La décision prise par le CHSCT de recourir à un expert agréé 
constitue une délibération sur laquelle les membres élus du comité doivent seuls 
se prononcer en tant que délégation du personnel. En conséquence, le chef 
d’entreprise, président du CHSCT, ne dispose pas du droit de vote en cette 
matière.
LES FAITSLe comité d’hygiène, de sécurité et des 
conditions de travail d’un établissement d’une compagnie aérienne décide de 
recourir à un expert dans le cadre d’une consultation sur un projet de 
l’entreprise modifiant les conditions de travail des salariés. Cette décision a 
été adoptée par quatre voix sur huit membres présents. Parmi les membres 
présents, se trouvait le représentant du chef d’entreprise, celui-ci n’ayant pas 
pris part au vote.
Contestant la régularité de la délibération, au motif 
qu’elle n’aurait pas été prise à la majorité des membres présents, la direction 
de l’entreprise refuse de transmettre les documents réclamés par l’expert pour 
l’accomplissement de sa mission.
Estimant qu’il s’agit là d’un trouble 
manifestement illicite, le secrétaire du CHSCT et l’expert désigné saisissent 
alors le juge des référés afin que l’employeur soit condamné à remettre les 
documents précités.
LES DEMANDES ET 
ARGUMENTATIONSEn première instance, les demandeurs sont 
déboutés au motif que le trouble constaté n’était pas manifestement illicite dès 
lors que le président n’avait pas participé au vote sur la décision de recourir 
à l’expert, celle-ci devant être prise à la majorité des membres 
présents.
Cette décision sera infirmée par un arrêt du 7 décembre 2012 de 
la Cour d’appel de Toulouse. Pour les conseillers toulousains, la délibération 
était en effet parfaitement valable comme ayant été adoptée à la majorité des 
membres présents (4 sur 7), la voix du représentant du chef d’entreprise, 
président du CHSCT, devant être exclue. En effet, pour la cour d’appel, le vote 
litigieux portait sur une délibération du CHSCT agissant en qualité de 
délégation du personnel.
Au soutien de son pourvoi, l’employeur fait valoir 
des arguments de textes. Selon lui, les dispositions légales permettant au CHSCT 
de recourir à un expert sont incluses dans un chapitre portant sur les « 
modalités de fonctionnement » du comité, dans le cadre duquel le vote du 
président ne serait pas exclu. Bien plus, pour l’entreprise, la décision de 
recourir à un expert ne s’analyserait pas en une consultation au sens de 
l’article L. 2328-18 du Code du travail auquel renvoie l’article L. 4614-2 du 
même code.
LA DÉCISION, SON ANALYSE ET SA 
PORTÉELe pourvoi est rejeté :
« Mais attendu que la décision 
de recourir à un expert prise par le CHSCT dans le cadre d’une consultation sur 
un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité constitue 
une délibération sur laquelle les membres élus du CHSCT doivent seuls se 
prononcer en tant que délégation du personnel, à l’exclusion du chef 
d’entreprise, président du comité ;
Et attendu que la cour d’appel, qui a 
constaté que la délibération litigieuse était régulière dès lors qu’elle avait 
été adoptée à la majorité des membres présents après exclusion de la voix du 
président, a pu en déduire que le refus de l’employeur de communiquer les 
documents sollicités par l’expert constituait un trouble manifestement illicite. 
»
→ En décidant de recourir à un expert...Le 
CHSCT est présidé par l’employeur (C. trav., art. L. 4614-1). En tant que membre 
de cette institution, ce dernier est donc susceptible de participer à ses 
délibérations. On distingue cependant, s’agissant du droit de vote de 
l’employeur, deux types de délibérations. Lorsque le CHSCT est consulté en tant 
que délégation du personnel, il est traditionnellement admis en pratique que le 
président ne participe pas au vote. Cela est rappelé par l’administration du 
travail dans une circulaire ministérielle du 25 mars 1993 (Cir. min. DRT no 
93-15, 25 mars 1993). Bien plus, le Code du travail renvoie en la matière aux 
dispositions relatives au comité d’entreprise selon lesquelles le président ne 
participe pas aux délibérations lorsqu’il consulte les membres du comité en tant 
que délégation du personnel (C. trav., art. L. 2325-18). En revanche, s’agissant 
des délibérations relatives aux modalités de fonctionnement du CHSCT et à 
l’organisation de ses travaux, le vote de l’employeur est admis. Dans le cas 
d’espèce de l’arrêt du 26 juin 2013, la question posée – pour la première fois à 
notre connaissance – à la Cour de cassation, était celle de savoir si la 
décision de recourir à un expert agréé s’inscrivait ou non dans le cadre d’une 
consultation du CHSCT en tant que délégation du personnel. Autrement dit, 
l’employeur avait-il ou non voix au chapitre en la matière ?
