Un an après la COP21, les banques françaises s’engagent aussi à financer des énergies renouvelables. Les ONG dénoncent, elles, un « double jeu ».
LE
MONDE | •
Mis à jour le | Par Rémi
Barroux
Un
an quasiment après la conférence sur le climat de Paris, la COP21, et à deux semaines de l’ouverture de la COP22 à
Marrakech (Maroc), le Crédit agricole s’est engagé, mercredi
26 octobre, à « ne
plus financer de nouvelles centrales ou extension de centrales
électriques au charbon ». Le
lendemain, la Société générale lui a emboîté le pas, promettant« l’arrêt
de l’ensemble de nouveaux financements de projets de centrales thermiques au
charbon ou des infrastructures associées, partout dans le monde » à partir de
janvier 2017.
Ces deux annonces
n’ont pas convaincu les ONG, notamment les Amis de la Terre, qui demandent un
engagement plus important du secteur bancaire dans la lutte contre le
réchauffement climatique et l’exploitation des énergies fossiles les plus
polluantes.
« Dix milliards d’euros d’ici à 2020 »
Les promesses du
Crédit agricole et de la Société générale interviennent aussi à une semaine du
« Climate Finance Day », une initiative du secteur financier qui se
tiendra le 4 novembre à Casablanca, et qui vise à « orienter les flux
financiers sur des trajectoires bas carbone ».
Pour Stanislas
Pottier, le directeur du développement durable de Crédit agricole SA, il s’agit
d’intensifier l’effort amorcé par la banque en 2015 : l’annonce
d’abord d’un engagement « à
ne plus financer les mines de charbon et les entreprises qui y sont majoritairement investies », puis le désengagement des centrales à
charbon dans les pays à haut revenu, ce qui excluait en particulier la Chine et l’Inde,
principaux consommateurs de cette énergie fossile.« Aujourd’hui, que ce soit
pour une nouvelle centrale, une extension ou une rénovation, dans le monde entier, il n’y aura plus une seule
ligne de financement accordée, au-delà des engagements déjà pris », assure Stanislas Pottier.
La Société générale
suit la même voie : « Dans
la foulée de l’accord de Paris, et dans le cadre du scénario d’un maintien du
réchauffement climatique en dessous de 2 °C développé par l’Agence
internationale de l’énergie, la Société générale s’est engagée à ramener la part du charbon dans la production d’électricité,
son mix énergétique, à 19 % à fin 2020 », explique Jean-Michel Mépuis, le
directeur du développement durable. Pour atteindre ce
but, il ne s’agit pas tant de réduire la
part du charbon que de développer l’investissement
dans les énergies renouvelables, en doublant le financement des projets dans ce
secteur. La Société générale promet « une
enveloppe de 10 milliards d’euros d’ici à 2020 ».
« Les banques vont toujours au charbon »
Mais ces ambitions
vertes ne concernent que les futurs projets. Et les Amis de la Terre, s’ils
saluent la mesure annoncée par les deux banques, rejoignant l’engagement déjà
pris par Natixis, dénoncent
aussi « un double jeu ». « Ces
deux banques n’entendent pas se retirer des projets de centrales à charbon en Indonésie [un pour la Société générale et deux
pour le Crédit agricole], elles
vont continuer à financer des entreprises qui, elles, investiront
dans le charbon. La Société générale finance un projet polluant en République
dominicaine », dénonce
Lucie Pinson, chargée de campagne aux Amis de la Terre.« De deux choses l’une :
soit le charbon est nocif, et il faut se désengager le plus vite possible, soit il ne l’est pas, alors
pourquoi annoncer ce désengagement progressif ? », s’interroge-t-elle.
Dans un rapport qui
devrait être publié
la veille du Climate Finance Day, plusieurs ONG (Amis de la Terre, Fair Finance France, BankTrack) dénoncent« des banques qui vont
toujours au charbon, malgré leurs promesses ». Elles ciblent
en particulier la BNP Paribas, « qui
autorise toujours le financement direct de centrales à charbon » et « n’a
toujours pas exclu certains de ses clients qui développent massivement de
nouveaux projets charbon ».
Les banques, elles,
préfèrent souligner leurs
avancées, faisant du secteur bancaire français le premier au monde à exclure tout
financement direct du secteur énergétique le plus polluant. « C’est un renoncement
important, notamment dans les pays en développement : on refuse des
clients, des projets. C’est un choix fort pour accompagner la transition énergétique », affirme Stanislas Pottier.