La Commission européenne a ouvert en juin plusieurs enquêtes sur le "tax ruling" pratiqué par le Luxembourg, qui permet aux entreprises d'anticiper leur traitement fiscal. AXA, BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole et le groupe Rothschild sont concernés.
Comment les multinationales échappent-t-elles aux milliards d'euros d'impôts qu'elles doivent aux pays où elles s'installent? Une fois n'est pas coutume, grâce au paradis fiscal qu'est le Luxembourg. Des accords fiscaux secrets entre ce petit pays spécialisé dans le secret bancaire et 340 multinationales, dont Apple, Amazon, Ikea ou Pepsi, afin de minimiser leurs impôts, ont été révélés jeudi par 40 médias internationaux s'appuyant sur des documents obtenus par leConsortium international des journalistes d'investigation (ICIJ).
Ces accords, passés entre 2002 et 2010, représentent des milliards d'euros de recettes fiscales perdues pour les Etats où ces entreprises réalisent des bénéfices, selon l'ICIJ et ses médias partenaires, dont Le Monde en France, The Guardian au Royaume-Uni, le Süddeutsche Zeitung en Allemagne, l'Asahi Shimbun au Japon.
"Luxembourg Leaks"
Dans son enquête de six mois baptisée "Luxembourg Leaks" ou "LuxLeaks", l'ICIJ a eu accès à 28.000 pages de documents de "tax ruling" montrant comment des grandes entreprises "s'appuient sur le Luxembourg et ses règles fiscales souples, mais aussi sur les déficiences de la réglementation internationale, pour y transférer des profits afin qu'ils n'y soient pas taxés, ou très faiblement", écrit Le Monde.
Les groupes concernés réalisent ainsi des milliards d'euros d'économies chaque année grâce à la création d'une filiale, d'unholding ou au déplacement d'un siège social sur le territoire du Grand-Duché. Avec pour but de payer le moins d'impôt possible. "Le Luxembourg garde ces accords fiscaux secrets" et "ne le notifie pas à ses partenaires européens" bien qu'ils soient "mis au courant, de fait, par ces multinationales, de leur stratégie d'évitement de l'impôt", affirment nos confrères du Monde.
Sont concernés notamment Apple, Amazon, Verizon, AIG, Heinz, Pepsi, Ikea, LVMH. Mais aussi des banques et sociétés d'assurance françaises : Axa, BNP, Crédit Agricole, CNP Assurance, BPCE, Groupe Edmond de Rothschild ou groupe Rothschild.
La commission prête à sanctionner le Luxembourg
La Commission européenne est prête à sanctionner le Luxembourg sur ses pratiques fiscales, a affirmé jeudi un de ses porte-parole. "S'il y a une décision négative, le Luxembourg devra assumer et prendre des actions pour corriger", a indiqué Margaritis Schinas, le porte-parole de la nouvelle Commission, dont le président Jean-Claude Juncker est l'ancien Premier ministre du Luxembourg.
Celui-ci avait déjà assuré la veille que la Commission avait "parfaitement le droit de lancer des enquêtes de ce type", et promis de "s'abstenir d'intervenir dans ce dossier". La nouvelle commissaire chargée de la Concurrence "doit avoir une grande liberté d'action et de propos, je ne la freinerai pas car je trouverais cela indécent", avait-il dit lors d'un point de presse.
Quatre enquêtes en cours
La pratique du "tax ruling", qui est légale, permet à une entreprise de demander à l'avance comment sa situation sera traitée par l'administration fiscale d'un pays, et d'obtenir certaines garanties juridiques. La Commission européenne a ouvert en juin quatre enquêtes sur la pratique fiscale de "tax ruling" visant des Etats membres.
L'une vise l'Irlande et concerne des accords passés entre l'administration fiscale et le géant américain d'internet Apple, soupçonné d'avoir bénéficié d'un traitement de faveur contraire aux règles européennes de la concurrence. Une deuxième concerne des soupçons d'avantages fiscaux accordés par les Pays-Bas à la chaîne de cafés Starbucks. La troisième porte sur des accords passés par le Luxembourg avec Fiat Finance and Trade, qui fournit des services de gestion de trésorerie au groupe automobile Fiat. La dernière, ouverte en octobre, vise Gibraltar.
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