Un salarié peut légitimement refuser la mise en oeuvre d’une clause de mobilité lorsqu’elle porte une atteinte injustifiée et disproportionnée à son droit fondamental à la vie personnelle et familiale.
- Une salariée est engagée en 1987 en qualité d’attachée commerciale. À l’occasion du transfert de son contrat de travail chez un nouvel employeur en 2006, un avenant est signé prévoyant une clause de mobilité. En décembre 2007, l’employeur lui retire une partie de la clientèle de La Rochelle et lui confie le secteur de Niort, décision à laquelle l’intéressée s’oppose. En mai 2008, l’employeur lui notifie sa mutation sur le secteur de Niort. En arrêt-maladie du 23 juin au 18 juillet 2008, le médecin du travail rend un avis favorable à la reprise du travail de l’intéressée à son poste « sans déplacement supérieur à 20 km ». Le 4 juillet 2008, elle informe l’employeur de son refus de mutation sur le secteur de Niort et reprend son poste à l’agence de La Rochelle. Puis le 7 juillet, elle saisit la juridiction prud’homale en reprochant à l’employeur d’avoir modifié unilatéralement son contrat de travail. Elle est licenciée pour faute grave par lettre du 25 novembre 2008.
La cour d’appel juge que si le refus de la salariée de se soumettre à la clause de mobilité prévue à son contrat n’est pas constitutif d’une faute grave, il s’analyse en une cause réelle et sérieuse de licenciement. À l’appui de leur décision, les juges du fond retiennent qu’il ne lui a pas été demandé de déménager, sa mobilité professionnelle lui permettant de développer une clientèle dans le département des Deux-Sèvres tout en conservant une partie de son portefeuille clients sur La Rochelle, les deux agences n’étant séparées que d’une soixantaine de kilomètres et que ce n’est que pour tenir compte des prescriptions du médecin du travail que l’employeur l’a affectée à part entière sur l’agence de Niort.
Mais cette décision est censurée par la Cour de cassation qui reproche à la cour d’appel d’avoir statué de la sorte « sans rechercher concrètement, comme il le lui était demandé, si la décision de l’employeur de muter l’intéressée de La Rochelle à Niort ne portait pas une atteinte au droit de la salariée, laquelle faisait valoir que ses déplacements devaient être limités à 20 kilomètres conformément aux préconisations du médecin du travail et qu’elle ne pouvait déménager, son époux étant entrepreneur à La Rochelle, à une vie personnelle et familiale et si une telle atteinte pouvait être justifiée par la tâche à accomplir et était proportionnée au but recherché ».
- Cette décision est prise sous le visa de l’article L. 1121-1 du Code du travail qui dispose que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». La décision de mettre en oeuvre une clause de mobilité doit être dictée par l’intérêt légitime de l’entreprise (Cass. soc., 3 nov. 2004, no 03-40.158).
Mais l’employeur doit également prendre en compte la situation personnelle de l’intéressé et éviter de porter atteinte à son droit à une vie personnelle et familiale (Cass. soc., 14 oct. 2008, no 07-40.523 ; Cass. soc., 23 mars 2011, no 09-69.127). En l’espèce, la préconisation du médecin du travail et le fait que le mari de l’intéressée soit entrepreneur à La Rochelle ont joué en sa faveur.
Cass. soc., 17 oct. 2012, pourvoi no 11-18.029, arrêt no 2150 F-D
Auteur : Nathalie Gardair-Rérolle Avocat à la Cour
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