Employé par la compagnie depuis 18 ans, Mohammed est le seul membre de son équipe à ne pas avoir obtenu le statut de cadre et le salaire qui va avec. La cour d'appel de Paris vient de condamner le groupe à lui verser plus de 156.000 euros.
Ce dernier va se pourvoir en cassation.
C'est une victoire marquante pour Mohammed*. Le salarié quadragénaire entré chez Air France comme mécanicien en 1997 vient d'obtenir la condamnation de la compagnie aérienne pour discrimination. Mohammed se bat depuis 2008 pour faire reconnaître l'inégalité de traitement dont il s'estime victime, mais a essuyé deux revers, aux prud'hommes, en 2009, puis en appel en 2012. Un an plus tard, la Cour de cassation avait toutefois cassé les précédentes décisions et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Paris. Laquelle lui a finalement donné raison dans un arrêt rendu le 4 septembre 2015.
Depuis son embauche comme mécanicien révision moteur, Mohammed a plusieurs fois changé de postes au gré des formations. Après un congé individuel de formation (CIF), il décroche, en 2003, un certificat de qualification de technicien qualité. A partir de 2006, ses cartes de visite témoignent qu'il exerce désormais comme "expert méthode-management de projets", à la direction qualité sécurité-environnement et développement durable. "L'exercice de cette fonction devrait lui donner droit au statut de cadre, explique à l'Express Rachid Brihi, son avocat. Tous ses collègues l'ont obtenu." Mohammed réclame la régularisation de sa situation, mais sa demande reste lettre morte.
Le salarié saisit les prud'hommes en 2009. Il s'estime victime d'une discrimination en raison de ses origines maghrébines ou de ses activités syndicales, puisqu'il a détenu différents mandats, au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) notamment. Les prud'hommes, puis la cour d'appel, jugent d'abord qu'il ne soumet "'aucun élément de faits' susceptibles d'établir qu'il aurait été victime d'une discrimination en raison de son origine ethnique", rappelle l'arrêt du 4 septembre. Mais la Cour de cassation ne fait pas la même analyse: Mohammed pointe au contraire qu'il est le seul salarié d'origine étrangère de son équipe et que tous ses collègues sont classés cadres sauf lui.
Air France incapable de justifier la différence de traitement
Or Air France "est incapable de justifier cette situation par des éléments objectifs étrangers à toute forme de discrimination", indique l'arrêt. La compagnie fait valoir que Mohammed n'était pas cadre avant d'intégrer l'équipe, contrairement aux autres salariés, ou qu'il a déjà fait l'objet d'avancements dans sa carrière. Mais les juges balayent ces arguments. Selon la cour d'appel, Air France ne conteste pas que Mohammed "se soit vu refuser l'accès à la catégorie cadre alors que tous les membres de son équipe [le] sont, ni qu'il occupe un poste de conseil-qualité sans que ne lui soit reconnu le statut de cadre alors que tous les salariés occupant un tel poste sont cadres".
Autrement dit, Mohammed a bien "fait l'objet d'une inégalité de traitement à raison de son origine étrangère et/ou de son engagement syndical". "La Cour estime que peu importe la cause de la discrimination, à partir du moment où Air France n'est pas capable de justifier l'inégalité de traitement", commente Rachid Brihi.
Le groupe, est condamné à payer à Mohammed plus de 156.000 euros d'indemnités, dont 136.244 euros de rattrapage de rémunération. La justice intime aussi à la compagnie de le payer désormais à hauteur d'un salaire de cadre.
Contacté par L'Express, le groupe annonce qu'il va former un pourvoi en cassation et se veut optimiste. "Toutes les décisions avaient auparavant été rendues en faveur d'Air France, souligne la direction. Cet arrêt n'est pas définitif".
Le marathon judiciaire de Mohammed, toujours salarié d'Air France, n'est pas terminé.
* Le prénom a été modifié.
- Par Alexia Eychenne et Nathalie Samson, publié le
- challenges.fr
Notre avis:
Et vous à BPCE Sa, avez-vous l'impression d'être traité comme vos collègues ?
Votre évolution, ne vous parait-elle pas bloquée pour des motifs externes à votre activité professionnelle ?
Si vous avez des doutes, n'hésiter pas à venir nous en parler, il existe des solutions.
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