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La liberté de la presse n’est pas un privilège des journalistes mais un droit des citoyens, martèle inlassablement notre illustre confrère Mediapart. Un slogan simple et clair, auquel Deontofi s’associe, comme les millions d’individus descendus dans la rue, pour manifester leur attachement à la liberté d’expression après le massacre de Charlie Hebdo, en janvier 2015. Et puis rapidement, les affaires ont repris le dessus, avec leur lot de mensonges et procès abusifs pour tromper l’information du public.
Les marionnettistes du pouvoir ont à nouveau succombé à leur tentation de manipuler la justice pour bâillonner, intimider ou discréditer les journalistes révélant des informations ou exprimant des opinions déplaisant aux despotes, par une multiplication de poursuites en diffamation abusives. Cette pratique délétère vise aussi les sources des journalistes, essentielles à la liberté de l’information, en particulier les lanceurs d’alerte, systématiquement victimes d’un harcèlement judiciaire des fripouilles dont ils exposent les dérives, au minimum. Les exemples sont trop nombreux pour en dresser l’inventaire.
Du côté des atteintes à la liberté de la presse, une des manipulations de la justice les plus honteuses pour discréditer des informations fiables a sans doute été le pilonnage judiciaire inouï de la lessiveuse luxembourgeoise Clearstream, pendant dix ans, pour tenter d’empêcher les révélations de notre confrère Denis Robert sur ses pratiques obscures, au cœur des systèmes de blanchiment et de corruption internationale, comme le raconte si bien le film L’Enquête (si vous ne l’avez pas vu en salle, le film L’Enquête est enfin disponible en DVD).
Parmi d’autres exemples anciens, on peut citer Jean-Marie Messier, l’ex-président du groupe Vivendi, qui avait poursuivi en diffamation une journaliste Monde pour avoir décrit la « grave crise de trésorerie, frôlant la cessation de paiement » de Vivendi en 2001. Dix ans plus tard, en janvier 2011, le tribunal correctionnel de Paris a finalement condamné Messier à trois ans de prison avec sursis pour communication trompeuse, abus de biens sociaux et délit d’initiés. Même s’il a été en partie révisé par la Cour d’appel, ce verdict confirmait le bien-fondé de l’enquête journalistique injustement discréditée par ce patron menteur, qui avait abusé de poursuites judiciaires inappropriées pour tenter d’empêcher la révélation d’informations qu’il savait exactes.
Concernant les lanceurs d’alerte, Deontofi reviendra bientôt sur le harcèlement judiciaire dont ils sont systématiquement la cible, comme dans le cas de Stéphanie Gibaud qui a révélé les fraudes fiscales organisées par la banque suisse UBS, ou d’Antoine Deltour, qui a révélé la complicité du cabinet PricewaterhouseCoopers (PWC) dans le scandale d’évasion fiscale de centaines d’entreprises au Luxembourg, impliquant aussi les cabinets Deloitte, KPMG,et Ernst&Young.
Et que dire de l’instrumentalisation de la justice, au cœur même de l’enquête sur les pertes de trading spéculatif de la Société générale, pour masquer la responsabilité de la banque en faisant croire à la légende du trader Jérôme Kerviel ayant prétendument agi seul à l’insu de sa hiérarchie ? Depuis le début de l’enquête, et au cours même du procès, la responsabilité de la SocGen dans sa chute apparaît comme une évidence dont ses dirigeants tentent d’effacer les traces avec des pressions et complicités inquiétantes au sein du pouvoir. Quatre députés et sénateurs, Charles de Courson (UDI), Yann Galut (PS), Georges Fenech (UMP) et Éric Bocquet (PCF), réclament aujourd’hui la vérité à la suite des révélations de Mediapart.
Parmi d’autres faits divers récents, on peut citer encore les poursuites abusives de la société Crit Intérim contre un syndicaliste CFTC qui avait découvert l’arnaque de son employeur sur le dos des intérimaires précaires, ou encore les poursuites de François Pérol, patron des Banques Populaires Caisses d’Épargne (BPCE SA), pour censurer le blog de la CFTC BPCE. Heureusement, la Justice n’est pas dupe. Dans son jugement du 21 mai 2015 (n° RG 15/53983), le Tribunal vient de débouter la BPCE de ses poursuites en la condamnant à verser 3000 euros d’indemnités à la CFTC en remboursement des frais de justice induits par ce procès abusif.
Est-ce un dernier baroud de François Pérol avant de sauter de son siège éjectable ?
Le même François Pérol s’était rendu célèbre en 2009, dès sa mainmise douteuse sur le groupe Banque Populaires – Caisses d’Epargne – Natixis, dont il avait forgé la fusion à l’Elysée, avant d’en prendre les commandes en personne. L’impétrant avait lancé 11 poursuites en diffamation abusives contre notre confrère Laurent Mauduit de Mediapart, pour discréditer les révélations de ses conflits d’intérêt. Révélations dont la pertinence est confirmée à point nommé par le procès de François Pérol, jugé pour prise illégale d’intérêt, au tribunal correctionnel à partir du 22 juin 2015.
Deontofi.com a évoqué bien d’autres exemples de procès aussi infâmes qu’abusifs, lancés par des dirigeants méprisant la justice, pour cacher leurs secrets honteux. Citons le cas de Philippe Fontfrede, victime d’un harcèlement judiciaire de Vivendi-SFR après sa découverte d’une embrouille fiscale ayant coûté plus de 3 milliards aux contribuables. Nous avons aussi parlé du militant anti-nucléaire poursuivi par Areva après avoir relayé des révélations sur sa corruption; ou encore des cadres d’Altran, victimes d’odieuses dénonciations calomnieuses des dirigeants d’Altran, pour avoir refusé de couvrir leurs fraudes. La liste est longue. Que les oubliés nous pardonnent et n’hésitent pas à rajouter leur cas en bas de cet article, dans l’espace de commentaire, ou à nous le signaler en toute confidentialité à l’aide de notre formulaire d’alerte.
D’une manière générale, Deontofi.com dénonce depuis des années cette dérive pernicieuse des sources contre la liberté de l’information, comme je l’ai fait dès 2009 en tant que secrétaire général du Syndicat des journalistes CFTC, à la suite des États généraux de la presse. Puis en 2010, aux Assises internationales du journalisme, réunies au Conseil de l’Europe à Strasbourg, en présence de nombreux responsables politiques, pour réclamer «que le mensonge délibéré à la presse soit reconnu comme un délit pénal» (et non la révélation de ces mensonges, comme s’en inquiète à juste titre le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil), face aux menaces de législations liberticides en préparation ou déjà votées).
Face à la banalisation des poursuites en diffamation abusives pour étrangler la liberté de la presse, nous avons réitéré notre inquiétude dans une contribution à la revue internationale d’éthique sociétale et gouvernementale Éthique publique (n°2013-vol. 15, n°1), sous la direction de la Chaire d’éthique appliquée de l’Université de Sherbrooke (Québec, Canada). En complément du texte intégrale, nous republions ici un extrait concernant les mensonges délibérés à la presse par les sources manipulatoires et leurs procès abusifs pour instrumentaliser la justice).
Deontofi.com dénonce aussi la manipulation de la justice par les sources comme je le fais dans le cadre création de l’Observatoire de la déontologie de l’information, dont j’ai soutenu la création dès 2011. Le rapport annuel 2013 de l’ODI consacre ainsi un passage aux mensonges délibérés à la presse (p.24) tandis que le rapport annuel 2014 de l’ODI (p.27) se penche sur l’instrumentalisation de la justice pour empêcher la liberté d’information et tromper le public.
Dans le cadre de sa ligne éditoriale pour améliorer la déontologie financière, la mission de Deontofi.com est aussi de vous informer sur les pratiques des empêcheurs d’informer, comme nous allons le faire dans cette nouvelle série d’articles, notamment sur les procès douteux engagés ces dernières années par l’Afer, la célèbre Association française d’épargne retraite regroupant les souscripteurs du contrat d’assurance vie éponyme.
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