, le projet de loi réformant le Code du travail. Le texte intégrera notamment les grands principes dégagés par la mission Badinter.
Cette semaine est attendu le rapport du professeur Jean-François Cesaro, qui devra proposer « des solutions appropriées pour fluidifier les règles de révision et de dénonciation des accords à tous les niveaux », dixit la ministre du Travail, Myriam El Khomeri.
Temps de travail
Sans attendre la réécriture finale du Code du travail, le gouvernement présentera dans le projet de loi de mars 2016 une refonte de la partie du Code consacrée au temps de travail (durée, repos et congés). Sans toucher aux 35 heures, l’objectif est d’abord de donner aux entreprises une meilleure visibilité sur leurs marges de manœuvre. Certains assouplissements pourraient aussi y figurer, ainsi que des dispositions prenant en compte l’impact du numérique sur le temps de travail, comme le télétravail ou le droit à la déconnexion.
Compte personnel d’activité (CPA)
Prévu pour entrer en vigueur dès le 1er janvier 2017, le CPA fait pour l’heure l’objet de négociations entre les partenaires sociaux. Trois nouvelles réunions doivent se tenir d’ici au 8 février, afin de parvenir à un accord de méthode. Celui-ci doit déterminer les objectifs, les principes et le contenu du CPA (liste des droits inclus, accès à l’information via un portail numérique, mécanismes de mutualisation et de portabilité, financement, etc.). Une première étape, car des discussions devraient être menées au cours de l’année 2016 pour faire évoluer ce premier socle, par exemple sur la généralisation éventuelle du CET. Outil de sécurisation des parcours professionnels, le CPA doit a minima comprendre les droits issus du CPF et du compte pénibilité. Il sera intégré au projet de loi réformant le droit du travail en mars 2016.
Égalité professionnelle
Depuis le 1er janvier 2016, les entreprises peuvent utiliser la procédure du rescrit pour sécuriser leurs accords et leurs plans d’actions relatifs à l’égalité professionnelle. Selon une ordonnance parue au JO du 11 décembre, les employeurs peuvent demander à l’administration de prendre position sur la conformité de leur accord ou de leur plan dans le but de se prémunir contre une éventuelle sanction financière. L’absence de réponse de l’administration, à l’issue d’une durée qui sera fixée par décret, vaudra un refus. La même ordonnance prévoit aussi une procédure de rescrit en matière d’obligation d’emploi des travailleurs handicapés.
- FORMATION -
Entretien professionnel
Début mars 2016, 100 % des salariés devraient avoir eu leur premier entretien professionnel (EP). Pour nombre d’observateurs, c’est de la science-fiction. L’enjeu est pourtant important : au bout de 3 EP (un tous les deux ans) s’il est constaté que le salarié n’a pas eu droit à deux des trois actions possibles (formation, augmentation, promotion), son employeur sera pénalisé et devra abonder son CPF de 100 heures.
Les mois de janvier et février risquent d’être chargés pour honorer ce premier rendez-vous, car, début novembre 2015, un sondage Ifop-TAC Conseil, affirmait que 81 % des salariés n’avaient pas encore de date fixée pour leur premier entretien professionnel ! Dès octobre 2015, le gouvernement a lancé une campagne de communication : site Internet, messages radio… Difficile de dire à ce jour quels en ont été les effets.
Première collecte sans obligation fiscale légale
Les entreprises verseront-elles des fonds libres à leur Opca lors de la prochaine collecte, en contrepartie de “nouveaux services” ? C’est tout l’enjeu de la collecte 2016 sur les masses salariales 2015, qui se clôturera fin mars 2016. La disparition du 0,9 % plan fiscal affaiblit les Opca et les possibilités de financement mutualisés, surtout pour les entreprises de 10 à 300 salariés. Depuis des mois, les Opca tentent de construire des offres de services en échange d’un versement de fonds libres de la part de ces entreprises “laissées pour compte”. Mais ils doivent le faire sans être attaqués par les prestataires du marché pour concurrence déloyale.
L’exercice est subtil : les Opca argumentent en s’affichant comme des “apporteurs d’affaires” pour les prestataires du marché. Les entreprises trouveront-elles suffisamment d’intérêt à ces services pour accepter de verser des fonds libres ? Certains Opca affirment déjà compenser 50 % de la perte du 0,9 % par ces versements.
