Par Eric Treguier le 25.06.2018 à 08h00
Venir
au bureau avec son animal de compagnie, c'est tendance. Mais c'est aussi bon
pour le moral, l'esprit d'équipe et la créativité.
Enquête sur une pratique qui
est en train de décoller...
L'exemple vient d'en
haut: à l'Elysée, Nemo, le chien d'Emmanuel et de Brigitte Macron, parcourt le
palais présidentiel pendant que ses maitres travaillent. Il n'est pas le seul
animal de compagnie à partager le travail de ses propriétaires. En France, un employé
sur sept vient au travail accompagné, selon une étude de l'Ifop de 2016. Mais
il y en a aussi 44% qui regrettent de ne pouvoir le faire...
"Pets at Work", un mouvement mondial
La semaine dernière,
la journée "Pets at work", qui s'est tenue vendredi 23 juin, a été
l'occasion pour des milliers d'entre eux de tester la vie de bureau, matinée de
"toutouthérapie". Et manifestement, ça fonctionne… Mélanie Carle,
chef de produit Purina, qui vient chaque jour au bureau avec sa chienne Délice,
le reconnaît: "Venir avec mon chien m'a procuré un bien-être dans mon
activité professionnelle, je me sens beaucoup plus sereine, moins stressée et
cela a favorisé mon inspiration et ma créativité." Certes, on pourrait se
dire que cette déclaration d'une employée de Purina, à l'origine de
l'initiative Pets at Work, n'a rien de spontané. Sauf que d'autres entreprises
ont aussi adopté la "toutouthérapie", avec des résultats probants. Le
géant du coworking WeWork a par exemple décidé d'ouvrir largement ses quatre
espaces de coworking parisiens (Lafayette, Cœur Marais, Colisée
et Champs-Elysées) aux animaux. "Ce qui me plaît par dessus
tout chez WeWork, c'est de pouvoir emmener mon chien Oscar au
travail", témoigne Apolline, une des 5. 000 personnes
(et des 470 entreprises utilisatrices, comme Thales, Airbus,
Deloitteet BNP Paribas…) désormais invitées à venir travailler
avec leur compagnon à quatre pattes. "Ici, au Wework Lafayette, on connaît
bien les 5 clients qui viennent avec leur chien. Ces animaux amènent une bonne
ambiance et on espère qu'ils seront bientôt plus nombreux", explique
Nocolas Zirimis, responsable animation du bâtiment. A Toulouse, les salariés de
la PME Eurécia, spécialisée dans les RH, ont eux
aussi testé le concept, en procédant à un vote. Résultat,
explique Pascal Grémiaux, son président-fondateur, la proposition
d'autoriser les salariés à venir "accompagnés" au travail a été
"adoptée à 85%". Léon, le chien de Yaël, la responsable
support d'Eurécia, n'est plus seul,désormais d'autres animaux viennent
régulièrement lui tenir compagnie.
Un
extincteur à stress
L'intérêt de cette
présence? C'est simple: diminuer le stress. La présence d'un chien ou d'un
chat change quasi instantanémentl'ambiance générale d'une entreprise: il fédère et
réduit les tensions entre collègues. Ce n'est pas négligeable: en France, le
coût social du stress est évalué entre 2 et 3 milliards d'euros par an. Selon
une enquête Ipsos réalisée en 2017, un tiers des employés estiment
que la présence des chiens contribue à diminuer le stress, un quart
lui attribue une augmentation de leur motivation. On connait
déjà depuis des années les bénéfices d'un animal de compagnie employé à
des fins thérapeutiques sur des personnes seules ou dépressives. Mais plusieurs
études récentes, comme celle menée par la Commonwealth University en
Virginie en 2012, ont démontré que, dans les entreprises aussi,
la présence de chiens contribue au bien-être général. "Il est prouvé
qu'interagir avec un animal de compagnie entraîne une réduction du taux de
cortisol", explique la psychologue clinicienne Sarah Jeannin. Le
Cortisol est une hormone que produit le corps en situation de stress ou et de
contrariété. Or,poursuit Sarah Jeannin, "lorsqu'elle est secrétée en
excès, elle augmente rapidement la pression artérielle et le rythme cardiaque,
avec à la clé des désagréments préjudiciables au bien-être et à la santé,
comme par exemple une baisse de l'immunité. Quant à l'hormone du bien-être et
du lien social, l'ocytocine, son taux tend à augmenter lors d'une interaction
avec un animal."Des scientifiques avaient comparé le niveau de stress
entre deux équipes, une avec chiens et une autre sans. Leur différence de
stress était très marquée. Et le stress de l'équipe avec chien a brutalement
remonté lorsqu'on leur a demandé de venir une journée sans leur animal!
Que dit la loi?
Amener son animal
favori au bureau, ok. Mais que dit la loi? Eh bien, justement… pas grand-chose.
Ils sont interdits dans l'administration et -on le comprend- dans l'alimentation, mais il
n'y a pas d'interdiction formelle. C'est au règlement intérieur de chaque
société de préciser les conditions qui s'appliquent à l'employé souhaitant
venir au travail accompagné de son animal.Dans les faits, huit employés sur dix ignorent
si leur convention collective autorise la présence d'un animal dans leur
société. Si l’entreprise autorise la présence d’animaux, il ne faut
cependant pas qu’ils perturbent la bonne marche des affaires. C’est d’autant
plus vrai qu’à sa première venue, l’animal risque d’être lui-même stressé par
le changement d’environnement, avec le risque de réactions...
inattendues. C’est pourquoi il faut absolument être couvert par une assurance:
vous serez responsable de tous les dégâts que votre animal pourrait causer:
mordre votre chef, déchirer un contrat, mâchouiller les câbles électriques de
l’ordinateur de votre collègue… Attention aussi au chien lui-même, prévient le
Dr Antoine Bouvresse, vétérinaire comportementaliste, la plupart des
propriétaires ont choisi leur chien sur des critères esthétiques, sans se
préoccuper de leurs besoins, comportements et aptitudes particuliers, pas
toujours compatibles avec le mode de vie de leur propriétaire. «Des Border
Collies ou des Bergers Australiens, par exemple, ont besoin d’une dépense
physique et cognitive extrêmement importante au quotidien, c’est-à-dire de
plusieurs heures de balade par jour.» Il n’est pas étonnant, dans ces
conditions, qu’ils courent derrière le moindre objet en mouvement: voitures,
vélos ou joggers, au risque de les effrayer.»
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