Les évolutions sociétales et réglementaires poussent les DRH à faire évoluer leurs pratiques mais ces professionnels sont encore trop accaparés par la gestion administrative. C’est l’un des enseignements de la 3ème édition du baromètre « Radioscopie des DRH » (1), que le groupe de formation Cegos a dévoilé mardi 2 avril.
04/04/2019 Fil AFP Liaisons Sociales
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Comment vont les DRH ? C’est tout le mérite de cette étude qui tous les trois ans depuis 2012 tente de dresser un état des lieux de la fonction. Première bonne nouvelle révélée par cette nouvelle mouture : les DRH et RRH vivent dans leur temps. S’ils ont bien du mal à imaginer l’évolution de leur fonction dans les cinq années qui viennent (35 % pensent qu’elle sera plus orientée « human partner », 34 % plus virtuelle, 32 % qu’elle devra mieux équilibrer performance économique et sociale, 13% ne savent pas), les DRH sont en effet en prise avec les transformations sociétales et l’actualité économique et sociale. Ainsi, les sondés admettent que leurs pratiques RH ont évolué sous l’effet de plusieurs leviers : l’évolution des modes de travail et des statuts (citée par 52 % d’entre eux), le stress et la souffrance au travail (50 %), les attentes des nouvelles générations (50 %), l’allongement des carrières et la présence plus longue des seniors dans l’entreprise (50 %) et les difficultés à attirer et fidéliser les talents (48 %).
Peu de valeur ajoutée liée aux réformes en cours
Egalement interrogés dans ce baromètre triennal, les salariés estiment à 66 % (78 % chez les moins de 30 ans), que leur DRH accompagne ces évolutions sociétales (égalité professionnelle femmes-hommes, politique RH inclusive, lutte contre les discriminations…).
Face à l’actualité - fusion des retraites complémentaires Agirc/Arcco, réforme de la formation professionnelle, égalité professionnelle femmes-hommes, CSE, prélèvement à la source – les choses se gâtent. Les DRH considèrent ainsi que l’impact sur leur charge de travail de ces réformes ou évolutions réglementaires est plus fort que la valeur ajoutée apportée par la ligne RH. Selon le Groupe Cegos, 41 % d’entre eux disent par exemple que le prélèvement à la source a fortement impacté la charge de travail de l’équipe RH… mais seuls 26 % estiment avoir eu une forte valeur ajoutée pour accompagner sa mise en place.
Plusieurs enjeux
Stratégiques, purement RH ou liés au climat social dans l’entreprise, les DRH doivent piloter plusieurs enjeux. Selon le baromètre, les deux enjeux stratégiques prioritaires des sondés sont actuellement les réorganisations/restructurations (50 %) et l’accompagnement des projets de digitalisation et de transformation (48 %). Sur le volet RH, les répondants ont comme principales priorités le développement des compétences et l’employabilité des collaborateurs (56 %), ainsi que l’attraction et la fidélisation des talents et des hauts potentiels (50 %). Enfin, explique Cegos, leurs enjeux de climat social prioritaires sont « en phase avec les préoccupations de l’époque » : agir contre les risques psycho-sociaux et le stress au travail (50 %), développer un bon dialogue avec les partenaires sociaux (48 %) et permettre de mieux équilibrer vie professionnelle/vie personnelle (47 %).