En l’espèce, 
pour l’entreprise, la voix du président ne pouvait être exclue, la décision de 
recourir à un expert agréé étant relative, selon elle, aux modalités de 
fonctionnement du CHSCT. Pour fonder son argumentation, l’employeur invoquera le 
positionnement de la disposition légale relative à la faculté pour le CHSCT de 
recourir à un expert agréé. En effet, l’article L. 4614-12 du Code du travail, 
qui prévoit le recours à un expert, est inséré dans le chapitre intitulé « 
fonctionnement » du CHSCT. Un tel argument avait-il des chances de prospérer 
?
→... le CHSCT agit en tant que délégation du 
personnelLa réponse apportée par la Cour de cassation est 
clairement négative. Lorsqu’il décide de recourir à un expert dans le cadre 
d’une consultation sur un projet important modifiant les conditions de santé et 
de sécurité, les membres élus du CHSCT se prononcent en tant que délégation du 
personnel. Dans ces conditions, seules les voix de ces membres, à l’exclusion de 
celle du chef d’entreprise sont prises en compte.
Dans le cas d’espèce de 
l’arrêt du 26 juin 2013, la décision de recourir à l’expert a donc été adoptée 
valablement à la majorité de 4 membres sur les 7 présents, le 8e (l’employeur) 
étant exclu des délibérations. La Cour d’appel de Toulouse, statuant en référé, 
était donc en droit de faire cesser le trouble manifestement illicite constitué 
par le refus de l’employeur d’exécuter la décision du CHSCT. La position adoptée 
pour la première fois par les Hauts Magistrats, s’agissant du CHSCT, est 
conforme à celle prise dans le cadre du comité d’entreprise. La Cour de 
cassation a en effet jugé que l’employeur ne devait pas prendre part au vote 
relatif à la désignation d’un expert-comptable pour l’examen annuel des comptes 
(Cass. soc., 26 nov. 1987, no 86-14.530).
En pratique donc, comme le 
président du CE, le président du CHSCT ne peut voter que dans de relativement 
rares hypothèses telles que la désignation du secrétaire du comité (Cass. soc., 
10 juill. 1991, no 88-20.411). Dès qu’il s’agit pour le CHSCT d’agir sur le fond 
de sa mission, l’employeur n’a pas à intervenir.
Texte de l’arrêtLA COUR 
DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique 
:
Attendu, selon l’arrêt attaqué statuant en référé (Toulouse, 7 décembre 
2011), que consulté par la société Air France KLM sur un projet « Itinéraires 
DEF/Back office pilotage et coordination » et son impact sur les conditions de 
travail des salariés de l’escale de Toulouse, le comité d’hygiène, de sécurité 
et des conditions de travail de la société Air France Toulouse établissement 23 
(le CHSCT) a décidé, par quatre voix sur huit membres présents, lors d’une 
réunion du 25 novembre 2010, de recourir à un expert ; que le cabinet SECAFI a 
été désigné par une nouvelle résolution adoptée le 2 décembre 2010 ; que 
contestant que la délibération décidant de l’expertise ait été adoptée à la 
majorité des membres présents du CHSCT, la société Air France a refusé de 
remettre au cabinet d’expertise les documents réclamés par ce dernier ; que le 
secrétaire du CHSCT et la société SECAFI ont saisi le juge des référés du 
tribunal de grande instance pour faire cesser le trouble manifestement illicite 
résultant selon eux du refus de l’employeur de remettre les documents 
nécessaires au bon déroulement de l’expertise ;
Attendu que la société Air 
France KLM fait grief à l’arrêt d’accueillir ces demandes, alors, selon le moyen 
:
    que le trouble manifestement illicite suppose une violation évidente de 
la règle de droit ; qu’aux termes de
    l’article L. 4614-2 du code du 
travail, les décisions du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de 
travail portant sur ses modalités de fonctionnement et l’organisation de ses 
travaux sont adoptées à la majorité des membres présents conformément à la 
procédure définie au premier alinéa de
    l’article L. 2325-18 du même code  
selon laquelle les résolutions du comité d’entreprise sont prises à la majorité 
des membres présents sans exclusion de la voix du président ; 
   que 
l’article L. 4614-12 du code du travail qui permet au comité d’hygiène, de 
sécurité et des conditions de travail de désigner un expert agréé est inséré 
dans la section première « Présidence et modalités de délibération » du chapitre 
