26 juillet 2018

Comment négocier sans délégué syndical dans les petites entreprises ?



Par Aurélie Cormier Le Goff le 17.07.2018 à 12h00

Dans un tiers des TPE, alors même qu’il n’y existe aucune forme de représentation du personnel, les salariés sont associés aux prises de décision en matière de salaire, d’emploi ou de temps travail. Aurélie Cormier Le Goff, avocat associé, Flichy Grangé Avocats partenaire de Challenges explique les modalités de négociations.

Traditionnellement, les accords collectifs ne pouvaient être conclus qu'avec des délégués syndicaux désignés par une organisation syndicale représentative dans les entreprises d'au moins 50 salariés. Aujourd'hui, le dialogue social n'est plus l'apanage des grandes entreprises : dans près d'un tiers des TPE, alors même qu'il n'y existe aucune forme de représentation du personnel, les salariés sont de fait associés aux prises de décision en matière de salaire, d'emploi ou de temps travail (Enquête Darès, mai 2018). A l'heure où le législateur consacre l'accord collectif d'entreprise comme la clef de voûte des règles de droit du travail, il a également ouvert la possibilité de conclure de tels accords dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. L'ordonnance Macron du 22 septembre 2017 sur le renforcement de la négociation collective a simplifié et élargi les règles de négociation sans délégués syndicaux dans les TPE et les PME, en distinguant les procédures à suivre selon les effectifs.
Négocier dans les entreprises de 2 à 10 salariés
Dans ces entreprises, aucune représentation du personnel n'existe (le conseil social et économique qui remplace désormais le comité d'entreprise et les délégués du personnel n'est obligatoire qu'à partir de 11 salariés). Ce peut aussi être le cas des entreprises entre 11 et 20 salariés dans lesquelles l'élection d'un CSE a été organisée mais aucun candidat ne s'est présenté.

L'accord collectif peut dans ce cas, depuis janvier 2018, être conclu directement avec les salariés, selon une procédure très simplifiée :
·         Le chef d’entreprise élabore un projet d’accord, qui peut porter sur tous les thèmes ouverts par le Code du travail à la négociation collective ;
·         Il communique ce projet d’accord à chacun des salariés de l’entreprise ;
·         Un délai de 15 jours doit être respecté durant lequel les salariés peuvent étudier l’accord (il n’y a pas de négociation à proprement parler)
·         Passé ce délai, une consultation des salariés doit être organisée sur le projet d’accord en vue de le faire approuver. Tous les salariés de l’entreprise sont invités à voter pendant le temps et sur le lieu de travail. La consultation présente un caractère personnel et secret (donc anonyme) et se déroule hors de la présence de l’employeur. Un procès-verbal est dressé consignant le résultat du vote : l’accord est approuvé s’il est ratifié par une majorité des deux tiers des salariés de l’entreprise. A défaut, il n’entre pas en vigueur.
S'il est adopté selon ces formes, l'accord en question a le même régime que l'accord collectif conclu avec un délégué syndical : il permet notamment de mettre en œuvre toutes les dispositions du Code du travail qui prévoient des aménagements de la norme légale (annualisation du temps de travail, forfait jours), ou d'instituer des avantages (primes, congés), éventuellement différents de ceux prévus par l'accord de branche, sur lesquels ils primeront.
Ces accords peuvent par la suite être modifiés par voie de révision, selon la même procédure, ou bien en suivant celle applicable aux entreprises de plus de 11 salariés ou de plus de 50 salariés si, entre temps, l'effectif de l'entreprise a augmenté. Ils peuvent aussi être dénoncés pour y mettre fin, soit par le chef d'entreprise, soit par au moins 2/3 des salariés, qui devront notifier cette décision à l'employeur un mois avant la date anniversaire de conclusion de l'accord.
Négocier dans les entreprises de 11 à 49 salariés
Ces entreprises ne dépassent pas le seuil de 50 salariés à partir duquel peuvent être désignés des délégués syndicaux. Mais elles ont en principe élu un comité social et économique (CSE).
L'employeur a donc le choix de négocier soit avec les membres du CSE, soit avec un salarié de l'entreprise qui a reçu à cet effet un mandat d'une organisation syndicale représentative dans la branche, par hypothèse extérieure à l'entreprise.
Là encore, la négociation est possible sur tous les thèmes prévus par le Code du travail et peut permettre de réviser un accord collectif antérieur, même s'il avait été conclu à l'époque avec des délégués syndicaux ou directement avec des salariés.
Le négociateur doit être indépendant du chef d'entreprise. De plus, s'agissant ici d'une véritable négociation, l'élu du CSE ou le salarié mandaté doivent pouvoir se concerter avec les salariés pour élaborer l'accord conjointement avec l'employeur, prendre contact avec les organisations syndicales de la branche, et solliciter de l'employeur les informations nécessaires pour mener la négociation. 
Si la négociation a lieu avec le CSE, les élus peuvent ou non être mandatés par une organisation syndicale. L'accord est valide s'il est signé par un ou plusieurs élus titulaires ayant recueilli plus de 50% des suffrages aux dernières élections. Il n'est pas nécessaire dans ce cas d'organiser un référendum.
Si la négociation a lieu avec un salarié de l'entreprise qui n'est pas élu titulaire au CSE, il doit être mandaté par une organisation syndicale représentative pour pouvoir signer l'accord. Un référendum doit ensuite être organisé par le chef d'entreprise dans les 2 mois de la conclusion de l'accord : comme pour une élection, ce scrutin est secret sous enveloppe (ou par vote électronique) et se déroule pendant le temps de travail. L'accord n'est valide que s'il est ratifié à la majorité absolue des suffrages exprimés (c'est-à-dire par plus de la moitié des salariés ayant valablement voté).
L'accord collectif ainsi conclu pourra par la suite être révisé, selon les modalités applicables en fonction de l'effectif de l'entreprise à cette date, ou encore être dénoncé, soit par le chef d'entreprise, soit par les membres du CSE disposant de la majorité des suffrages, soit par un salarié mandaté à cet effet par une organisation syndicale représentative.
Par Aurélie Cormier Le Goff, Avocate associée, Flichy Grangé Avocats


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