15 juin 2020

En France, les chantiers sociaux de ces prochaines semaines


Apprentissage, activité partielle, emploi des jeunes… Le détail des mesures annoncées par le gouvernement pour sauver l’emploi et les compétences durement impactés par la crise sanitaire.
11/06/2020  Semaine Sociale Lamy, Nº 1912, 11 juin 2020

Les chantiers sociaux de ces prochaines semaines© Taikrixel - Getty Images
  • Abonnez-vous à Semaine Sociale Lamy
  • Accéder au sommaire de la revue
Comment préserver l’emploi et accompagner les plus fragiles ? Emmanuel Macron a reçu les partenaires sociaux à l’Élysée le 4 juin pour évoquer les chantiers sociaux qu’ils souhaitent lancer dans les prochaines semaines pour préserver l’économie française et l’emploi, fragilisés par deux mois de confinement. Un plan de relance de l’apprentissage a ainsi été annoncé, dont certaines mesures font l’objet du projet de loi de finances rectificative, présenté en Conseil des ministres le 10 juin. Le chef de l’État a également chargé sa ministre du Travail, Muriel Pénicaud, de mener une concertation sur l’assurance chômage, le chômage partiel, l’emploi des jeunes et la formation professionnelle. Doivent aussi être évoquées la régulation du travail détaché et les relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants. Les concertations avec les partenaires sociaux sur ces sujets se sont ouvertes le 9 juin. Le chef de l’État présentera ses décisions opérationnelles dans 15 jours.

APPRENTISSAGE
En matière d’apprentissage, l’objectif est de « maintenir la dynamique », a expliqué la ministre du Travail le 4 juin (500 000 apprentis, + 16 % entre février 2019 et février 2020). Après la tenue d’une concertation avec les partenaires sociaux sur l’apprentissage ces deux dernières semaines, elle a annoncé :
– la revalorisation de l’aide unique versée aux employeurs qui recrutent en apprentissage entre le 1er juillet 2020 et le 28 février 2021, afin que les entreprises continuent de former des apprentis « même si elles sont dans un moment un peu difficile », a expliqué Muriel Pénicaud. Une aide annuelle de 5 000 € serait ainsi versée à l’employeur pour l’embauche d’un apprenti mineur (première année) et 8 000 € pour un apprenti majeur (jusqu’à 30 ans révolus depuis la réforme de la loi Avenir professionnel) jusqu’au niveau licence (première année). « Le coût d’un apprenti sera donc quasi nul la première année », a poursuivi la ministre. Le dispositif sera ouvert pour toutes les embauches en apprentissage du CAP jusqu’à la licence professionnelle, sans condition pour les entreprises de moins de 250 salariés et sous réserve de respecter l’obligation légale d’embauche de 5 % d’alternants pour les entreprises de plus de 250 salariés. La mesure est insérée dans le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, présenté le 10 juin en Conseil des ministres, pour un coût autour d’un milliard d’euros ;
– une mobilisation des acteurs territoriaux pour répondre aux demandes d’apprentissage des jeunes. Le ministère vérifiera que chaque jeune qui a fait une demande d’apprentissage a eu accès à au moins une offre, selon l’entourage de Muriel Pénicaud ;
– l’élargissement de l’aide au premier équipement (jusqu’à 500 €) aux ordinateurs et tablettes. Le ministère souhaite ainsi permettre l’équipement informatique et numérique de l’ensemble des centres de formation d’apprentis afin de garantir la formation à distance de tous les apprentis, notamment lorsqu’ils ne possèdent pas d’équipement informatique personnel ;
– enfin, le gouvernement permettra, à compter de septembre, aux jeunes qui n’ont pas encore de contrat d’apprentissage de rester inscrits six mois (au lieu de trois mois actuellement) dans le centre de formation avant de trouver un point de chute en entreprise.

L’ACTIVITE PARTIELLE
Selon la ministre du Travail, le chômage partiel a concerné, sur les trois derniers mois, « près de 12 millions de salariés et plus d’un million d’entreprises, c’est-à-dire six emplois sur dix du secteur privé ». « L’État ne peut pas prendre à sa charge le paiement des salaires de manière durable », a poursuivi Muriel Pénicaud. « Une nouvelle phase s’ouvre et de nouveaux dispositifs de préservation de l’emploi et des compétences doivent être mis en place. » Il s’agit ainsi de :
– stabiliser, au moins jusqu’à la fin du quinquennat, le régime actuel de l’activité partielle, aménagé au fil de l’eau ces derniers mois pour répondre au plus près aux besoins des entreprises ;
– de créer un nouveau dispositif spécifique d’activité partielle, dénommé « activité réduite pour le maintien en emploi », destiné à assurer le maintien dans l’emploi dans les entreprises confrontées à une réduction d’activité durable qui n’est pas de nature à compromettre leur pérennité. Le dispositif serait mis en place par accord collectif d’établissement, d’entreprise ou de groupe ou par accord de branche étendu et donnerait lieu à une indemnisation majorée en contrepartie de garanties de maintien dans l’emploi. Si nécessaire, le dispositif pourrait être complété par des mesures spécifiques dans certains secteurs. La mesure a été introduite par amendement gouvernemental dans le projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Un décret fixerait les conditions et les cas de majoration du « pourcentage de l’indemnité et [du] montant de l’allocation […], notamment selon les caractéristiques de l’activité de l’entreprise ».
L’ensemble de ces dispositions seront discutées avec les partenaires sociaux, en vue de décisions attendues vers le 15 juin.

L’ASSURANCE CHOMAGE
S’agissant de l’assurance chômage, Emmanuel Macron s’est dit prêt à revoir sa réforme à l’aune du contexte actuel. Certaines mesures sont inapplicables aujourd’hui, a expliqué la ministre du Travail. Des décisions seront donc prises dans le courant de l’été.

L’EMPLOI DES JEUNES
À la demande du chef de l’État et du Premier ministre, un plan de relance sur l’emploi des jeunes sera également discuté ces prochaines semaines avec les partenaires sociaux et sera finalisé mi-juillet. « 800 000 jeunes sortiront du système scolaire cet été », a expliqué Muriel Pénicaud. Il s’agit de leur permettre d’accéder à un premier emploi malgré un marché du travail dégradé par la crise sanitaire.

L’EMPLOI ET LES COMPETENCES
Enfin un plan d’adaptation de la politique de compétences et de la formation professionnelle sera discuté avec les partenaires sociaux ces prochaines semaines et présenté en même temps que le plan de relance économique. La concertation portera sur l’emploi et les compétences des salariés en chômage partiel et des demandeurs d’emploi. « Il faut permettre à chacun d’utiliser cette période difficile comme une occasion de rebond, [et] développer les compétences nécessaires demain en matière numérique, en matière de transition écologique, en matière d’aide aux personnes », a expliqué Muriel Pénicaud. Les mesures pourraient porter sur une réorientation du plan d’investissement dans les compétences, ou encore un abondement spécifique du compte personnel de formation en cohérence avec le plan de relance économique.

LE TRAVAIL DETACHE
Deux autres sujets feront également l’objet de discussions : la régulation du travail détaché et les relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants sur des sujets comme l’emploi, les compétences et l’activité partielle.

Sabine Izard

La négociation collective pendant la crise
Depuis le début de la crise sanitaire, 20 accords de branche ont été conclus pour faire face aux conséquences de l’épidémie de Covid-19, dont 10 sont d’ores et déjà étendus à la date du 9 juin 2020 (4 accords ne font pas l’objet d’une demande d’extension et un cinquième fait l’objet d’une opposition majoritaire à l’extension).
• Négociation de branche relative à la prise de congés payés dans le cadre de la crise sanitaire Covid-19 : branches du sport, services de l’automobile, l’assainissement et de la maintenance industrielle, métallurgie, courtage d’assurance, bijouterie-joaillerie-orfèvrerie, cadeaux, vins, cidres, jus de fruits, sirops, spiritueux et liqueurs de France, cabinets et cliniques vétérinaires, commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique, industries et du commerce de la récupération, immobilier…
• Les partenaires sociaux de la branche HCR annoncent la mise en place d’un fonds solidaire de protection sociale Covid-19 de plus de 50 millions d’euros dans le but d’accompagner la profession dans cette crise sanitaire inédite. Ce fonds permettra aux centaines de milliers de salariés et d’employeurs de la branche d’être exonérés totalement des cotisations santé et prévoyance pour le second trimestre 2020. Dans le but d’accompagner les salariés les plus fragiles ainsi que leurs familles, les partenaires sociaux dotent également le budget de l’action sociale HCR d’une enveloppe supplémentaire d’un million d’euros.
Au moins 5 500 accords d’entreprise ont également été conclus en ce sens.
• Négociation d’entreprise relative à la prise de congés payés dans le cadre de la crise sanitaire : Michelin, Société générale, LCL, etc. À noter l’accord conclu par le groupe Atos qui propose aux salariés de prendre cinq jours de congé entre le 16 mars et le 15 juin. À défaut, l’employeur peut imposer ces jours (trois jours de délai de prévenance). En contrepartie, les salariés en activité partielle sont indemnisés à 100 %.
• Négociation d’entreprise relative à d’autres thématiques : Toyota (dispositifs de maintien de la rémunération), etc.
Ministère du Travail, Situation et perspectives du marché du travail, 9 juin 2020

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire