Fin 2007, la nouvelle tombe comme un couperet sur Isabelle D. : atteinte d’un cancer « avec pronostic vital engagé ». Alors qu’elle est employée depuis 1999 par la Banque populaire Bourgogne et Franche-Comté, cette femme âgée aujourd’hui de 49 ans, se bat alors pendant un an « avec la peur au ventre. Une épée de Damoclès au-dessus de la tête ». Puis, c’est la lueur d’espoir. Une rémission « avec un pronostic vital incertain ».
En janvier 2009, malgré une fatigue chronique et avec un statut de travailleur handicapé en raison de séquelles au bras droit, elle reprend donc son travail à l’agence de Feillens, dans le val de Saône. Un mi-temps thérapeutique suivi d’un temps plein un an plus tard. Mais Isabelle continue à se battre contre la maladie, à passer régulièrement des examens.
Au début, elle est accueillie à bras ouverts par des collègues « compatissants ». Aujourd’hui, elle réalise qu’elle était « dans le déni, sans voir ce qui se tramait » autour d’elle. « Mon psy me le disait pourtant : on veut se débarrasser de vous », se souvient Isabelle.
Et en effet, les rapports se dégradent très vite avec la direction de la banque et au sein de l’agence de Feillens. « Il y avait des erreurs constantes sur ma paye, on ne me donnait plus de commissions. On s’arrangeait pour que je ne puisse plus assister aux réunions. On me surchargeait de travail. Je n’ai même pas pu voter aux élections syndicales. Mes collègues ne me parlaient plus. Les portes restaient fermées », raconte Isabelle qui, alors, « craque » à plusieurs reprises. Autour d’elle, elle ressent « une sorte de folie collective. Ma maladie les emmerdait ». Avec parfois des réflexions épouvantables : « Pour une cancéreuse, tu as de beaux restes. » En somme, puisqu’elle n’était pas morte, c’est qu’elle n’était pas « vraiment » malade.
Et un jour, alors qu’elle se plaint de fumées irrespirables dues à des travaux devant l’agence, qu’elle est la seule à subir, son chef d’agence dérape : « Tu ne vas pas recommencer avec ton cinéma de cancer. » Cinéma ? Isabelle lui envoie par SMS la photo de son cou marqué à vie par les cicatrices.
L’homme porte alors plainte pour harcèlement moral. Une affaire rapidement classée sans suite, mais Isabelle D. doit subir l’humiliation d’une audition par les gendarmes.
Et dans le même temps, en juin 2011, la banque la licencie « pour fautes graves ». « Selon eux, j’étais un élément perturbateur. Mes collègues ne voulaient plus travailler avec moi. Mon travail n’allait pas. Mais rien n’était étayé. Je n’ai jamais eu le moindre blâme ou avertissement de toute ma carrière. Alors, je me sentais comme une bête dans l’arène qu’on mettait à mort », se souvient Isabelle.
L’affaire se règle en justice en juin dernier. « La convention collective des banques n’a pas été respectée » et « l’attitude de souffrance exprimée par Isabelle D. ne peut constituer une faute », estime le conseil de Prud’hommes qui juge le licenciement « sans cause réelle et sérieuse ». Isabelle D. obtient gain de cause mais fait quand même appel de la décision, insatisfaite du montant des indemnités.
Et elle entend aussi mener un autre combat, devant le Défenseur des droits qui a remplacé la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité). Confortée dans son idée par l’Inspection du travail qui a estimé, en mai 2011, que son licenciement « pouvait s’assimiler à une discrimination par rapport à l’état de santé ».
Contactée à propos de cette affaire, Jean-Claude Buessard, DRH, indique que la Banque populaire « ne fera aucun commentaire sur cette affaire ».
Publié par le Progrès.fr le 2/9/12
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