Licenciement : les prud'hommes pour les nuls
Crédits photo : Jean-Philippe Muller / AFP |
Alors que le gouvernement envisage de plafonner les indemnités de licenciement, un avocat spécialisé
en droit du travail fait le point sur cette procédure.
Le gouvernement envisage de plafonner les indemnités de licenciement en fonction de la taille de
l'entreprise. Cette réforme vous paraît-elle nécessaire et juste?
Une réforme s'impose car la question du coût du licenciement est effectivement très sensible, surtout
dans un contexte de crise durable avec une mise en concurrence déloyale des «marchés du travail».
Cependant, en réalité, les employeurs qui envisagent un licenciement sont confrontés à une double
incertitude qui doit être réduite, à défaut d'être totalement supprimée. La première porte sur la difficulté
de savoir si le licenciement sera validé en cas de contestation. La deuxième consiste dans l'impossibilité
d'évaluer le coût de l'indemnisation si ce n'est pas le cas. Il n'est pas normal qu'une telle insécurité
juridique persiste.
Or, le seul plafonnement de l'indemnisation en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ne
répond à aucune de ces deux préoccupations pourtant cruciales.
Tout d'abord, il faudrait s'atteler à sécuriser les licenciements, notamment en supprimant les nombreux
«chausses trappes» dans lesquelles les employeurs non avertis ne manquent pas souvent de
tomber. Ainsi, l'omission d'une simple formule dans la lettre de rupture peut anéantir le licenciement
économique d'une entreprise au bord du dépôt du bilan ou le licenciement d'un salarié médicalement
inapte à tout emploi au sein de l'entreprise. Compte tenu des enjeux, les partenaires sociaux devraient
supprimer ces règles formelles qui tiennent plus du juridisme vétilleux que de la loi juste et équitable.
Par ailleurs, il faudrait permettre aux employeurs d'évaluer le coût d'un licenciement, et non seulement
le risque maximal, tout en respectant le principe de l'indemnisation intégrale du salarié lésé. On peut
trouver le point d'équilibre entre l'inévitable arbitraire d'une justice humaine et la sécurité aveugle
qu'offrirait une justice de robots.
Les juridictions sociales pourraient s'inspirer des progrès accomplis grâce à la publication de
barèmes ou de nomenclature dans d'autres matières, comme pour les pensions alimentaires ou
l'indemnisation des préjudices corporels. A ce sujet, le barème indicatif prévu par la loi de sécurisation
pour les audiences de conciliation - et ignoré en pratique - est trop simpliste.
Il devrait intégrer d'autres critères que l'ancienneté, comme la taille de l'entreprise, l'âge, les charges de
famille, les diplômes ou les caractéristiques rendant la réinsertion professionnelle du salarié licencié
difficile. La sécurisation des ruptures du contrat de travail et l'harmonisation des décisions peut se faire
sans nuire à la recherche d'une indemnisation adaptée.
Peut-on envisager un accord à la signature du contrat pour permettre au dirigeant de provisionner?
Il est théoriquement possible de prévoir à l'avance l'indemnisation de la rupture par une clause
spécifique. Cependant, les juges peuvent réduire l'indemnité contractuelle si elle apparaît
manifestement excessive, ou l'augmenter si elle apparait manifestement insuffisante. Ce type
de clause ne supprime donc pas les aléas ni les risques de contestation. De fait, il est difficile de fixer
par avance l'indemnisation d'une rupture dont on ignore à quel moment et dans quelles
circonstances elle interviendra.
En outre, ce type de clause comme le plafonnement de l'indemnisation ne permettent pas de
régler le cumul d'indemnisation souvent possible. A titre d'exemple, en cas de harcèlement moral,
les mêmes faits peuvent parfois ouvrir droit à une indemnisation au titre de la rupture du contrat,
une deuxième pour le harcèlement moral et une troisième pour le non-respect de l'obligation de sécurité.
La composition du tribunal des prud'hommes est souvent critiquée par les petits (et les gros)
patrons. Comment se fait elle? Pourquoi donne-t-elle l'impression d'être partiale?
Le conseil de prud'hommes est une juridiction paritaire, composée à part égale de représentants des
organisations patronales et des syndicats de salariés, dont le mode de désignation va changer. Cette
juridiction n'est donc pas partiale dans sa composition qui rassemble des professionnels qui connaissent
bien le monde de l'entreprise et les questions sociales.
En revanche, l'aléa est très important car les conseillers sont souvent amenés à rechercher des
solutions de compromis pour se mettre d'accord, et le taux d'appel est très élevé. Il est vrai que la
composition de certains conseils de prud'hommes, la partialité et le militantisme affichés par
certains de ses membres sont difficilement compatibles avec l'exigence de neutralité que chaque
justiciable est en droit d'attendre. Cependant, l'opinion largement répandue sur la générosité
présumée des indemnisations allouées par les conseils de prud'hommes est contraire à la réalité.
Et les praticiens qui interviennent pour les employeurs se plaignent plus souvent de la sévérité des
magistrats professionnels qui siègent en cas de départage et d'appel, sans avoir la main suffisamment
tremblante, que des solutions de négociation trouvées par les conseillers prud’homaux.
Jean-Oudard de Préville avocat à la Cour. Le figaro.fr/vox/societe
Associé au cabinet Richelieu Avocats.
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