Le taux d'arrêt de travail est en constante augmentation, de 6,85 % depuis 5 ans et les arrêts de longue durée (plus de trois mois) sont aussi en progression : telles sont les conclusions du baromètre Réhalto (cabinet expert des risques humains et sociaux, filiale du groupe Workplace Options)/BVA dévoilées ce jeudi 5 septembre 2019.
05/09/2019 Fil AFP Liaisons Sociales
« C’est un baromètre qui existe depuis 5 ans, ce qui nous permet d’avoir un vrai recul. Le constat que l’on fait est une croissance continue du taux d’absentéisme. Elle est de 6,85 % par an. C’est considérable ! », indique Christian Mainguy, DG de Réhalto. En effet, 36 % des salariés ont été arrêtés au moins une fois au cours des douze derniers mois, pour 14,1 jours d’arrêts en moyenne par personne sur cette même période. Avec une forte hétérogénéité selon les catégories professionnelles. Les taux d’absentéisme des salariés des 50 ans et + (4,4 %), des ouvriers (6,5 %) et des salariés travaillant dans le secteur de l’industrie (4,8 %) sont les plus élevés. A l’inverse les taux d’absentéisme des moins de 30 ans (2,8 %), des cadres (1,4 %) et des salariés du commerce (2,2 %) sont les plus faibles. Les arrêts de travail de plus d'une semaine représentent 43 % de la masse totale, avec notamment des progressions sur ceux d'une durée d'une semaine à trois mois (34 % contre 31 % en 2018 et 29 % en 2017) et sur ceux de plus de trois mois (9 % contre 7 % en 2018 et en 2017).
« 4 salariés sur 10 qui ont connu un arrêt de longue durée s’estiment insatisfaits des conditions de leur retour. C’est en effet un moment angoissant pour eux, a fortiori si l’entreprise a été rachetée et que leur manager a changé. L’organisation du changement peut être traumatisante. Il est nécessaire pour les entreprises de tenir compte de ces retours avec des salariés qui ne seront pas tout de suite à 100 % de leurs capacités et qui auront parfois besoin d’un temps partiel thérapeutique », poursuit Christian Mainguy.
Parmi les actions mises en place par les entreprises en gestion et prévention des arrêts de travail, l'étude cite un environnement de travail de qualité (80 %), l’aménagement des horaires et des rythmes de travail (65 %), le renforcement de l’équipe du salarié en arrêt (62 %) et l’accompagnement des salariés en retour d’arrêts de travail (59 %). Beaucoup reste à faire : seules 42 % des entreprises ont mis en place des actions spécifiques de prévention des arrêts de travail et moins d'un DRH sur deux œuvre pour une démarche QVT.
19 % d'arrêts liés à un burn-out
Hors maladies ordinaires (46 % de grippes, angines, rhumes...), « les problématiques mentales sont désormais la première cause d’arrêts de travail. L’OMS avait indiqué qu’on y serait en 2020 : nous y sommes, comme prévu, un an avant, avec 29 % dont 19 % pour burn-out. Le burn-out est souvent multifactoriel et le baromètre a attiré notre attention sur les 19-29 ans. Ce sont les plus touchés. Ils sont victimes de ce que l’on a appelé "burn-out de désillusion". L’une des explications est que leur déception est à la hauteur de leur investissement », décrit le directeur général de Réhalto. « Nous avons mis en place des programmes de "reconditionnement", y compris physique, pour que ces personnes fragilisées puissent reprendre pied, parfois en commençant par sortir de chez elle et marcher. Se fixer des objectifs simples et les atteindre peut faire partie du programme », précise-t-il.
Un impératif pour ces populations brisées et plus spécifiquement, 7% des salariés arrêtés pour un syndrome d’épuisement professionnel, avec - outre des moins de 30 ans - beaucoup de femmes (9 %). 11 % des personnes qui s'épuisent travaillent en CDD et avec une charge de travail qui leur paraît si importante qu'ils peinent à y faire face (15 %). A noter que 22 % des salariés sont des aidants naturels et que le taux de burn-out en cas de personne à charge au domicile du salarié grimpe à 14 %. Un mal-être au travail multifactoriel, mais souvent lié aux transformations, parfois permanentes dans l'entreprise.
« L’organisation est le point fort mis en avant par les salariés et les DRH. Il est à mettre en relation avec la transformation des organisations et avec les compétences qui peuvent provoquer des inquiétudes chez le salarié (77 %) ». Quant aux TMS (troubles musculo-squelettiques), ils arrivent en deuxième position (27 %). Ils n'ont pas encore disparu, même si les entreprises semblent davantage sensibilisées qu’avant aux nécessités d’adapter l’environnement de travail et de maîtriser l’ergonomie des salariés.
Le télétravail progresse mais timidement
Alors, que faire pour que ces taux d'arrêts maladie cessent leur progression ? Ils constituent un coût non négligeable pour l'entreprise et pour la société. Le télétravail est une solution. Soupape indiscutable, la journée de télétravail n'a pas conquis l'ensemble du monde du travail, puisqu'elle existe dans une entreprise sur cinq seulement. « Certes, il y a une progression puisqu’on passe de 16 % à 21 % en un an, mais cette évolution est moins spectaculaire que celle que l’on attendait, puisque désormais, les entreprises sont incitées à l’encourager, juge le DG de Réhalto. Mais on constate dans que dans les entreprises où le télétravail est mis en place, le taux d’absentéisme est moins important car il permet aussi aux salariés de mieux gérer les situations personnelles, de souffler, tout en conservant le lien social impératif pour se sentir bien dans l’entreprise ».
Selon le baromètre, le taux d’absentéisme des salariés qui ont des possibilités de télétravail est de 2, voire même dans le cas de télétravail occasionnel de 1,2 contre 4,3 pour les salariés qui n’ont pas de possibilités de télétravail. Une deuxième piste pour lutter contre l'absentéisme est ce que Christian Mainguy appelle le « soutien social » : « C'est le soutien du manager, des collègues, l’absence de concurrence exacerbée qui permettent aux salariés de se sentir mieux lorsqu’ils travaillent ensemble ». L'organisation, toujours. Enfin, il devient urgent de reconsidérer l'absentéisme : contrairement aux idées reçues, 44 % de salariés n'ont pas posé d’arrêt maladie sur la période 2018-2019, dans une situation le nécessitant - situation « qui augmente tendanciellement » (41 % en 2017 et 43 % en 2018), selon l'étude Réhalto/BVA. Avec deux raisons principales dans cette pratique du « présentéisme » : la crainte de voir ses revenus baisser (41 %, notamment chez les ouvriers) et une charge de travail jugée trop importante (32 %, surtout chez les cadres).
Claire Padych
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