Contrôle qualité
À partir du 1er janvier 2017, le contrôle qualité des Opca sur les formations qu’ils financent va-t-il réduire la marge de manœuvre et de choix des entreprises ? Sur les fonds versés librement, non. Sur les fonds plan légaux maintenus (0,1 % et 0,2 %) ainsi que sur les contrats et périodes de professionnalisation (dont l’usage devient plus difficile), c’est fort probable. Un référentiel mettant à disposition des différents financeurs (entreprises, individus, Opca/Opacif) une information « claire et transparente » sur les organismes de formation, afin de faciliter un achat de formation en « toute connaissance de cause », selon les mots du président du Copanef, Christian Janin, est attendu prochainement.
Apprentissage
L’apprentissage est à surveiller. Non seulement les Opca deviennent collecteurs de la taxe en 2016, mais surtout, le bilan de cette modalité de formation a souvent été évoqué et critiqué dans le débat public des élections régionales. La pression est mise.
- SANTÉ, SÉCURITÉ, CONDITIONS DE TRAVAIL -
Plan santé au travail
L’année 2016 marque le début du déploiement du troisième plan santé au travail 2016-2020, adopté le 8 décembre dernier. Ce plan fait prévaloir la prévention, plutôt que la logique de réparation. Il positionne la qualité de vie au travail comme un levier de santé, de maintien en emploi et de performance économique et sociale des entreprises. Il mise également sur le renforcement du dialogue social et invite à une meilleure structuration du système d’acteurs de prévention, notamment en direction des TPE-PME.
Réforme de la médecine du travail
La ministre du Travail a indiqué que son projet de loi sur le droit du travail prévu pour mars 2016 comprendra des mesures relatives à la réforme de la médecine du travail, en complément de celles prises dans la loi Rebsamen du 17 août 2015. Dans un mémorandum adopté le 2 décembre (sauf par FO), le Conseil d’orientation des conditions de travail (Coct) a précisé ses souhaits concernant cette réforme, à laquelle il entend être « pleinement associé ». Selon lui, « il convient d’adapter les conditions de suivi individuel de l’état de santé des salariés aux risques professionnels encourus ». Les visites d’aptitude lors de l’embauche doivent être tournées vers cet objectif et le suivi périodique doit permettre de prioriser les salariés qui en ont le plus besoin. Le Coct souligne également la nécessité de renforcer l’attractivité des professions de santé au travail et de renouveler le pilotage des services interentreprises de santé au travail (SIST).
Pénibilité
La loi Rebsamen du 17 août 2015 a adopté certaines dispositions de simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité. Les décrets étaient toujours attendus fin décembre 2015. La fiche de prévention des expositions est supprimée et remplacée par une déclaration dans les supports existants (DADS et DSN). En janvier 2016, les employeurs devront remplir les déclarations d’exposition relatives à l’année 2015. Une cotisation additionnelle (0,1 % des rémunérations perçues par les salariés exposés, pour 2015 et 2016) sera due par les entreprises employant des salariés exposés à des facteurs de risques au-delà des seuils. Cette cotisation peut être versée jusqu’au 31 janvier 2016 pour les entreprises du régime général et jusqu’au 15 février pour celles du régime agricole.
De plus, des référentiels professionnels de branche pourront être construits afin d’aider leurs entreprises adhérentes à identifier des postes, métiers ou situations de travail exposés à la pénibilité. À compter du 1er juillet 2016, les six facteurs de pénibilité qui devaient initialement entrer en vigueur au 1er janvier 2016, seront effectifs. Les manutentions manuelles de charge et le bruit devaient être révisés, selon les projets de décret. S’agissant du travail répétitif, facteur entré en vigueur en 2015, sa définition devait être revue, et reprendre celle définie dans le rapport d’Hervé Lanouzière, directeur général de l’Anact.
Santé dans la Fonction publique
La concertation lancée en juin 2015 dans la Fonction publique sur la santé et la sécurité au travail, va se poursuivre début 2016. Elle s’inscrit dans le prolongement de l’accord relatif à la santé et à la sécurité au travail dans la fonction publique de novembre 2009. Quatre groupes de travail thématiques ont été constitués : acteurs et instances de prévention ; reclassement, inaptitude, instances médicales, accidents et maladies professionnels ; risques professionnels ; et pénibilité. Ce dernier thème devrait être abordé fin janvier.
