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Par Le Figaro.fr avec Reuters
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Mis à jour le 25/06/2018 à 12:53
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Publié le 25/06/2018 à 07:03
Un trader français, agissant pour son
propre compte, a pris une position cumulée de 6,6 milliards de dollars sur des
contrats à terme sur des indices actions, alors que son compte n'excédait pas
20.000 euros, sans que cela n'alerte personne dix ans après l'affaire Kerviel.
Le jeudi 29 juin 2017, Harouna Traoré,
41 ans, a détenu une position acheteuse de 43.941 contrats futures sur le
S&P 500, soit une exposition nette de 5,3 milliards de dollars, et de
34.388 contrats futures sur l'EuroStoxx 50, soit une exposition nette de 1,2
milliard d'euros, des ordres passés via le courtier britannique Valbury
Capital, selon des relevés de trading vus par Reuters.
Harouna Traoré, qui commençait tout juste sa carrière
de trader après avoir fini une formation de huit semaines, prend d'abord
position sur les contrats futures EuroStoxx 50 alors que le marché actions est
en baisse ce jour-là. Il clôt progressivement ses positions avant la clôture de
l'indice européen à 17h30. Son compte affiche alors une perte de 2,4 millions
d'euros.
Il décide ensuite de négocier sur les
contrats futures S&P 500 et parvient à terminer la journée sur un gain de
13,6 millions de dollars grâce à un retournement de marché. A la fin de la
journée, son solde créditeur est de près de 11 millions de dollars.
Dans un document transmis à la justice
qu'a pu obtenir Reuters, Harouna Traoré indique avoir commencé ce matin-là à
trader chez Krechendo, une trading arcade présente en France basée sur le
modèle des salles de marché londoniennes.
Aux alentours de midi, il clôture ses
positions et décide de rentrer chez lui afin de s'entraîner sur une version en
simulation de la plateforme de trading X Trader de Valbury avant de réaliser
que ses ordres, et sa perte de plus d'un million d'euros sur cette plateforme,
étaient bien réels.
"J'ai pensé que ma vie était finie.
Je me suis dit comment je vais faire pour rembourser tout ça ?", a
expliqué Harouna Traoré à Reuters.
Il décide de continuer à trader dans ce
qui s'est avéré être une tentative réussie pour combler ses pertes.
Choqué
Le lendemain, il reste chez lui.
"J'étais trop choqué", se rappelle-t-il.
Comme à l'habitude, Harouna Traoré
reçoit le vendredi de la part de Valbury son relevé de compte, qui recense tous
les ordres passés la journée précédente. Il n'a aucun contact avec le courtier
avant qu'il ne se décide à l'appeler le lundi suivant pour expliquer ce qui
s'est passé.
En juillet, Valbury indique à Harouna
Traoré avoir ouvert une "enquête officielle" et gelé son compte.
Trois semaines plus tard, le broker conclut que le trader a agi en violation du
contrat qui les lie, annule les transactions et gèle le versement des gains
réalisés par Harouna Traoré lors de sa folle journée de trading.
Le 10 janvier 2018, le trader français
assigne en justice Valbury devant le Tribunal de grande instance de Pontoise
pour récupérer ses gains.
Selon un courriel vu par Reuters envoyé
par Valbury à Harouna Traoré, le trader français disposait d'un compte de
20.000 euros avec une limite de 10 contrats par jour.
La valeur d'un contrat future EuroStoxx
50 est actuellement d'environ 34.000 euros (un point sur l'indice vaut 10
euros) et de 137.500 dollars pour un contrat future S&P 500 (50 dollars le
point).
"Je confirme qu'il y avait une
limite contractuelle sur le compte", a indiqué Robert Falkner, avocat au
sein du cabinet Reed Smith à Londres qui représente Valbury Capital, interrogé
sur la présence de limites de passage d'ordres sur le compte de Harouna Traoré.
Il n'a pas souhaité faire plus de commentaires dans ce dossier.
Mais selon les paramètres de risque sur
le compte d'Harouna Traoré, dont Reuters a pu consulter une capture d'écran, il
est indiqué que le crédit utilisateur est "illimité".
"Il y a eu une erreur sur le
compte", explique à Reuters Tarek Elmarhri, fondateur de Krechendo
Trading, qui est averti le lundi par Harouna Traoré des positions folles prises
quelques jours avant par le trader.
Cela signifie que Harouna Traoré
"pouvait acheter un montant de contrats illimités sur son compte de
trading de 20.000 euros", ajoute-t-il.
Harouna Traoré aurait pu perdre entre
100 et 200 millions d'euros si le marché avait baissé de l'ordre de 3% à 4%,
explique Tarek Elmarhri.
Harouna Traoré a démenti catégoriquement
à Reuters les affirmations selon lesquelles il s'était aperçu quelques jours
avant de l'absence de limites de son contrat et qu'il était parfaitement au
courant dès le départ qu'il tradait le 29 juin en plateforme en temps réel afin
de se "refaire" d'une perte accusée dans la matinée.
Selon plusieurs sources, il accusait un
déficit de 900 euros à l'issue de sa session de trading chez Krechendo.
"Un nouveau Kerviel"
Le montant substantiel de contrats
négociés par Harouna Traoré, plusieurs milliers sur les contrats futures, est
démesuré par rapport au nombre d'ordres qu'est habituellement autorisé à passer
quotidiennement un trader, ce qui interroge sur l'absence d'alertes et la
gestion du risque dans l'industrie financière dix ans après le scandale
Kerviel, qui s'était soldé par une perte de 4,9 milliards d'euros pour la
Société générale.
"Je ne comprends même pas comment
un courtier en ligne peut autoriser des clients à passer des ordres pareils,
avec des montants pareils, ça devrait automatiquement être bloqué",
s'étonne Jérôme Legras, responsable de la recherche chez Axiom Alternative
Investments, un fonds qui investit dans des actions et obligations de
l'industrie financière.
"Beaucoup a été fait en termes de
contrôle" depuis la crise financière, ajoute Jérôme Legras qui travaillait
dans la division de financements structurés chez Société générale à l'époque du
scandale Kerviel en 2008.
Selon Tarek Elmarhri, c'est parce que
Harouna Traoré est parvenu à finir sur un gain et qu'il a clos ses positions
avant la clôture du marché - ce qui n'a pas déclenché d'appels de marge - que
son trading est passé inaperçu jusqu'au lundi.
"Cela pourrait se reproduire
encore, la réglementation actuelle n'est pas efficace", prévient Tarek
Elmarhri évoquant la mise en oeuvre de MiFid II en début d'année. "On
pourrait avoir un nouveau Jérôme Kerviel comme on pourrait avoir un nouveau
trader fou".
La FCA, l'autorité britannique de
régulation financière, n'a pas souhaité faire de commentaires, tandis que l'AMF
a indiqué qu'elle ne commentait pas les dossiers particuliers.
Selon son profil LinkedIn, Harouna
Traoré a travaillé de 2013 à 2017 pour Thomson Reuters, la maison mère de
Reuter.
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