30 mars 2021

Procès IKEA, fliquage de salariés ?

 

Procès Ikea : un an de prison ferme requis contre un ex-PDG, deux millions d'euros d'amende contre la société

COMPTE RENDU D'AUDIENCE - La procureure a aussi réclamé des peines de prison ferme à l'encontre d'un ex-cadre supérieur de l'entreprise et d'un ancien enquêteur privé.

Par Aude Bariéty «  le FIGARO »

Publié il y a 1 heure, mis à jour il y a 54 minutes

Ikea a-t-elle «fliqué» des salariés, candidats à l'embauche et clients pendant plusieurs années, de manière «massive»? Pour la procureure Paméla Tabardel, la réponse est oui. «Il y a une gravité des faits certaine qui transparaît», a-t-elle insisté lors de son réquisitoire ce mardi 30 mars, au sixième jour du procès Ikea. Une audience à fort «enjeu», malgré des «imperfections» dans le dossier que la parquetière reconnaît et que les avocats du dossier, tant côté défense que côté partie civile, n'ont cessé de dénoncer.

 

Contre la société Ikea France, en tant que personne morale, la représentante du ministère public a réclamé un «message fort», en l'occurrence une amende de deux millions d'euros. «Ikea ne reconnaît pas sa responsabilité» alors qu'«elle est à la fois le support de cette fraude et la bénéficiaire de cette collecte de données en en tirant un avantage organisationnel», a regretté Paméla Tabardel. L'entreprise encourt en théorie une amende pouvant aller jusqu'à 3,75 millions d'euros.

À l’encontre de trois anciens dirigeants, la magistrate a fait des demandes très différentes : trois ans de prison dont deux avec sursis pour Jean-Louis B., directeur général de 1996 à 2009; une relaxe pour Stefan V., directeur général de 2010 à 2015; deux ans de prison avec sursis et 10.000 euros d'amende pour Dariusz R., ex-directeur administratif et financier. «On a longuement évoqué la règle des 'quatre yeux', concernant les signatures de factures, mais on a plutôt affaire à la règle des 'quatre yeux fermés' puisqu'on signe, mais les yeux fermés», a ironisé la procureure.

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«Pas un lanceur d'alerte»

Paméla Tabardel a par ailleurs réclamé «une peine ferme» - trois ans de prison dont deux avec sursis - contre Jean-François P., qui est à ses yeux «l'acteur central de ce dossier». L'ex-directeur du département de la gestion du risque est l'un des rares à assumer ses responsabilités. «Effectivement, on peut louer son effort d'honnêteté et de transparence. Il a pu nous donner des clés dans ce dossier. Mais il n'est pas un lanceur d'alerte, ce n'est pas lui qui a fait cesser les faits, ce sont les syndicats et la presse», a souligné la magistrate.

 

La magistrate a requis un an de prison avec sursis et 10.000 euros d'amende à l'encontre de Sylvie W. L'ex-adjointe de Jean-François P. nie avoir été au courant de recherches illégales, ce que la procureure ne juge pas crédible. Cette dernière a également demandé au tribunal de prononcer des «peines d'avertissement», allant de six mois de prison avec sursis à deux ans de prison avec sursis et 5000 euros d'amende, à l'encontre de deux anciens directeurs de magasin et de leurs ex-responsables de la sécurité.

Sur le cas particulier de Claire H., qui fut directrice des ressources humaines d'Ikea France puis co-directrice du magasin de Franconville, la représentante du ministère public a sollicité une relaxe à contrecœur. «Claire H. a fait preuve d'une particulière mauvaise foi. Je suis persuadée qu'elle était au courant de ces pratiques. Mais il n'y a pas d'éléments matériels la concernant pendant la période des faits. Les éléments sont, je pense, insuffisants, même si nous ne sommes pas dupes.»

«Impact sur la vie de plusieurs personnes»

S'intéressant aux quatre policiers soupçonnés d'avoir consulté leur fichier informatisé, le Stic, pour renseigner Ikea, la parquetière a proposé des peines allant de six mois de prison avec sursis à deux ans de prison avec sursis et 5000 euros d'amende. Aux yeux de Paméla Tabardel, «le fonctionnaire le plus impliqué» est Alain S., ancien commandant de police. «Il n'a pas contesté les faits - 229 consultations au Stic portant sur 151 personnes - mais je souligne son absence. Il n'a pas daigné se rendre au tribunal», a-t-elle déploré.

Enfin, à l'encontre de Jean-Pierre F., ex-enquêteur privé, Paméla Tabardel a requis «une peine ferme, qui va être considérée comme sévère» : deux ans de prison dont un an avec sursis. Le septuagénaire a toujours nié avoir demandé à des policiers de mener des recherches sur le Stic. «On s'interroge sur la sincérité de ses déclarations», a cinglé la magistrate. «Il doit comprendre que ses agissements, qui se sont poursuivis sur de nombreuses années, ont eu un impact sur la vie de plusieurs personnes.»

L'audience va désormais se poursuivre jusqu'à la fin de la semaine avec les plaidoiries des avocats de la défense. Les quinze personnes physiques prévenues ainsi que la représentante de la personne morale Ikea France auront la parole en dernier, avant que le tribunal correctionnel de Versailles ne mette son jugement en délibéré à une date encore inconnue.

 

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