Une étude publiée dans le magazine du FMI affirme que le déclin des syndicats dans les pays riches a alimenté la flambée des inégalités sociales. Une thèse contestée par Christian Dufour, chercheur associé au CRIMT.
par Eric Béal 27/03/2015 Liaisons Sociales Magazine
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On n'attendait pas du Fonds monétaire international qu'il salue l'action des syndicats. C'est pourquoi l'article intitulé Power from the people, publié début mars par la revue du Fonds, Finance & Development, n'a pas manqué de susciter l'intérêt des observateurs.
Florence Jaumotte et Carolina Osorio Buitron, les deux auteurs, y affirment que "le déclin de la syndicalisation semble être un élément clé de la hausse des plus gros salaires". Selon leur étude qui couvre la période 1980–2010, les syndicats permettent d'abord de freiner les inégalités en assurant une "distribution des salaires" plus équitable et en faisant pression pour que les autorités s'engagent dans cette voie.
Alors que le taux de syndicalisation dans les principaux pays développés a reculé de 20,8% en 1999 à 16,9% en 2013, selon l'OCDE, les deux économistes du FMI notent qu'une faible syndicalisation "réduit la capacité de négociation" des salariés sur leur rémunération, au bénéfice des actionnaires et des plus hauts revenus. Elles ajoutent que "si la désyndicalisation affaiblit les revenus pour les salariés du milieu et du bas de l'échelle, cela augmente nécessairement la part des revenus perçus par l'encadrement des entreprises et par les actionnaires".
Pas de corrélation automatique
Le FMI découvrirait-il les vertus de la lutte des classes ? Christian Dufour, chercheur associé au Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT), souligne que le rôle des syndicats dans la distribution des salaires n'était pas contesté dans les années 80. "Cet effet égalisateur était alors reconnu comme une évidence, notamment en Europe. Mais on reprochait aux syndicats d'affaiblir de ce fait la performance économique. Petit à petit, les normes de négociation centralisées ont été remises en cause, pour lier performance et progressions salariales."
Sous le coup de la mondialisation, les secteurs les plus exposés à la concurrence internationale ont vu leurs conditions salariales se détériorer. Ce qui a créé des écarts de revenus au sein du salariat. "Des métiers nouveaux sont également apparus, ajoute le chercheur. Comme les traders ou certains métiers informatiques, qui n'ont jamais connu de régulation collective autre que celle du marché. Mais de là à établir une corrélation quasi mécanique entre recul syndical et progression du décile supérieur des revenus, il y a une marge…"
Un biais dans l'analyse
Pour le chercheur du CRIMT, l'étude publiée par Finance & Development, "reflète un certain biais d'analyse, lié à un manque de profondeur historique et aux insuffisances propres aux méthodes quantitativistes. Leurs modèles sont très réducteurs des réalités sociales et de leurs subtilités." D'autant plus, selon lui, que des pans entiers de la formation des revenus échappent à l'action syndicale. Tels les revenus non salariaux ou les minima sociaux, fixés par les pouvoirs publics.
Les deux économistes du FMI concluent leur article en indiquant que les inégalités peuvent également mettre la société à mal en permettant aux plus riches de manipuler l'économie et le système politique à leur profit. Elles sont d'avis que les gouvernements auraient intérêt à prendre des mesures pour limiter les écarts de revenu.
Mais il ne faut pas compter sur les syndicats pour prendre une part efficace dans ce domaine, estime Christian Dufour. "Ils sont affaiblis, repliés sur un segment étroit du salariat et pèsent peu dans les décisions macro sociales." Alors même qu'un certain nombre de gouvernements cherchent à les instituer en interlocuteurs officiels, après les avoir décrédibilisés pendant des années.
Notre point de vue:
- Pour une fois ce n'est pas nous qui vous le disons, mais le FMI.
- Si F Pérol, n'aime pas les syndicats, vous savez maintenant pourquoi.
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