18 avril 2013

Le Président du Comité d'entreprise : son rôle, ses droits, ses obligations

Auteur : par François Sèbe, juriste en droit social
Les Cahiers Lamy du CE, n°124

À la fois membre et interlocuteur, le président du CE joue un rôle primordial dans le fonctionnement du CE. Étudier le rôle du président du CE conduit à s’interroger sur sa mission, ses obligations, et sur les droits dont il dispose pour les réaliser. Questions / réponses...
LA DÉTERMINATION DE L’EMPLOYEUR

Qui préside le CE ?

Le comité d’entreprise est présidé par l’employeur. Lui seul peut présider les réunions du comité d’entreprise. Quant au comité d’établissement, il est présidé par le chef d’établissement (Cass. soc., 7 oct. 1998, no 96-22.248).
La détermination du président dépend de la forme juridique de l’entreprise au sens du droit des sociétés.
Attention, dans certaines sociétés comme par exemple la SARL, plusieurs personnes peuvent avoir la qualité pour présider l’instance (cogérants). Si dans cette hypothèse une présidence tournante peut être instaurée, le principe d’unicité de la présidence au terme duquel la présidence du CE ne peut être assurée que par une seule personne à la fois, s’oppose à une présidence collégiale (Cass. soc., 16 mars 1993, no 92-81.168).

Le CE peut-il siéger en l’absence de président ?

Le CE ne peut pas se réunir en l’absence de son président. L’employeur qui se soustrait à son obligation de présence commet le délit d’entrave ; peu importe le motif de son absence, puisqu’il peut se faire représenter.

Type d’entrepriseLe président du CE
Entreprise individuelleL’exploitant
Société Anonyme (SA) à Conseil d’administrationLe PDG ou DG
Société par actions simplifiées (SAS)Le président (ou une autre personne désignée par les statuts)
Société Anonyme (SA) à directoireUn des membres du directoire
Société à responsabilité limitée (SARL)
Société en nom collectif (SNC)
Société en commandite simple (SCS)
Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL)
Le gérant
Société Civile
Association
 La personne désignée par les statuts comme exerçant le pouvoir de direction


En cas de carence, et à la demande d’au moins la moitié des membres du comité, la présidence du CE peut être assurée par l’inspecteur du travail (C. trav., art. L. 2325-14).

L’employeur peut-il se faire représenter et dans quelles conditions ?


Oui l’employeur peut déléguer la présidence du CE mais il ne peut pas désigner un représentant dont les pouvoirs se limiteraient à entendre les questions des représentants du personnel et à les lui transmettre (Cass. crim., 20 févr. 1996, no 94-85.863).
En effet, pour être efficace et effective, l’employeur doit déléguer ses pouvoirs à un salarié de l’entreprise qui a explicitement ou implicitement accepté la délégation et qui est pourvu de la compétence et des moyens nécessaires (Cass. crim., 11 mars 1993, no 90-84.931).
Le représentant doit avoir les pouvoirs et les qualités suffisants pour assurer les tâches liées au fonctionnement du CE : convocation, fixation de l’ordre du jour, etc.
Il doit surtout être en mesure de fournir les informations et de procéder aux consultations.
En pratique, le représentant est un cadre souvent directeur des ressources humaines ou directeur des relations sociales ou un de leurs adjoints.
Sur le plan formel, l’écrit est obligatoire, et vous pouvez demander au représentant de vous le fournir (Cass. soc., 9 janv. 1948).

Quelles sont les conséquences d’une telle délégation ?

La délégation opère un transfert des fonctions puisque le délégataire doit assurer la présidence du CE.
La délégation opère aussi le transfert de la responsabilité pénale qui en découle, à condition qu’elle remplisse toutes les conditions de validité requises.
Toutefois, il existe une spécificité en matière de délit d’entrave car la Cour de cassation distingue (Cass. crim., 15 mai 2007, no 06-84.318) :

  •     les entraves qui relèvent du fonctionnement du CE (établissement de l’ordre du jour, transmission des documents, etc.) qui permettent d’engager la responsabilité du représentant ;
  •     les entraves qui relèvent du pouvoir de direction de l’employeur proprement dit. L’employeur demeure responsable pénalement s’il décide volontairement de ne pas consulter le CE ( Cass. crim., 20 mai 2003, no 02-84.307 ) ou s’il ne s’assure pas de la réalisation d’une consultation avant de prendre une décision sur la marche générale de l’entreprise ( Cass. crim., 3 mars 1998, no 96-85.098 ).

De plus, l’employeur reste pénalement responsable pour l’ensemble des missions qu’il n’a pas déléguées ou s’il s’immisce dans les pouvoirs de son représentant.
Attention, le représentant ne peut plus être électeur ou éligible aux élections professionnelles, ni siéger au bureau de vote ou encore être désigné DS ou RSS.

Le chef d’entreprise peut-il se faire assister ?

