Masques ou télétravail, le nouveau dilemme des entreprises
Par Laurent Fargues le 26.08.2020
à 07h30
Challenges.fr
Sous la menace d’une deuxième vague épidémique, les
entreprises sont contraintes de se réinventer pour de longs mois. Entre
règles sanitaires strictes et encadrement du travail à distance, la
reprise s’annonce compliquée.
Covid-19,
saison 4. Après le confinement, le déconfinement et les congés d'été, les
patrons abordent la rentrée sous la menace persistante du coronavirus. "Ce
sera la première fois depuis le début de la crise sanitaire que les entreprises
auront à s'organiser avec 100% des salariés, remarque avec justesse Laurent
Berger, le leader de la CFDT. Face à une situation qui se dégrade plus vite que
prévu, il ne faut pas perdre de temps." Partout, managers, employés,
DRH, représentants du personnel s'activent pour réinventer le travail en temps
de risque pandémique. Partout, le même double dilemme se pose: appliquer des
règles sanitaires rigoureuses, indispensables bien sûr, mais dont on constate
qu'elles sont anxiogènes et génératrices de baisse de productivité ; et
relancer le télétravail, toujours
"recommandé" par le gouvernement et souhaité par des cohortes de
salariés, mais source d'inquiétudes pour bien des chefs d'entreprise.
Dans la torpeur
estivale, la ministre du Travail, Elisabeth Borne, a en effet rappelé aux Français la
dure réalité: la vitesse de circulation du virus augmente depuis
mi-juillet et les entreprises représentent près d’un quart des clusters. Le
port du masque sera donc obligatoire dans tous les espaces de travail, salles
de réunion, open spaces ou ateliers dès le 1er septembre, à
l’exception des bureaux individuels. Une mesure drastique qui laisse
les syndicats patronaux un brin perplexes. "D’un côté, cela a le
mérite d’être une règle simple, claire et pas insurmontable, observe François Asselin, président
de la Confédération des PME (CPME). De l’autre, il est crucial
qu’elle s’applique avec souplesse pour s’adapter à la réalité des
entreprises." Les principales dérogations seront annoncées le
31 août, a promis la ministre du Travail.
Eviter
le reconfinement
Les patrons de PME
s’alarment du coût de ces nouvelles règles. Il leur revient de fournir masques
et gel hydroalcoolique à leurs salariés et de désinfecter très régulièrement
les locaux. Un surcoût équivalent à 100 euros par salarié et par mois, selon
la CPME. Certes, pour les entreprises de moins de 50 salariés, la Sécurité
sociale peut verser une aide plafonnée à 5.000 euros, mais à condition
qu’une partie de la somme soit consacrée à des investissements pérennes, tels
des cloisons en plexiglas. Or, ces aménagements paraissent justement moins
utiles dès lors que le masque est obligatoire… "S’adapter sans cesse aux
nouvelles règles sanitaires est très chronophage, déplore Abdelkrim Talhaoui,
fondateur d’Octopeek, une start-up spécialisée dans l’intelligence
artificielle. Cela nous empêche de nous concentrer à 100% sur le cœur de notre
business et sur la relance après la crise." Très remonté, le syndicat
des indépendants et des entreprises de moins de 20 salariés fustige même
"un climat anxiogène qui provoque des difficultés pour la relance".
Dans les entreprises
de toute taille, élus du personnel et DRH vont se retrouver une nouvelle fois
autour de la table pour discuter de l’organisation du travail face au risque
d’une deuxième vague épidémique. Depuis le déconfinement, plus de
7.000 accords ont été signés pour mettre en musique les règles
sanitaires du gouvernement. Et ce n’est sans doute pas fini. "Mieux
vaut trouver au plus vite la bonne organisation qui permettra de poursuivre
l’activité plutôt que subir un nouveau confinement qui serait
catastrophique économiquement", note Yvan Ricordeau, secrétaire national
de la CFDT. Certains groupes font du zèle. A Veolia, des caméras thermiques ont
ainsi été installées à l’entrée de chaque bâtiment et les masques étaient déjà
obligatoires depuis la mi-mai. "Je veux que nos collaborateurs sachent que
revenir sur leur lieu de travail, ce n’est pas dangereux", insiste le PDG, Antoine Frérot,
qui a même instauré des tests gratuits pour l’ensemble de ses
50.000 salariés en France.
Raviver le
pouvoir d’attraction
Partout, la question
du télétravail redevient aussi d’actualité. Au niveau national, les syndicats
réclament unanimement un "accord-cadre" qui listerait les points
à traiter dans chaque entreprise, mais le patronat traîne des pieds. "Le
travail à distance était une solution de court terme durant le confinement,
juge François Asselin. A long terme, son recours doit relever de la seule
décision du patron." De fait, ils sont rares, les grands groupes
français tels le constructeur automobile PSA, à vouloir pérenniser le
télétravail et à en faire une règle de management. La grande
inquiétude sur le parvis de la Défense, comme au cœur de bien des PME,
c’est plutôt le peu d’empressement des salariés à revenir dans les sièges.
Car, comme le proclame
Serge Assayag, associé du cabinet de conseil Onepoint, "quelle que soit sa
taille, une entreprise sans bureau c’est comme une nation sans
territoire". Cet expert de la transformation et des ressources humaines
appelle donc les dirigeants à redoubler d’effort "pour redonner à leurs
entreprises tout leur pouvoir d’attraction auprès de leurs équipes et des
jeunes diplômés". Eléonore Cordesse, directrice des opérations de la
fintech parisienne Saga Corp, fait la part des choses: "J’apprécie la
liberté que le télétravail permet mais je pense difficile de créer une
appartenance forte à une TPE ou une PME par écrans interposés."
