Dans sa dernière note de conjoncture, Entreprise & Personnel
pointe les limites du dialogue social comme méthode pour réformer les
entreprises et réduire le chômage durant le quinquennat de François Hollande.
Le bilan du déplacement de la négociation vers les entreprises est à peine plus
positif.
par
Emmanuel Franck 07/11/2016 Entreprise
& Carrières
En cette année de fin de
mandat présidentiel, la note de conjoncture sociale d’Entreprise &
Personnel, publiée le 4 novembre, ne pouvait manquer de faire le bilan
social du quinquennat. « Peu de présidences auront été aussi marquées que celle
de François Hollande par la volonté de faire de la démocratie sociale le moteur
du changement par la recherche de compromis équilibrés, relèvent Jean-Pierre
Basilien et Michèle Rescourio-Gilabert, les deux auteurs de la note.
- Mais peu de présidences auront subi, dans ce domaine, autant de désillusions malgré des débuts prometteurs. »
Cinq lois
Dès son entrée en fonction, en
2012, François Hollande a voulu faire du dialogue social – à travers notamment
les conférences sociales – sa méthode pour réformer le pays. Depuis, cinq lois
ont été votées en ce sens : sécurisation de l’emploi, formation et démocratie
sociale, loi Macron, loi Rebsamen, loi travail.
Elles poursuivaient toutes les
objectifs d’améliorer la compétitivité et la flexibilité des entreprises, et de
développer le dialogue social tout en renforçant ses acteurs, dans le but final
de réduire le chômage.
À cette aune, « le bilan est décevant », déclare
Jean-Pierre Basilien. Le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A est passé
de 3 millions en 2012 à 3,5 millions en 2016, et le nombre de
personnes en sous-emploi de 1,2 million à 1,5 million sur la même
période.
- Au final, « on a beaucoup négocié, mais le résultat n’a pas conforté l’intérêt de la société française pour le dialogue social », analyse Jean-Pierre Basilien.
Échec
Entreprise & Personnel évoque
trois causes à cet échec.
Une erreur de diagnostic aurait conduit le
gouvernement à sous-estimer l’éloignement des positions syndicales et
patronales.
Mais l’attitude des partenaires sociaux a également sa part : « La
CGT a rapidement fait le constat de l’échec du syndicalisme de négociation et
préfère désormais rassembler les mécontentements, retrouver l’électorat
populaire et faire la démonstration de sa capacité de blocage », analyse le
consultant.
Enfin, le gouvernement aurait fait preuve de maladresses, les
exemples les plus emblématiques étant le recours à l’article 49.3 pour
faire passer la loi Travail et la reprise en main du dossier du statut social
des cheminots. Les réformes du dialogue social dans les entreprises font, en revanche,
l’objet d’un bilan plus nuancé de la part d’Entreprise & Personnel.
Les
accords de maintien dans l’emploi et leurs déclinaisons sont à inscrire au
passif du gouvernement.
Leur création était la mesure forte de la loi de
sécurisation, mais très peu ont été signés ; ils ont ensuite été étendus par la
loi Macron, sans plus de succès ; la loi Travail y est revenue avec les accords
de préservation de l’emploi. « À chaque fois que le gouvernement s’est aperçu
qu’ils ne fonctionnaient pas, il a ajouté une réforme.
Au final, ces accords
existent, mais en dehors du cadre juridique voulu par le législateur »,
constate Michèle Rescourio-Gilabert, par exemple chez Renault.
Travail du
dimanche
Le travail du dimanche et en
soirée est également à inscrire au passif : « Les accords majoritaires sont
difficiles à obtenir, et lorsqu’ils sont signés, les contreparties obtenues par
les syndicats peuvent réduire la compétitivité de l’entreprise et perturber la
concurrence dans le secteur », explique-t-elle.
Après l’échec de la Fnac à
obtenir un tel accord, le gouvernement a décidé d’introduire, dans la loi
Travail, la possibilité de validation par référendum.
C’est une mesure
« paradoxale », qui semble « remettre en cause la légitimité des syndicats »,
estime Entreprise & Personnel.
Enfin, certaines dispositions nouvelles, par
exemple sur la pénibilité, ou encore le compte personnel d’activité, présentées
comme des contreparties à la flexibilité, « viennent contrebalancer les
évolutions et apportent, à leur tour, de nouvelles difficultés, de nouvelles
insécurités juridiques ou économiques », estime l’association. « Au final, ces
réformes ont rendu encore plus complexe la pratique du dialogue social »,
relèvent les auteurs. La loi Rebsamen est en revanche à inscrire à l’actif du quinquennat.
« Nous en verrons les bienfaits dans les années à venir, pronostique Michèle
Rescourio-Gilabert.
Le regroupement des informations-consultations obligatoires
est une très bonne chose, et les entreprises ont déjà commencé à s’emparer des
possibilités de simplification des informations-consultations. » Si le dialogue
social comme méthode pour réformer le pays semble avoir montré ses limites au
niveau national et interprofessionnel, il n’a, en revanche, « jamais été aussi
attendu ni aussi nécessaire au sein des organisations », estime Entreprise
& Personnel, qui engage à « prendre un peu de distance avec un encadrement
réglementaire pesant pour renouer le fil d’un dialogue plus axé sur le
travail ».
Les
candidats de droite veulent réformer le dialogue social sans dialogue social
Pratiquement absent des élections
présidentielles et législatives de 2012, le dialogue social est, au contraire,
au cœur de celles de 2017, constate Entreprise & Personnel.
L’association a
recensé les propositions des candidats de droite dans ce domaine :
- limiter les heures de délégation (Juppé, Lemaire, Fillon) ;
- faire valider les accords d’entreprise par référendum (Juppé, Lemaire, Sarkozy, Fillon) ou par les élus (Lemaire) ;
- renégocier la durée du travail en deux ans (Juppé) ;
- supprimer le monopole syndical au premier tour (Lemaire, Fillon, FN) ; regrouper les IRP dans une instance unique (Lemaire, Sarkozy) ;
- supprimer la concertation préalable à un projet de loi sociale (Lemaire) ;
- supprimer les Opca (Lemaire) ; réduire le nombre de branches (Sarkozy).
Par un effet de balancier, l’échec du
recours au dialogue social par François Hollande conduit ses concurrents à
droite à réhabiliter la démocratie politique
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