Rattrapés par les tâches administratives
Alors que l’accompagnement du développement des compétences des collaborateurs constitue, de loin, le principal critère d’attractivité (61 %) de la fonction pour les DRH et RRH aujourd’hui en poste et que ces professionnels se voient majoritairement comme des « pros » du terrain et du dialogue, ils sont, dans les faits, rattrapés par les tâches administratives. Ainsi, au quotidien, le rôle administratif demeure prédominant, représentant un quart de leur temps de travail (+13 points par rapport à 2012). Viennent ensuite :les rôles de conseil (23 %, -4 pts), de partenaire stratégique (20 %), de négociation avec les partenaires sociaux (16 %), d’expert juridique et technique (16 %). 76 % des sondés reconnaissent également passer beaucoup de temps à mettre en place des accords faisant suite à des évolutions réglementaires (+12 pts depuis 2012) et 56 % rencontrent des difficultés pour valoriser l’apport de la fonction RH aux objectifs stratégiques de l’entreprise (+4 pts). 40 % d’entre eux déclarent aussi manquer d’informations sur la stratégie de l’entreprise (+19 pts vs 2012) et 52 % se heurtent au manque de vision sociale et d’anticipation de leur direction. « La fonction RH, et c’est un héritage du passé en France, est encore très accaparée par la gestion de modes opératoires. Elle est peu dans l’innovation et la prise de risque », constate Annick Allegret, membre du directoire du Groupe Cegos.
Les horaires de travail explosent
Si les DRH considèrent à 88 % que, depuis cinq ans, leur métier s’est enrichi, qu’il devenu aussi plus stratégique (76 %), ils déplorent, dans le même temps, une dégradation de leurs conditions de travail. 64 % d’entre eux estiment ainsi que leurs horaires de travail explosent, tandis que 54 % ne parviennent pas à déconnecter des situations vécues au travail de retour chez eux. Pis : 44 % reconnaissent parfois agir contre leur éthique et leurs valeurs. « Nous retrouvons ici des ingrédients propices au développement des RPS chez les DRH », avertit Isabelle Drouet de la Thibauderie, manager d’Offre et Expertise RH au sein du groupe Cegos.
Quant aux salariés, ils réclament toujours plus de proximité à leur DRH-RRH, qu’ils perçoivent davantage au quotidien comme un gestionnaire de processus. Parmi les reproches adressés aux RH : le facteur humain insuffisamment pris en compte (34 %), le manque de transparence (26 %) et le manque de proximité (25 %). « Le niveau de confiance des salariés dans la fonction RH reste faible : 5,5 sur 10 (contre 5,6 en 2016). Et les DRH-RRH surestiment cette confiance, en l’évaluant à 6,8 sur 10 (contre 6,7 en 2016) », commente le groupe Cegos.
Le partage de la fonction RH avec les managers ne progresse plus
Vis-à-vis des managers, le partage de la fonction RH ne progresse plus depuis 2016, constate en outre cette étude. Selon les professionnels RH interrogés, seuls 44 % des managers sont totalement impliqués dans la gestion des ressources humaines (contre 45 % en 2016 et 24 % en 2012), et 47 % des managers commencent timidement à jouer leur rôle RH (contre 44% en 2016 et 62 % en 2012). Enfin, 9 % des managers n'incarnent, selon eux, absolument pas leur fonction RH. Les salariés sont encore plus sévères puisque 32 % d’entre eux disent que leur manager est totalement impliqué dans sa mission RH, 34% qu’il assume timidement cette tâche RH, et 22 % qu’il n'assume absolument pas sa charge RH.
Pour impliquer davantage les lignes managériales dans des fonctions RH, le baromètre livre quelques recettes issues des réponses recueillies après des DRH eux-mêmes : les managers doivent être reconnus dans ce rôle (selon 48 % des DRH-RRH) ; ils doivent être « objectivés » précisément chaque année sur leur mission RH (39 %) ; ils doivent bénéficier de plus temps pour s’y consacrer (46 %), ils doivent en percevoir l’intérêt dans leur management au quotidien (42 %) ; et être formés spécifiquement sur ce sujet.
J-F. Rio
(1) Etude menée en France au mois de février 2019, auprès de 1 065 salariés et 201 directeurs ou responsables des ressources humaines, travaillant tous dans des entreprises du secteur privé ou des organisations de plus de 100 salariés.
Notre avis:
Si les DRH travaillent trop longtemps parce qu'elles sont trop occupées par des taches administratives sans valeur ajoutée, on ne voit pas comment elles pourraient conseiller les salariés dans leurs recherches d’évolutions de carrières, en proposant des emplois plus valorisant, si elles ne sont pas capables de le faire pour elles.
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