IV « Fonctionnement » du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de 
travail ; qu’aux termes de l’alinéa 2 de l’article L. 2325-18 du code du 
travail, la voix du président du comité d’entreprise n’est pas prise en compte 
dans l’hypothèse strictement définie où ce dernier consulte les membres de ce 
comité en tant que délégation du personnel ; qu’il ne peut donc être déduit de 
ces dispositions légales combinées que la décision prise par le comité 
d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de recourir à un expert 
agrée exclut nécessairement la voix de son président pour le décompte de la 
majorité, en sorte que le refus de communiquer à l’expert désigné selon ces 
modalités les documents sollicités, constitue un trouble manifestement illicite 
; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs, et a violé 
l’article 809 du code de procédure civile ;
    que l’article L. 4614-12 du 
code du travail qui prévoit que le comité d’hygiène, de sécurité et des 
conditions de travail peut faire appel à un expert agréé en cas de projet 
important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou de travail est 
inséré dans la section première « Présidence et modalités de délibération » du 
chapitre IV « Fonctionnement » du Titre premier « Comité d’hygiène, de sécurité 
et des conditions de travail » du Livre VI de la quatrième partie du code du 
travail ; qu’il en résulte nécessairement que la décision prise par le comité 
d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de recourir à un expert 
agréé est une décision relative à son fonctionnement, en sorte qu’elle doit être 
prise à la majorité des membres présents sans exclusion de la voix du président 
du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; qu’à supposer 
même que le juge des référés soit compétent pour connaître du litige, en 
décidant qu’une telle décision ne constituait pas une décision relative au 
fonctionnement du CHSCT no 23, la cour d’appel a violé les articles L. 4614-2, 
L. 2325-18 et L. 4614-12 du code du travail;
    qu’en toute hypothèse, et 
subsidiairement QUE l’exclusion du vote du président du comité d’hygiène, de 
sécurité et des conditions de travail, membre à part entière de ce comité, ne 
saurait résulter que d’une disposition légale d’application stricte ; 
    
que l’article L. 2325-18, alinéa 2, du code du travail limite strictement cette 
possibilité au cas où le président du comité d’entreprise consulte les membres 
élus du comité d’entreprise en tant que délégation du personnel ; qu’à supposer 
même que cet alinéa soit applicable aux décisions prises par le comité 
d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, la décision de recourir à 
un expert agréé ne s’analyse pas en une consultation par le président du comité 
d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail des membres de ce comité ; 
qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a, à nouveau, violé les articles L. 
4614-2, L. 2325-18 et L. 4614-12 du code du travail ;
Mais attendu que la 
décision de recourir à un expert prise par le CHSCT dans le cadre d’une 
consultation sur un projet important modifiant les conditions de santé et de 
sécurité constitue une délibération sur laquelle les membres élus du CHSCT 
doivent seuls se prononcer en tant que délégation du personnel, à l’exclusion du 
chef d’entreprise, président du comité ;
Et attendu que la cour d’appel, qui 
a constaté que la délibération litigieuse était régulière dès lors qu’elle avait 
été adoptée à la majorité des membres présents après exclusion de la voix du 
président, a pu en déduire que le refus de l’employeur de communiquer les 
documents sollicités par l’expert constituait un trouble manifestement illicite 
;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE 
le pourvoi ;
Condamne la société Air France KLM aux dépens ;
Vu l’article 
700 du code de procédure civile, condamne la société Air France KLM à payer la 
somme de 3 000 euros à la société SECAFI changement travail santé ;
Ainsi 
fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le 
président en son audience publique du vingt-six juin deux mille treize.
Cass. 
soc., 26 juin 2013, pourvoi no 12-14.788, arrêt no 1211 
FS-P+B
Auteur : Jean-Emmanuel Tourreil, Avocat à la 
Cour
Jurisprudence Sociale Lamy, n°350 
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