- PROTECTION SOCIALE -
Complémentaires santé
Le 1er janvier 2016 marque l’entrée en vigueur de la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés.
Pour certaines entreprises, l’année 2016 permettra aussi de se mettre en conformité avec les nouvelles exigences du contrat responsable, même si de nombreuses sociétés l’ont déjà fait (lire Entreprise & Carrières n° 1261). Une période transitoire est en effet prévue jusqu’au 1er janvier 2018, en fonction de la date de création du régime ou de sa modification.
Autre point sur lequel les entreprises devront être vigilantes : une disposition adoptée dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, fin 2015, précise que le financement de 50 % dû par l’employeur porte sur l’ensemble de la couverture santé proposée et non sur le seul panier minimum. Les employeurs qui avaient choisi ce dernier mode de calcul devaient le revoir, en théorie, pour le 1er janvier 2016…
Réforme des retraites complémentaires
Les entreprises ont tout intérêt à se pencher dès à présent sur toutes les dispositions de l’accord du 30 octobre 2015 sur les retraites complémentaires Agirc-Arrco. Car, outre les mesures paramétriques de court terme – dont l’extension de la cotisation AGFF* à la tranche C au 1er janvier 2016, le nouveau système de “bonus-malus” qui entrera en vigueur dans trois ans pourrait bien, en effet, compliquer l’organisation des flux de départs à la retraite. Pour encourager la poursuite d’activité, le texte instaure un “coefficient de solidarité temporaire” de 0,90 pendant trois ans – au maximum jusqu’à 67 ans – sur le montant des retraites complémentaires des salariés ayant liquidé leur retraite de base à taux plein. Ce dispositif s’appliquera aux personnes nées à partir de 1957 et liquidant leurs droits à la retraite complémentaire à compter du 1er janvier 2019. L’abattement ne s’appliquera pas dès lors que le salarié choisira de reporter d’un an son départ à taux plein. Au-delà, les intéressés verront leur retraite complémentaire majorée, pendant une année, de 10 % pour un report de deux ans, de 20 % pour un report de trois ans, et de 30 % pour quatre ans.
Difficile, à ce stade, de savoir comment se comporteront les salariés. Les sessions d’information sur la retraite devraient, en tout cas, s’avérer indispensables.
ET AUSSI...
Représentativité patronale
D’ici au 15 février 2016, le Conseil constitutionnel devra avoir statué sur la représentativité des organisations patronales. Le Medef conteste le décret du 10 juin 2015 conditionnant la représentativité à une audience de 8 % des entreprises adhérentes aux syndicats patronaux ; il souhaiterait que la règle 1 entreprise = 1 voix soit pondérée par le nombre de salariés employés dans les entreprises adhérentes.
Fiche de paie simplifiée
2016 devrait être l’année d’expérimentation du bulletin de paie simplifié avec des entreprises pilotes. Certaines ont déjà sauté le pas. À commencer par Solvay, dont le DRH France, Jean-Christophe Sciberras, avait été chargé d’un rapport sur le sujet remis au gouvernement le 27 juillet dernier. L’objectif est de « rendre plus lisibles les montants de cotisations dus par les salariés et par les employeurs, en tenant compte des exonérations dont ces derniers peuvent bénéficier », le nouveau modèle devant également faire « apparaître le montant total des allégements de cotisations », précise la succincte présentation en ligne du gouvernement. Lequel souhaite généraliser ce nouveau bulletin de paie d’ici à 2017.
Statut de l’encadrement
Comme prévu par l’accord sur les retraites complémentaires, les partenaires sociaux ouvriront début 2016 une négociation sur le statut de l’encadrement, et les éléments permettant de le caractériser. Il s’agit aussi de permettre aux branches de « moderniser le dispositif de prévoyance » de la CCNC de 1947 en « pérennisant le taux de cotisation de 1,5 % ».
Epargne salariale
Attention aux conséquences de la loi Macron : lire l'interview de Hubert Clerbois (EPS Partenaires).
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