Dans les rangs des
DRH, la prudence est de mise. Si 85% estiment que le développement du
télétravail est positif, selon une enquête de l’Association
nationale des DRH, plus de la moitié craint une baisse de la
créativité et près d’un quart redoute une moindre productivité. "Au
lendemain du confinement, il y a eu un moment de flottement, détaille Eric
Albert, dirigeant du cabinet de conseil Uside. Les entreprises se sont rendu
compte que, malgré le retour à la normale, il n’y avait que 20% environ des
salariés qui revenaient de manière volontaire sur leur lieu de travail. Elles
ont alors compris que le retour au bureau serait un vrai enjeu!"
Recréer
du collectif
Dès le début de l’été,
certaines entreprises ont battu le rappel des troupes. A L’Oréal, après
quelques semaines où les équipes se relayaient une semaine sur deux, les 13.000
collaborateurs ont été invités à réintégrer leur rythme habituel. "Il est
impératif de recréer du collectif, d’être tous ensemble pour faire société,
relate Blandine Thibault-Biacabe, vice-présidente des ressources humaines du
géant des cosmétiques en France. Dans nos métiers, il faut souvent se voir pour
mener des projets féconds." La DRH n’est pas pressée d’augmenter le
quota de télétravail au sein du groupe –quelque 5.000 collaborateurs
bénéficient aujourd’hui de quatre jours de télétravail par mois– et
réfléchit plutôt au moyen de faciliter les transports domicile-travail via la
subvention d’un vélo électrique.
Chez Bouygues, quelque
90% des salariés sont aussi revenus depuis le 1er juillet. Une
question de cohésion pour un groupe qui comprend des filiales très différentes,
entre le BTP, les télécoms ou la télévision. "Nous ne sentons pas de
jalousie chez nos cols-bleus qui ont des métiers de chantiers et ne peuvent pas
télétravailler, décrypte Jean-Manuel Soussan, directeur général adjoint. Mais,
à nos yeux, les moments de rencontres physiques sont cruciaux. La force d’une
équipe de rugby, c’est d’être quinze sur le terrain!"
89%
des salariés ont pris goût au télétravail
La demande de
télétravail est pourtant plus forte que jamais. D’après un sondage réalisé par le
groupe de protection sociale Malakoff Humanis, 89% des salariés ont
pris goût au travail à distance et 75% attendent de leur employeur qu’il tire
les leçons du confinement sur l’organisation du travail. Certains groupes
s’engouffrent dans la brèche. "La crise sanitaire a prouvé que le recours
massif au télétravail pouvait fonctionner, s’enthousiasme Frédéric Oudéa, le
patron de la Société générale. Proposer deux à trois jours par semaine de
travail à distance peut être une “promesse employeur” attractive et cela
réduira la pollution liée aux transports." Le constructeur automobile
PSA a annoncé vouloir mettre 40.000 personnes en télétravail, dont
18.000 en France. Le géant bancaire UBS réfléchit à proposer le télétravail
de façon permanente à un tiers de ses 70.000 collaborateurs. Quant au
mastodonte de l’assurance Allianz, il envisage que 40% de ses
150.000 salariés pratiquent assidûment le home office.
"Partout, la part
du travail à distance va augmenter, note Frédéric Guzy, directeur de
l’association Entreprise & Personnel. La tendance générale est de
passer d’un jour par semaine à deux ou trois." Et des dizaines de
nouveaux métiers, qui ont expérimenté le travail à distance durant le
confinement, seront concernées: responsables du trading ou de la relation
clients d’Engie, chercheurs de Sanofi, téléconseillers, contrôleurs de gestion
ou assistants de direction d’EDF… "Mais le développement du télétravail ne
doit pas signifier que les équipes ne seront plus jamais au complet en même temps,
met en garde Jean-Christophe Sciberras, directeur des relations sociales à Axa,
où 94% des postes peuvent être assumés à distance. Il ne faut pas perdre les
rencontres impromptues dans un couloir ou au restaurant d’entreprise qui
permettent parfois de résoudre un paquet de problèmes en un quart
d’heure."
Mieux
répartir les tâches entre télétravail et "présentiel"
En cette rentrée,
toutes les entreprises planchent sur le bon dosage entre travail à distance et
"présentiel". Les formations au management à distance se multiplient.
"Si on demande à nos salariés de passer une heure dans le RER ou leur
voiture, il faut qu’ils y voient un réel intérêt avec un cadre de travail
agréable", estime Christophe Carval, le DRH d’EDF. Celui de Sanofi, Bruno Laforge,
complète : "Cela va nous obliger à mieux répartir les tâches dans la
semaine entre ce qui relève du travail individuel et du
collectif." Déjà, la société Comet Meetings a monté une journée de
séminaire, baptisée "Reboot", avec l’ancien coordonnateur du renseignement,
Didier Le Bret, spécialiste des situations de crise. Une réunion qui a lieu de
préférence en "présentiel", cela va sans dire.
Laurent Fargues, avec Jean-François Arnaud et Agathe
Beaujon
Notre avis:
Malgré les positions des syndicats et les avis du CSE la Direction a décidé des réduire au maximum le travail à distance.
elle a choisi de faire prendre des risques aux salariés et à l'ensemble de la population.
IDF, zone à risques, RER " danger", retour des salariés de toutes destinations, pour la Direction "même pas peur" pour la santé des salariés tant que la machine tourne !