La plus haute juridiction française confirme que le lien entre un
conducteur et l’entreprise est bien un « contrat de travail ».
Publié hier à 14h30, mis à jour à 06h47
La Cour de cassation a confirmé, mercredi 4 mars, la « requalification (…) en contrat de
travail » du lien unissant l’entreprise Uber et
un chauffeur, assurant que son statut d’indépendant n’est « que
fictif », en raison du « lien de
subordination » qui les unit. Un tel arrêt, une première en
France, remet en cause le modèle économique du géant américain, déjà attaqué en Californie,
notamment.
- La plus haute juridiction française a jugé que le chauffeur « qui a recours à l’application Uber ne se constitue pas sa propre clientèle, ne fixe pas librement ses tarifs et ne détermine pas les conditions d’exécution de sa prestation de transport ». Pour la Cour de cassation, la possibilité de se déconnecter de la plate-forme sans pénalité « n’entre pas en compte dans la caractérisation du lien de subordination ».
L’arrêt liste de nombreux éléments qui ne recouvrent pas les critères du
travail indépendant : un itinéraire imposé au chauffeur, une destination
inconnue, « révélant ainsi qu’il ne peut choisir librement la
course qui lui convient », la possibilité pour Uber de déconnecter
le chauffeur à partir de trois refus de course… Le conducteur, juge la Cour de
cassation, « participe à un service organisé de transport dont la
société Uber définit unilatéralement les conditions d’exercice ».
Une menace pour le modèle économique
d’Uber
Début 2019, Uber s’était pourvu en cassation après un arrêt de la cour
d’appel de Paris estimant que le lien entre un ancien chauffeur
indépendant et la plate-forme américaine était bien un « contrat
de travail ». La Cour de cassation rejette ainsi le pourvoi d’Uber et
confirme la décision de la cour d’appel de Paris.
- Ce chauffeur avait saisi la justice en juin 2017, deux mois après qu’Uber eut « désactivé son compte », le « privant de la possibilité de recevoir de nouvelles demandes de réservation », rappelait la cour d’appel. A l’époque, il lui avait été expliqué que la mesure avait été « prise après une étude approfondie de son cas ».
Fabien Masson, l’avocat du chauffeur, s’est félicité auprès de l’Agence
France-Presse (AFP) de cette « jurisprudence » qui
vise « le numéro un des plates-formes de VTC [voitures de
transport avec chauffeur] ». « C’est une première et
ça va concerner toutes les plates-formes qui s’inspirent du modèle Uber », a-t-il
estimé.
- « Cette décision ne reflète pas les raisons pour lesquelles les
chauffeurs choisissent d’utiliser l’application Uber », a réagi un
porte-parole de la plate-forme, mettant en avant « l’indépendance
et la flexibilité qu’elle permet ». Pour Uber, cette décision de la
Cour de cassation « n’entraîne pas une requalification immédiate
ou automatique de tous les chauffeurs utilisant notre application ».
Si certains chauffeurs sont attachés à leur statut d’indépendant, de
nombreux conducteurs pourront s’appuyer sur cette nouvelle décision pour
demander la requalification de leur relation contractuelle avec Uber ou
d’autres plates-formes en contrat de travail. En clair, le modèle économique
d’Uber pourrait s’effondrer. Ce modèle, au cœur du développement de la firme
américaine, a été attaqué par l’Etat américain de Californie, qui a ratifié en septembre 2019 une
loi visant à contraindre les géants de la réservation de voitures à salarier
leurs chauffeurs, afin qu’ils soient mieux protégés.
Plus d’une centaine de procédures en
France
En France, Uber recense 150 cas de chauffeurs ayant lancé une procédure, ou
ayant dit vouloir le faire, dans le but de faire requalifier leur contrat de
prestation de service en contrat de travail, soit 0,2 % des chauffeurs
passés ou actuels. Kevin Mention, avocat qui suit une dizaine de dossiers,
affirme que cet arrêt « va beaucoup plus loin que l’arrêt Take Eat
Easy » et que « la Cour de cassation a voulu frapper
fort ».
- Cette dernière avait déjà établi, en novembre 2018, pour la première fois, un lien de subordination entre une plate-forme et un de ses travailleurs. Il s’agissait alors de Take Eat Easy, une société de livraison de repas par des coursiers à vélo, qui avait été liquidée. « Les plates-formes, si elles ne changent pas leur modèle aujourd’hui, vont droit dans le mur, car c’est la requalification assurée », avertit Me Mention.
Guillaume Trichard, secrétaire général adjoint de l’UNSA, a salué une « jurisprudence
historique qui doit faire progresser les droits sociaux des travailleurs des
plates-formes ». Régis Dos Santos, président des assemblées
confédérales de la CFE-CGC, a évoqué un « coup de tonnerre ».
« La Cour de cassation rappelle ainsi logiquement que la loi et la
réglementation du travail s’appliquent à tous », a commenté Xavier Bertrand, le
président (ex-Les Républicains) du conseil régional des Hauts-de-France.
Notre Avis:
- On ne peut que voir un lien direct avec le projet " La Caisse d'Epargne veut inventer le métier de « Conseiller Indépendant Local »".
- Demain quel statut pour les Uber conseillers bancaires ?
- Nous laissons le soin à nos avocats de traiter de cette problématique.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire