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Par Antoine
Izambard
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La Haute autorité
pour la transparence de la vie publique, créée après l'affaire Cahuzac, a
vu ses pouvoirs se renforcer sous la présidence de Jean-Louis Nadal. Et espère
poursuivre dans cette voie.
Jean-Louis Nadal, le
président de la Haute autorité avec François Hollande le 7 janvier 2015. REMY
DE LA MAUVINIERE / POOL / A
Il y a du
mieux mais le système de contrôle est encore loin d'être parfait. C'est le
message qu'a tenu à faire passer la Haute autorité pour la
transparence de la vie publique (HATVP), qui vient de publier son premier rapport
d'activité.
Créée en 2013 à
la suite du scandale Cahuzac, la Haute autorité qui est chargée de contrôler
les déclarations d'intérêts des élus, formule plusieurs propositions visant notamment à éviter de nouvelles affaires
Cahuzac ou Thévenoud. Voici ce qu'il faut savoir de cet organe.
1. Son rôle
Créée en 2013 à la suite de
l'affaire Cahuzac, la Haute Autorité est chargée de contrôler les
déclarations d'intérêts des élus.
Elle a comme prérogatives : la vérification de la situation fiscale des
ministres, le contrôle des déclarations de patrimoine des membres du
Gouvernement et du Parlement, le contrôle des intérêts de plusieurs milliers de
déclarants, la publication sur son site internet ou en préfecture de plusieurs
milliers de déclarations, le contrôle du pantouflage d’anciens ministres ou
d’anciens élus locaux, ou encore les réponses aux demandes d’avis
déontologiques de déclarants et d’institutions publiques.
Pour les parlementaires et principaux responsables exécutifs
locaux, les déclarations sont consultables dans les préfectures par tout
électeur du département, à condition de ne pas les divulguer, sous peine
d'amende (45.000 euros). Chaque citoyen peut saisir la Haute autorité s'il soupçonne que l'une
d'entre elles est mensongère ou inexacte. Ces "lanceurs d'alerte"
bénéficient d'une protection. Les déclarations mensongères sont
punies de 3 ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende (contre aucune peine
de prison et 30.000 euros actuellement).
Les ministres, parlementaires, principaux responsables d'exécutifs
locaux notamment doivent aussi remplir des déclarations d'activités et
d'intérêts (dont les activités professionnelles rémunérées, activités de
consultant, activités des conjoints, parents et enfants, etc.) remontant
jusqu'à cinq ans avant leur prise de fonctions, publiées sur le site de la Haute autorité.
Celle-ci est une autorité
administrative indépendante (AAI), dotée de pouvoirs d'auto-saisine et de
contrôle ainsi que d'une autonomie budgétaire. Elle est présidée par l'ancien
procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, dont le mandat non renouvelable est de six ans.
2. Son bilan
Depuis sa création, la Haute
Autorité a signalé à la justice plusieurs élus après avoir constaté des
anomalies dans leurs déclarations. C'est notamment le cas des époux Balkany, de
Serge Dassault, sénateur de Corbeil-Essonnes, de Yamina Benguigui, l'ancienne
ministre déléguée à la Francophonie et surtout du député socialiste Thomas
Thévenoud, éphémère secrétaire d'Etat au Commerce extérieur en 2014 et atteint
de "phobie administrative". Nommé
le 26 août 2014, celui-ci avait été contraint à démissionner 9 jours plus
tard, après la révélation de ses "problèmes de conformité" fiscaux.
La Direction générale des finances publiques a porté plainte contre lui le 1er
juin 2015 pour fraude fiscale.
D'après le premier rapport d'activité de la Haute
Autorité, "en tout, ce sont près de 18.000 déclarations (une même
personne peut faire plusieurs déclarations, voir graphique ci-dessous) qui ont
été reçues par la Hauteautorité"
au cours de l'année 2014. Plus de 2.000 déclarations ont été rendues publiques.
En tout, ce sont trois
ministres et une dizaine de parlementaires qui ont fait l'objet d'un
signalement. A titre de comparaison, en 25 ans, l’ancienne commission pour
la transparence de la vie politique n’avait elle transmis que 19 dossiers et
aucun n’avait débouché sur une condamnation. Néanmoins, tous les cas ne sont
pas identiques: ainsi le Secrétaire d'Etat chargé des Relations avec le
Parlement, Jean-Marie Le Guen, a seulement fait l'objet d'une
"appréciation" sur sa déclaration de patrimoine qui
s'est réglé à l'amiable, l'intéressé acceptant de corriger les manquements mis
en lumière par les sages. Mais la plupart des observations ont fait l'objet
d'un signalement au procureur, comme le prévoit l'article 40 du code de
procédure pénale.
Récemment, le député (MoDem) de la Réunion, Thierry Robert, a par
exemple été autorisé à continuer d'exercer en parallèle ses fonctions dans
plusieurs sociétés immobilières après un signalement de la Haute autorité au président de l'Assemblée Nationale et à l'ex
ministre de la Justice Christiane Taubira.
C'est donc à la justice qu'il
revient désormais de poursuivre les investigations. Trois enquêtes
préliminaires ont ainsi été ouvertes à l'encontre de parlementaires Les
Républicains soupçonnés d'avoir détenu des comptes en
Suisse.
Et la portée des décisions de la HATVP a également été confortée
fin décembre par le Conseil d'Etat. Le juge des référés du Palais Royal a
refusé "pour défaut d'urgence" de suspendre deux délibérations de la Haute Autorité relatives aux déclarations de
situation patrimoniale de Jean-Marie et Marine Le Pen. Quelques jours plus tôt,
la Haute Autorité avait annoncé avoir saisi le
parquet financier des déclarations de patrimoine des Le Pen, en raison de
la "sous-évaluation manifeste" de certains actifs. La présidente
du Front national avait fait un recours auprès du Conseil d'État pour contester
cette décision et son père avait dénoncé "le harcèlement des adversaires
du gouvernement et de l'establishment".
Les Français sont en tous cas
reconnaissant du travail de la Haute autorité. Un sondage YouGov
pour le Huffington Post et iTélé publié en novembre 2014 à l'occasion de
la mi-mandat de François Hollande faisait en effet de la HATVP la meilleure
mesure prise depuis le début du quinquennat.
3. Des pouvoirs accrus
Le contrôle de la Haute
autorité va de plus en plus loin. Pour la première fois en 2015, les
collaborateurs des ministres et les membres des autorités administratives indépendantes ont été
contrôlés par la Haute autorité. Et d’ici
le premier semestre 2016, les déclarations d'intérêts des élus départementaux,
communaux et des membres d’EPCI doivent aussi être publiées. "L'exercice de l'année dernière était hautement
symbolique, mais purement déclaratif, a d'ailleurs récemment confié Jean-Louis
Nadaldans un
entretien au Monde. Rien ne permettait d'attester la véracité
des déclarations. Là, pour la première fois, une autorité indépendante a
vérifié les informations déclarées par les plus hauts responsables
publics".
Mais le contrôle de la Haute
autorité devrait aussi prochainement concerner d'autres personnes que le
personnel politique. Le gouvernement a ainsi déposé à l'Assemblée nationale, le
17 juin dernier, une lettre rectificative au projet de loi relatif à la
déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. Si elle est
définitivement adoptée, deux types d'agents publics seront concernés: certains
agents des trois fonctions publiques (État, territoriale et hospitalière)
"dont la position hiérarchique ou la nature des fonctions le justifie"
et d'autres "en contact régulier avec les acteurs de la vie
économique".
Un projet de loi organique
déposé par le gouvernement au Sénat vise en plus à renforcer les règles
déontologiques applicables aux magistrats de l'ordre judiciaire. Ce texte,
adopté en première lecture par les sénateurs le 4 novembre dernier,
instaure l'obligation pour tous les magistrats de l'ordre judiciaire,
d'adresser une déclaration d'intérêts au président de leur juridiction ou au
chef de parquet, dans les deux mois de leur installation. Les plus hauts
magistrats de l'ordre judiciaire devront aussi déclarer leur situation
patrimoniale à la Haute autorité.
Autre disposition en attente
devant le Sénat, et qui pourrait marquer un véritable tournant: le droit pour
la HATVP d'aller mettre son nez dans les affaires des Tribunaux de Commerce,
exposés par nature à des conflits d'intérêts entre affaires privées et
rôle judiciaire. Leurs Présidents seraient soumis à l'obligation de
déclarer leurs intérêts. Et contraints de communiquer leurs éléments de
patrimoine.
Par rapport à ses débuts, la Haute autorité s'est
aussi nettement rapprochée de l'administration fiscale. "Nous avons noué un partenariat privilégié avec le
fisc, indique Jean-Louis Nadal. C'est essentiel, notamment pour détecter de possibles
avoirs à l'étranger".
4. Ce qui pourrait changer
Dans son rapport d'activité la
Haute autorité veut "permettre la pleine information du
Président de la République et du Premier ministre en cas de difficulté dans la
situation d'un membre du gouvernement ou d'une personne pressentie pour occuper
une telle fonction". Le rapport propose aussi de
"doter la Haute Autorité d'un droit de communication
propre et lui donner accès aux applications de l'administration fiscale lui
permettant de mener à bien ses contrôles".
Jean-Louis Nadal espère que la coordination avec le fisc pourra
s'améliorer, afin d'accélérer le processus de vérification des déclarations. Et
aimerait pouvoir accéder directement aux fichiers dont il a besoin. Comme il
aime à le dire, en matière de lutte contre la corruption, "il faut que
chaque wagon du train soit à sa place", et que l'exigence
"d'exemplarité" s'étende bien au-delà de la seule classe
politique.
A commencer par les lobbies.
Il demande au gouvernement de créer un
registre obligatoire où chaque représentant d’intérêts ferait régulièrement
figurer ses activités de lobbying, préciserait les budgets qui y sont alloués -
compris lorsque ce sont des avocats qui sont à la manœuvre - et les identités
des personnes qui les conduisent. Ce registre serait alors contrôlé par la
Haute autorité.
Notre avis:
Il est étonnant comme certains jours les actualités se télescope ( voir l'autre article de ce jour)
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