La présidence collégiale est interdite néanmoins, le président du CE peut se faire assister par deux collaborateurs qui ont voix consultatives (C. trav., art. L. 2325-1). La présence de collaborateurs, lors des réunions du comité d’entreprise, doit permettre d’améliorer la qualité du dialogue instauré au sein de cette institution représentative du personnel (Rép. min., AN 1er avril 1996 p. 1810 no 22508). Nécessairement salariés de l’entreprise, ils peuvent prendre part au débat en tant qu’interlocuteurs techniques mais ne peuvent pas participer au vote.

LES MISSIONS DU PRÉSIDENT DU CE

Le président du CE peut-il élaborer seul l’ordre du jour ?

Le Code du travail prévoit une rédaction conjointe de l’ordre du jour par l’employeur et le secrétaire du CE.
Toutefois, « lorsque sont en cause des consultations rendues obligatoires par une disposition législative, réglementaire ou par accord collectif de travail, elles y sont inscrites de plein droit par l’employeur ou le secrétaire » (C. trav., art. L. 2325-15).

Par cette disposition, le législateur a entendu mettre fin aux situations de blocage, le secrétaire et l’employeur n’arrivant pas à se mettre d’accord sur l’ordre du jour, ce qui nécessitait un recours au juge des référés. La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser la portée de ce texte, en le restreignant aux cas avérés de désaccord. Par exemple, lors d’une affaire relative aux obligations de consultation à la charge de l’employeur en matière de licenciements économiques, l’employeur avait rédigé de manière unilatérale l’ordre du jour de la réunion pour y inscrire la consultation sur le projet de licenciement, sans soumettre préalablement la question au secrétaire du CE.

À tort, car pour la Cour de cassation, le principe d’une élaboration conjointe demeure, même en cas de consultation obligatoire. L’employeur qui entend inscrire une question à l’ordre du jour doit donc la soumettre au préalable au secrétaire du CE et inversement. Seule la constatation d’un désaccord préalable entre l’employeur et le secrétaire du CE autorisera une inscription unilatérale (Cass. soc., 12 juill. 2010, no 08-40.821).
L’ordre du jour des réunions du CE doit être signé conjointement par l’employeur et le secrétaire pour chaque réunion. Il doit être communiqué trois jours au moins avant la séance.

La convocation des membres

Il appartient au président du CE ou à son représentant de convoquer les membres du CE aux réunions ordinaires ou extraordinaires (C. trav., art. L. 2325-14), ce qui implique qu’il en fixe lui-même les dates(voir notre arrêt commenté page 16). Il n’a pas de délai particulier à respecter mais en pratique, la convocation intervient au même moment que la communication de l’ordre du jour c’est-à-dire 3 jours au moins avant la réunion.

L’animation et direction des débats

Étant l’interlocuteur privilégié du CE et son président, il lui appartient de diriger les débats et d’animer les réunions du CE.
Le président du CE donne donc la parole successivement aux différents intervenants présents à la réunion. Il lui appartient d’ouvrir et clore la séance et les débats. Il peut aussi suspendre la séance. Sur les incidents de séance voir « Gérer les incidents de séance du CE », CLCE 2011, no 106, A. Duché, F. Sèbe.

Le CE est une instance de représentation et de concertation. Les membres du CE doivent pouvoir poser toutes les questions qu’ils souhaitent ou demander des explications. Le président du CE ne peut pas limiter la durée des débats et des interventions. Mais en raison de contraintes horaires (agenda du président, réunion prolongée tard dans la soirée, etc.), l’employeur peut toutefois suspendre ou clore provisoirement la réunion et prévoir une reprise le lendemain.
Inversement, étant membre à part entière du CE, et s’il anime souvent les débats, il peut aussi participer sans animer nécessairement, par exemple lorsqu’il s’agit de débattre des ASC ou des règles de fonctionnement interne du CE.

Le président du CE doit suivre l’ordre du jour tel qu’il a été adopté, sauf délibération contraire de la majorité.

L’information et la consultation du CE

Le président du CE doit communiquer périodiquement ou ponctuellement les informations nécessaires aux consultations. Ces informations doivent être précises et écrites. Leur transmission doit se faire dans un délai dit suffisant, ce qui renvoie à la notion de délai raisonnable ; dans la pratique, elles sont généralement transmises en même temps que l’ordre du jour et la convocation, soit 3 jours avant minimum, sauf exceptions.
Le contenu de ces informations varie selon la taille des entreprises : tel est le cas par exemple de l’information relative à la situation financière de l’entreprise.
L’employeur peut inviter les membres du CE à la confidentialité et il lui appartient d’indiquer, parmi les informations qu’il délivre, celles qui revêtent un caractère confidentiel.
L’obligation de discrétion peut par exemple porter sur des procédés de fabrication ou sur des projets économiques ou commerciaux ou encore sur des éléments chiffrés.

Le président du CE joue-t-il un rôle en matière d’ASC ?

En matière d’ASC, le CE a un monopole de gestion (C. trav., art. L. 2323-83). Il peut toutefois confier à l’employeur le contrôle d’une activité sociale et culturelle, par exemple la gestion du restaurant d’entreprise.

L’employeur a t-il un rôle dans la rédaction du PV ?

Le secrétaire est chargé d’établir les comptes rendus ou les procès-verbaux des réunions et des délibérations du CE et d’en assurer la diffusion auprès des salariés (C. trav., art. L. 2325-21). L’employeur, comme tout membre du CE, peut proposer des modifications ou des ajouts au projet de PV.

Quels sont les moyens que le président doit mettre à disposition du CE ?

Le président du CE doit mettre à la disposition du CE un local aménagé (éclairé, chauffé, meublé, etc.) ainsi que le matériel nécessaire à son fonctionnement (ordinateur, téléphone, imprimante ou photocopieur, etc.).
Il doit aussi satisfaire un certain nombre d’obligations en matière financière. Ainsi, il doit procéder au versement annuel de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles. Il lui appartient également de verser les honoraires des experts légaux auxquels recourt le CE conformément aux dispositions du Code du travail.

ANI DU 11 janvier 2013 ET OBLIGATIONS DE L’EMPLOYEUR

La partie de l’ANI qui porte sur l’amélioration de l’information et des procédures de consultation des institutions représentatives du personnel crée une obligation de consultation à la charge de l’employeur sur les orientations stratégiques de l’entreprise et sur leurs conséquences sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, le recours à la sous-traitance, à l’intérim et aux contrats temporaires.
L’employeur doit créer une base de données économiques et sociales, régulièrement mise à jour. Ces informations seraient accessibles en permanence aux membres du comité d’entreprise et aux délégués syndicaux. Les informations fournies porteraient sur l’année en cours, les deux années précédentes et intégreraient des projections sur les trois années suivantes


LES DROITS DU PRÉSIDENT DU CE

Le président peut-il participer au vote ?

En raison de sa double qualité de président et de membre du comité d’entreprise, le Code du travail a restreint considérablement le droit de vote du président du CE.
Le président du CE ne participe pas au vote « lorsqu’il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel » (C. trav., art. L. 2325-18). La Cour de cassation a explicité cette dernière notion.

Ainsi, l’employeur ne peut pas, notamment, participer au vote :

  •     lorsqu’il prend l’avis du comité sur le licenciement d’un représentant du personnel ( Cass. soc., 22 nov. 1988, no 85-42.007 ) ou lui demande son avis sur la mise en place d’horaires individualisés ( Cass. soc., 16 déc. 1981, no 80-16.194 ) ;
  •     lorsque le comité se dote de moyens d’action supplémentaires, par exemple lorsqu’il désigne un expert-comptable ( Cass. soc., 26 nov. 1987, no 86-14.530 ) ;
  •     lorsque le comité désigne les membres de certaines instances, par exemple lorsqu’il élit la délégation du personnel au comité central ( Cass. soc., 21 juil. 1976, no 76-60.072 ), ou ses représentants au conseil d’administration ( Cass. soc., 5 mai 1983, no 81-16.787 ) ;
  •     lorsque le comité prend des décisions en matière de gestion du budget des activités sociales et culturelles ( Cass. soc., 25 janv. 1995, no 92-16.778 ).

Il en résulte que le président du CE ne peut voter que dans de très rares hypothèses comme par exemple :

  •     l’adoption du règlement intérieur du comité (Rép. min. no 17.698, JOANQ 16 févr. 1987 , p. 835) ;  
  •     l’adoption du PV de réunion ;
  •     la désignation du secrétaire et du trésorier du comité, ce vote ne constituant pas « la consultation des membres élus du comité en tant que délégation du personnel » ( Cass. soc. 10 juill. 1991, no 88-20.411 ; Cass. soc., 5 janv. 2005, no 02-19.080 ).

Le président peut-il accéder aux archives comptables du CE ?

Oui, celui-ci peut accéder à l’ensemble des comptes du comité d’entreprise ; il peut aussi demander au juge d’ordonner communication des comptes des années antérieures (Cass. soc.,19 déc. 1990, no 88-17.677).
Le juge estime qu’en refusant de communiquer au président du comité les documents et justificatifs comptables, le trésorier commet un trouble manifestement illicite justifiant que le juge des référés lui ordonne la communication des pièces comptables. Cette communication peut se faire au besoin sous astreinte (Cass. soc., 22 sept. 2010, no 09-65.129).
La Cour de cassation a récemment précisé que le président du comité d’entreprise peut effectuer à ses frais copie desdits documents (Cass. soc., 26 sept. 2012, no 11-15.384).

Le président peut-il représenter le CE ?

Le CE est une personne morale. Présider le CE ne lui donne pas vocation à le représenter à l’égard des salariés ou des tiers. Le président n’a pas qualité pour représenter en justice le CE, mais il peut être mandaté, ce qui est rare en pratique.

La CFTC BPCE Sa demande que l'employeur de BPCE Sa se mette en mesure de respecter le texte de l'ANI du 11/1/13, nous y veillerons particuliérement.

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