13 mai 2019

Quand la gestion de Philippe Dupont a du le faire quitter du Conseil de Surveillance de BPCE !


Le Monde – Économie et Entreprise, mardi 24 février 2015 – Isabelle Chaperon
  • Le naufrage de la très chic société de gestion Isodev
Lancée en mars 2012, l’entreprise spécialisée dans le financement des PME a cessé ses activités
Jamais tour de table d’une start-up n’avait été plus prestigieux. Mais le chic n’empêche pas l’échec. La société de gestion Isodev, dans laquelle avaient investi le groupe Bolloré, LVMH ou encore Artémis, la société de François Pinault, a été liquidée en toute discrétion le 12 février 2015.
L’entreprise spécialisée dans le financement des PME avait été créée en mars 2012 par Philippe Dupont, 63 ans, ancien président du groupe BPCE. Petit dossier, mais grand dessein et grand entregent : selon des sources concordantes, un sauvetage de la société par les pouvoirs publics a été étudié en janvier, avant d’être abandonné.
En 2012, M. Dupont se flattait d’avoir réuni à son tour de table le gotha des affaires. Y ont participé également Casino, les Galeries Lafayette et Ovalto, la holding de Jacky Lorenzetti (propriétaire du Racing Métro), et celle de Robert Zolade (fondateur d’Elior). Stéphane Richard, le PDG d’Orange, y avait investi à titre personnel, de même qu’Alain Dinin (Nexity), Anne Méaux, la patronne de l’agence de communication Image 7, Bernard Bourigeaud (fondateur d’Atos) ou encore Patricia Barbizet, directrice générale d’Artémis.
Ensemble, ces actionnaires ont engagé 18 millions d’euros, partis en fumée en deux ans et demi.
Sur son site Internet, la société Isodev précise juste qu’elle a « suspendu » la production de prêts participatifs aux PME, comme l’a révélé L’Agefi. En fait, la situation était si dégradée que l’entreprise a été liquidée d’emblée après avoir déposé son bilan au tribunal de commerce de Nanterre. Et la poursuite d’activité qui avait été accordée a été interrompue au bout d’une semaine. Un cas exceptionnel, aux dires des vieux routiers des procédures judiciaires.
Prêts participatifs
Un énorme gâchis alors que l’idée initiale relevait d’une bonne cause. Après la crise financière, le banquier Germain Simoneau, directeur général d’Isodev, veut aider les très petites entreprises, délaissées par les banques, en leur proposant des prêts participatifs, plus chers que les prêts classiques mais qui présentent l’avantage de s’apparenter à des quasi-fonds propres.
Financer le four à pain du boulanger ou la bétonneuse du maçon avec un délai d’acceptation de quarante-huit heures : le projet convainc M. Dupont. Nommé président, il ouvre son carnet d’adresses et son porte-monnaie. Avec M. Simoneau, ils investissent 750 000 euros pour 52 % du capital.
Le plan initial tablait sur plus de 600 millions d’euros de financements par an, en vitesse de croisière. Soit l’équivalent de 1,5 milliard d’euros d’encours. Las, en février 2015, l’encours atteignait… 65 millions d’euros seulement. Pas suffisant pour couvrir les frais d’une équipe de 46 personnes, logée dans des locaux très chics à Neuilly (Hauts-de-Seine).
Surdimensionnée ? La société réplique qu’elle propose son produit à travers les guichets de ses partenaires bancaires et qu’elle a dû former leur personnel : 10 000 collaborateurs de banques notamment.
« La conjoncture s’est révélée bien pire que prévu. Isodev n’a pas trouvé son marché tout simplement parce que les entreprises n’investissent pas », justifie un proche de la société. « Alors qu’Isodev s’était positionné à l’origine sur les crédits pour l’investissement, la société s’est mise peu à peu à distribuer des prêts de trésorerie. Qui accepte des crédits de trésorerie à un taux de 12 % ? Les entreprises les plus fragiles », enchaîne un bon connaisseur du dossier. D’où une explosion des impayés. « Ils avaient prévu un taux de défaut de 2 %. Ils se sont retrouvés avec des hypothèses maximales de 10 % ». Or, Isodev se rémunère à travers des commissions liées à la performance des prêts.
Malgré ces vents contraires, tout au long de 2014, la start-up garde le pied sur l’accélérateur. En mai 2014, il est envisagé que l’équipe grimpe à 100 personnes d’ici à la fin 2015. A l’été, M. Dupont prend son bâton de pèlerin pour récolter 15 millions d’euros de capital additionnel. Les actionnaires existants sont sollicités et la banque Oddo cherche de nouveaux investisseurs.
« Activité d’utilité sociale »
M. Dupont frappe alors à la porte de la Caisse des dépôts et consignations et de Bpifrance qui acceptent d’étudier le dossier. « Tout le monde avait envie qu’Isodev se développe car il s’agissait d’une activité d’utilité sociale », insiste un soutien de M. Dupont.
Mais, au fil des semaines, la situation se révèle de plus en plus alarmante. En janvier, panique à bord. Bercy est bien embarrassé. La faillite d’un acteur dans le secteur des fonds de prêts à l’économie, promu par le gouvernement, fait désordre. Et puis les actionnaires ont le bras long… « Une forte pression a été mise sur le ministre de l’économie, Emmanuel Macron. Et le dossier est remonté jusqu’à l’Elysée », relate un proche des pouvoirs publics.
Un rachat pour 1 euro symbolique est évoqué, puis des avances de trésorerie. La Caisse des dépôts et Bpifrance se disent prêts à avancer 2 millions d’euros sans intérêt si les actionnaires injectent 3 millions. « Les Galeries Lafayette, Casino ou Bolloré étaient d’accord compte tenu de la dimension citoyenne du projet mais tous n’étaient pas de cet avis », relate un fin connaisseur du dossier.
Les pouvoirs publics ne sont pas fâchés de jeter l’éponge. « Voler au secours de la fine fleur du capitalisme français en pleine préparation de loi Macron, c’était un peu délicat », ironise un observateur.
A noter que quatre grands assureurs ont aussi soutenu Isodev. Les prêts eux-mêmes sont portés par un fonds commun de placement auquel ont souscrit CNP, AXA, AG2R La Mondiale et Natixis Assurances. « Si ces fonds devaient connaître des pertes, elles seraient limitées », souligne un expert.
Parmi les prestataires qui laissent des plumes, deux entités du groupe BPCE, Natexis et la Bred, à travers notamment un contrat de leasing signé avec Isodev.
Conséquence, M. Dupont a dû démissionner du conseil de surveillance de BPCE, ne pouvant plus se targuer d’un « crédit incontestable » comme le stipulent les statuts du groupe.L’ex-patron des Banques populaires qui, avec son homologue des Caisses d’épargne, Charles Milhaud, avait rapproché les deux banques mutualistes en 2006, en créant Natixis, a donc quitté le groupe par la petite porte. 
Hasard du calendrier ou pas, cette démission n’a pas été portée à la connaissance du conseil de surveillance du 18 février auquel M. DUPONT ne participait pas.

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