Par Jean-Louis Dell'Oro: Challenges.fr
L'exception culturelle n'est pas l'apanage du cinéma français. En matière de retraites aussi, les Français présentent certaines particularités parfois étonnantes. Que ce soit pour le meilleur comme pour le pire. Tour d'horizon à partir de la dernière étude* "L'avenir des retraites" de HSBC publiée ce mardi 20 janvier.
1. Des Français plus lucides
Les Français ne se font plus d'illusions sur leurs retraites. Les réformes successives du régime général sont passées par là et elles semblent avoir été intériorisées par les Français. Quand on leur demande à quel âge ils pensent prendre leur retraite, les actifs français interrogés pour HSBC tablent aujourd'hui en moyenne sur 64 ans. A la même question en 2006, ils avaient répondu 60 ans en moyenne. C'est d'autant plus remarquable que les actifs anticipent l'impact des réformes. En effet, aujourd'hui, l'âge réel moyen du départ à la retraite est de 62 ans et un mois selon les données de la Caisse nationale d'assurance-vieillesse.
Les Français sont par ailleurs ceux qui anticipent le plus dans le monde une baisse de leur qualité de vie au moment de prendre leur retraite. Ils sont 54% à le penser, quand 25% des Français sondés estiment que leur situation sera identique et 22% qu'elle sera meilleure. L'étude HSBC porte sur 15 pays différents (cf. méthodologie ci-dessous) et permet d'intéressantes comparaisons. Notez cependant que les moyennes mondiales ne sont pas pondérées en fonction de la population. Un Canadien interrogé a ainsi autant de poids qu'un Taïwanais ou qu'un Turc.
Dans le cas qui nous intéresse ici, les personnes interrogées dans ces 15 pays sont moins d'un quart (23%) à anticiper une baisse de leur qualité de vie. Il n'est pourtant pas rare de voir ses revenus diminuer et son niveau de vie se dégrader quand on arrête de travailler. Les Français semblent ici plus conscients des problèmes liés au vieillissement. "La retraite ne fait plus autant rêver les Français", constate Vincent Caradec, sociologue et professeur à l'université de Lille, invité à l'occasion de la présentation de l'enquête par HSBC.
2. Mais des actifs qui ne se précipitent pas pour se préparer
Parmi les pays développés concernés par l'étude, les Français ne sont pas les plus pressés pour se mettre à épargner. 29% d'entre eux considèrent que l'âge maximal auquel les gens doivent commencer à se préparer pour leurs vieux jours est de 30 ans s'ils veulent conserver une qualité de vie similaire.
3. Des retraités exigeants qui regrettent leur ancien niveau de vie
Le passage du monde actif à celui de la retraite est souvent délicat financièrement. En particulier chez les Français. Lorsqu'on interroge les retraités, 41% d'entre eux indiquent que leur niveau de vie est moins bon qu'avant leur retraite. Le taux de remplacement (part que représente la pension versée par rapport au dernier salaire) est de 68,6% en cas de départ à taux plein en France pour la génération née en 1953, selon le Conseil d'orientation des retraites. Et il devrait baisser au cours des prochaines années.
Ce qui est étonnant ici, c'est que les Français sont, après les Turcs, les plus nombreux en proportion à se plaindre d'un niveau de vie inférieur, alors que la moyenne mondiale se situe à 25% d'après l'enquête HSBC. Les Américains, les Brésiliens ou encore les Anglais semblent beaucoup moins déçus par les prestations reçues. "C'est sans doute que les Français investissent la retraite d'attentes financières très importantes, alors que leur situation est en réalité plutôt bonne", analyse Vincent Caradec. Effectivement, la situation des seniors français reste très satisfaisante pour le moment. Leur niveau de vie médian est quasiment le même que celui des actifs, comme l'indique l'Insee. Et encore, ces données ne prennent pas en compte leur patrimoine, qui est en moyenne plus étoffé que celui des actifs.
4. L'immobilier n'est pas vu comme un frein pour préparer sa retraite
Les Français sont des amoureux de la pierre. Cette étude vient une fois de plus le démontrer. Comparés aux moyennes historiques, les prix sont pourtant stratosphériques par rapport aux revenus disponibles, y compris en Province, comme le fait remarquer l'économiste Jacques Friggit sur ces graphiques. Cela ne semble pas gêner les Français. Alors qu'en moyenne, dans le monde, 46% des sondés estiment que le remboursement d'un crédit immobilier ou d'autres crédits constitue un obstacle à la préparation adéquate d'une retraite confortable, ils sont seulement 38% à le penser en France.
Les Français estiment sans doute que l'acquisition d'une résidence principale fait partie des éléments indispensables pour aborder sereinement leurs vieux jours. L'immobilier est, avec l'assurance-vie, l'un des deux piliers du patrimoine des ménages hexagonaux.
5. L'épargne complémentaire pas encore dans les moeurs
Les actifs français font partie de ceux qui, dans le monde, sont les moins nombreux à ne pas pouvoir ou à ne pas vouloir épargner pour leur retraite. 48% des actifs interrogés sont dans ce cas, contre 25% aux Etats-Unis, 26% en Inde ou 37% au Royaume-Uni.
En outre, les Français estiment que leur épargne personnelle (hors pensions de retraite) devrait durer seulement 8 ans à partir de leur départ en retraite, contre 11 ans en moyenne dans le monde.
Il faut dire que les pensions versées par le régime général et la complémentaire obligatoire fournissent encore 85% des revenus des retraités dans l'Hexagone, comme l'explique l'économiste Philippe Crevel dans son dernier livre "Retraite: juste un autre monde" (éditions Temporis). Dans les pays de l'OCDE, ce ratio tombe à 63% et dans la plupart des pays émergents, il est bien inférieur.
Il est donc assez logique que les Français, qui versent beaucoup d'argent via leurs cotisations, disposent de moins de sous à mettre de côté pour leur retraite que les habitants d'autres pays dont les systèmes de retraite sont moins centralisés. Les Français sont toutefois en train de changer leurs habitudes et ils investissent de plus en plus dans l'épargne retraite individuelle.
*L'étude "Future of Retirement - L'avenir des retraites" a été réalisée par Ipsos MORI en août et septembre 2014 pour le compte de HSBC. Plus de 16.000 personnes ont été interrogées en ligne dans 15 pays : le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la France, le Canada, l'Australie, l'Inde, Hong Kong, Singapour, le Brésil, Taïwan, les Emirats Arabes Unis, le Mexique, la Malaisie, l'Indonésie, la Turquie. L'enquête est représentative pour chaque pays des personnes de 25 ans et plus en activité ou à la retraite. Les résultats mondiaux correspondent à la moyenne des pays et territoires ayant fait l'objet de l'enquête.
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