L'Anact a sondé salariés et chefs d'entreprise sur leur perception des transformations à l'œuvre dans les organisations.
par Hélène Truffaut 13/06/2016 Entreprise & Carrières
© Viacheslav Iakobchuk
Le numérique a plutôt bonne presse auprès des salariés et des chefs d’entreprise. Du moins si l’on en croit l’enquête* menée par TNS Sofres pour l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) dans le cadre de la Semaine pour la qualité de vie au travail, et dont les résultats sont dévoilés aujourd'hui. Organisée du 13 au 17 juin, cette semaine a pour thème « mieux travailler à l'ère du numérique ». Et si le sujet s’invite aujourd’hui en tant que tel dans les discussions sur la qualité de vie au travail (QVT), c’est bien parce que l’ambivalence de ses effets – plus ou moins bien appréhendés par les salariés eux-mêmes – incite à la vigilance, estime l'Anact. Qui chausse à présent ses « lunettes numériques » pour aborder les problématiques de transformation des organisations.
Maître et esclave. Car au-delà des écrans, les nouvelles technologies s'immiscent partout. Et modifient le travail : « Lorsqu'un fabricant de portes industrielles place sur ses produits des capteurs qui génèrent un ordre de maintenance en cas de panne, le salarié concerné doit-t-il intervenir immédiatement, ou cela lui donne-t-il la possibilité de gérer ses priorités ? » illustre Hervé Lanouzière, directeur général de l'Anact. « Avec le numérique, on est à la fois maître et esclave, et la perception des risques associés à des mauvais usages n’est pas aussi franche qu’on pourrait le penser », souligne Olivier Mériaux, directeur général adjoint et directeur scientifique et technique de l’agence.
Chez Orange, pourtant en pointe sur le digital, trois syndicats ont d'ailleurs fait obstacle au premier accord sur l'accompagnement de la transformation numérique, la CFE-CGC pointant un risque de « dérives aliénantes pour les personnels » (lire Entreprise & Carrières n°1289).
Chez Orange, pourtant en pointe sur le digital, trois syndicats ont d'ailleurs fait obstacle au premier accord sur l'accompagnement de la transformation numérique, la CFE-CGC pointant un risque de « dérives aliénantes pour les personnels » (lire Entreprise & Carrières n°1289).
Simplification et souplesse. C'est dire si la matière est complexe. Ses potentialités sont néanmoins séduisantes. De fait, la majorité des salariés interrogés (60 %) voit dans le terme « numérique » quelque chose de positif pour leur travail, les chefs d'entreprise étant encore plus enthousiastes, avec 88 % de bonnes opinions. Le digital est ainsi perçu comme une opportunité pour 57 % des salariés et 72 % des patrons qui, dans l'ensemble, désignent la simplification et la souplesse au premier rang des bénéfices. Une perception encore plus marquée chez les jeunes et les CSP+.
D'ailleurs, la plupart des salariés (86 %) et des employeurs (93 %) s'estiment à l'aise avec ces technologies, qui leur apparaissent plutôt bien implantées dans les entreprises – même si un salarié sur trois juge son entreprise en retard dans ce domaine. Un sentiment de familiarité avec le numérique qui, analyse l'Anact, favorise l'optimisme à l'égard de ses conséquences, tant pour l'avenir de entreprise (un ressenti partagé par 73 % des salariés et 93 % des chefs d'entreprise), que pour celui des collaborateurs (67 % des salariés, 88 % des patrons). Faisant écho aux menaces induites par l'automatisation croissante, les avis sont nettement plus partagés quant aux effets du numérique sur l'emploi, seuls 46 % des salariés et 52 % des employeurs se déclarant optimistes sur ce point.
Effet neutre. Grand paradoxe de cette enquête : alors que les effets néfastes de la digitalisation (intensification et fragmentation du travail, exigence de disponibilité, etc.) sont régulièrement dénoncés et qu'un droit à la déconnexion est inscrit dans le projet de loi El Khomri, les sondés - notamment les CSP+ et les managers - évaluent positivement l'usage des technologies numériques sur la qualité de vie au travail, un avis émis par 85 % des salariés et 90 % des chefs d'entreprise !
Les salariés sont en revanche partagés entre un effet neutre ou positif sur l'efficacité de l'organisation, l'esprit d'innovation, la performance de l'entreprise, ainsi que sur la qualité du travail et celle du service client ! Les opinions sont plus mitigées encore sur la coopération, censée être démultipliée par le numérique : si 35 % des salariés estiment qu'elle s'est améliorée, 20 % constatent une dégradation. Du reste, seuls 27 % des collaborateurs interrogés - contre 47 % des chefs d'entreprise - pensent que les troupes ont davantage de possibilité de donner leur avis sur le management et de participer aux prises de décisions. Résultats en demi-teinte également concernant la communication et le partage de l'information, 41 % des salariés constatant une optimisation, mais 21 % une dégradation. En outre, « les salariés soulignent une relative mise à mal du dialogue social engendrée par le développement du numérique », souvent perçu comme source de déstabilisation des collectifs de travail, observe l'Anact.
Amélioration et dégradation. L'ambivalence entre amélioration et dégradation, avec une majorité d'avis neutres, se retrouve également dans les différentes composantes de la QVT (voir infographie ci-dessus). « Comme si les personnes au travail n'étaient pas toujours en mesure de prendre conscience que les évolutions à l'œuvre dans leur quotidien résultaient aussi de la transition numérique », commente Olivier Mériaux. Ainsi, trois salariés sur cinq considèrent que la capacité de concentration, l'ambiance dans l'équipe, l'équilibre vie privée-vie professionnelle et les horaires de travail ne sont pas impactés par le numérique, tandis qu'un sur cinq souligne d'un côté l'amélioration induite, de l'autre la dégradation Près d'un salarié sur trois, tout de même, pointe les effets négatifs sur la charge de travail, la pression et le stress.
D'où l'importance de rester en veille sur les usages, estime Hervé Lanouzière : « Les salariés doivent pouvoir s'exprimer sur le sujet. Car la réalité a rattrapé le droit et nous sommes un peu démunis face aux évolutions. Qu'est-ce qui fait, par exemple, qu'un collaborateur se sent autorisé ou pas à travailler le week-end ? On parle de droit à la déconnexion, ne pourrait-on pas envisager une “liberté de connexion”, sans que salarié y perçoive une obligation ? Le Code du travail ne répond pas à toutes ces interrogations. À nous d'être innovants ! »
*Enquête réalisée en ligne du 15 mars au 1er avril 2016 auprès d’un échantillon représentatif de 1003 salariés de 18 ans et plus et de 205 chefs d’entreprise (ou DRH le cas échéant).
Les pistes d'amélioration
Interrogés sur ce qui pourrait les aider à mieux travailler à l'ère du digital, les salariés misent à 40 % sur les formations spécifiques au numérique et à 35 % sur le développement du dialogue social (participation aux décisions, sondages internes). 27 % préconisent d'imposer et de réglementer un droit à la déconnexion. Avis partagés en partie par les employeurs qui, à 38 %, jugent prioritaires les formations, à égalité avec le développement du dialogue social. 32 % appellent à de nouveaux modes de management de proximité, 26 % mentionnent le droit à la déconnexion.
Les acteurs les plus légitimes pour agir (proposer des outils, communiquer sur le numérique et les conditions de travail) ? Les salariés citent d'abord les entreprises (37 %), les collaborateurs eux-mêmes (27 %) et l'Etat (21 %), signe, pour l'Anact, d'une volonté de participer au débat, tout en étant protégés par la loi. Des aspirations en net décalage avec l'opinion des employeurs, qui désignent à 61 % l'entreprise, loin devant l'Etat (15 %) et les salariés (12 %).
Notre avis:
L'accord NAO, signé par la CFTC et le SNB, prévoyait des négociations, avec la définition d'un ordre prioritaire, la dernière rencontre avec le DRH, nous laisse des doutes sur la volonté de celui-ci de respecter cet accord !!!
Début des nuages ? à suivre !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire