Par Aurélie Cormier Le Goff le 17.07.2018 à 12h00
Dans
un tiers des TPE, alors même qu’il n’y existe aucune forme de représentation du
personnel, les salariés sont associés aux prises de décision en matière de
salaire, d’emploi ou de temps travail. Aurélie Cormier Le Goff, avocat
associé, Flichy Grangé Avocats partenaire de Challenges explique les modalités
de négociations.
Traditionnellement,
les accords collectifs ne pouvaient être conclus qu'avec des délégués syndicaux
désignés par une organisation syndicale représentative dans les entreprises
d'au moins 50 salariés. Aujourd'hui, le dialogue social n'est plus l'apanage des
grandes entreprises : dans près d'un tiers des TPE, alors même qu'il n'y
existe aucune forme de représentation du personnel, les salariés sont de fait
associés aux prises de décision en matière de salaire, d'emploi ou de temps
travail (Enquête Darès, mai 2018).
A l'heure où le législateur consacre l'accord collectif d'entreprise comme la
clef de voûte des règles de droit du travail, il a également ouvert la
possibilité de conclure de tels accords dans toutes les entreprises, quelle que
soit leur taille. L'ordonnance Macron du 22 septembre 2017 sur le renforcement
de la négociation collective a simplifié et élargi les règles de négociation
sans délégués syndicaux dans les TPE et les PME, en distinguant les procédures
à suivre selon les effectifs.
Négocier
dans les entreprises de 2 à 10 salariés
Dans ces entreprises, aucune représentation du
personnel n'existe (le conseil social et économique qui remplace désormais le
comité d'entreprise et les délégués du personnel n'est obligatoire qu'à partir
de 11 salariés). Ce peut aussi être le cas des entreprises entre 11 et 20
salariés dans lesquelles l'élection d'un CSE a été organisée mais aucun
candidat ne s'est présenté.
L'accord collectif peut dans ce cas, depuis
janvier 2018, être conclu directement avec les salariés, selon une procédure
très simplifiée :
·
Le chef d’entreprise élabore un projet d’accord, qui
peut porter sur tous les thèmes ouverts par le Code du travail à la négociation
collective ;
·
Il communique ce projet d’accord à chacun des salariés
de l’entreprise ;
·
Un délai de 15 jours doit être respecté durant lequel
les salariés peuvent étudier l’accord (il n’y a pas de négociation à proprement
parler)
·
Passé ce délai, une consultation des salariés doit
être organisée sur le projet d’accord en vue de le faire approuver. Tous les
salariés de l’entreprise sont invités à voter pendant le temps et sur le lieu
de travail. La consultation présente un caractère personnel et secret (donc
anonyme) et se déroule hors de la présence de l’employeur. Un procès-verbal est
dressé consignant le résultat du vote : l’accord est approuvé s’il est
ratifié par une majorité des deux tiers des salariés de l’entreprise. A défaut,
il n’entre pas en vigueur.
S'il est adopté selon ces formes, l'accord en question
a le même régime que l'accord collectif conclu avec un délégué syndical :
il permet notamment de mettre en œuvre toutes les dispositions du Code du
travail qui prévoient des aménagements de la norme légale (annualisation du
temps de travail, forfait jours), ou d'instituer des avantages (primes, congés),
éventuellement différents de ceux prévus par l'accord de branche, sur lesquels
ils primeront.
Ces accords peuvent par la suite être modifiés par
voie de révision, selon la même procédure, ou bien en suivant celle applicable
aux entreprises de plus de 11 salariés ou de plus de 50 salariés si, entre
temps, l'effectif de l'entreprise a augmenté. Ils peuvent aussi être dénoncés
pour y mettre fin, soit par le chef d'entreprise, soit par au moins 2/3 des
salariés, qui devront notifier cette décision à l'employeur un mois avant la
date anniversaire de conclusion de l'accord.
Négocier
dans les entreprises de 11 à 49 salariés
Ces entreprises ne dépassent pas le seuil de 50
salariés à partir duquel peuvent être désignés des délégués syndicaux. Mais
elles ont en principe élu un comité social et économique (CSE).
L'employeur a donc le choix de négocier soit avec les
membres du CSE, soit avec un salarié de l'entreprise qui a reçu à cet effet un
mandat d'une organisation syndicale représentative dans la branche, par
hypothèse extérieure à l'entreprise.
Là encore, la négociation est possible sur tous les
thèmes prévus par le Code du travail et peut permettre de réviser un accord
collectif antérieur, même s'il avait été conclu à l'époque avec des délégués
syndicaux ou directement avec des salariés.
Le négociateur doit être indépendant du chef
d'entreprise. De plus, s'agissant ici d'une véritable négociation, l'élu du CSE
ou le salarié mandaté doivent pouvoir se concerter avec les salariés pour
élaborer l'accord conjointement avec l'employeur, prendre contact avec les
organisations syndicales de la branche, et solliciter de l'employeur les
informations nécessaires pour mener la négociation.
Si la négociation a lieu avec le CSE, les élus peuvent
ou non être mandatés par une organisation syndicale. L'accord est valide s'il
est signé par un ou plusieurs élus titulaires ayant recueilli plus de 50% des
suffrages aux dernières élections. Il n'est pas nécessaire dans ce cas
d'organiser un référendum.
Si la négociation a lieu avec un salarié de
l'entreprise qui n'est pas élu titulaire au CSE, il doit être mandaté par une
organisation syndicale représentative pour pouvoir signer l'accord. Un
référendum doit ensuite être organisé par le chef d'entreprise dans les 2 mois
de la conclusion de l'accord : comme pour une élection, ce scrutin est
secret sous enveloppe (ou par vote électronique) et se déroule pendant le temps
de travail. L'accord n'est valide que s'il est ratifié à la majorité absolue
des suffrages exprimés (c'est-à-dire par plus de la moitié des salariés ayant valablement
voté).
L'accord collectif ainsi conclu pourra par la suite
être révisé, selon les modalités applicables en fonction de l'effectif de
l'entreprise à cette date, ou encore être dénoncé, soit par le chef
d'entreprise, soit par les membres du CSE disposant de la majorité des
suffrages, soit par un salarié mandaté à cet effet par une organisation
syndicale représentative.
Par Aurélie Cormier Le Goff, Avocate associée, Flichy Grangé
Avocats
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